LES IDE AU CœUR DE L’ACCUEIL - L'Infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017

 

MIGRANTS

ACTUALITÉS

FOCUS

Sandra Mignot  

Les deux centres d’accueil pour migrants inaugurés cet hiver à Paris et Ivry-sur-Seine sont équipés d’espaces santé, où l’infirmière exerce un rôle clef.

Ici, il faut apprendre à travailler avec des interprètes, observe Sandra Heme, infirmière du Samu social qui intervient au centre pour migrants ouvert en novembre à Paris, Porte de La Chapelle. Certains sont tellement autonomes que nous devons trouver notre place pour qu’ils ne prennent pas la direction de l’entretien ! »

À ce jour, 2 276 bilans d’orientation infirmiers ont été réalisés depuis la création des deux centres d’accueil pour migrants gérés par Emmaüs solidarité pour la Ville de Paris, à la porte de la Chapelle et à Ivry-sur-Seine. Un espace santé est implanté au sein de chacun d’eux, sous la responsabilité du Samu social. « Depuis un an, nous avons développé un travail spécifique pour l’ARS auprès des personnes évacuées d’un campement de rue vers un centre d’hébergement d’urgence », résume Laure Guenneau, infirmière et responsable de la mission migrants du Samu social. Objectif : détecter les besoins en santé et orienter les personnes vers le système sanitaire de droit commun. Le bilan – sollicité par la moitié des résidents du centre – consiste en une prise de constantes (tension, glycémie capillaire, saturation en oxygène…) et la passation d’un questionnaire portant sur les problèmes de santé chroniques ou aigus du patient, son état psychique et le contexte de sa migration. Renseignées informatiquement par les infirmiers, les données peuvent ensuite être colligées de manière anonyme et remontées vers l’ARS. « Cela permet de voir quels sont les besoins et de mettre en évidence ceux qui ne sont pas couverts », observe Laure Guenneau.

Comme en santé mentale, problématique avec laquelle les professionnels se sentent extrêmement démunis. « Nous ne pouvons proposer qu’une seule consultation », observe Joëlle Rosenfeld, psychiatre bénévole qui intervient au centre de La Chapelle. Dans ce centre, la durée moyenne de séjour est de 4 à 10 jours avant que les accueillis soient confiés à un dispositif d’hébergement qui pourra se trouver n’importe où sur le territoire français. « Et pour l’orientation, la seule Pass(1) psy est à Créteil, poursuit la psychiatre. Ce qui n’est pas vraiment accessible. »

Des soins sur place

Car outre le bilan infirmier – les professionnels sont présents 7 j/7 –, le dispositif s’est étoffé. Porte de la Chapelle, sous l’égide de Médecins du monde, généralistes, psychiatres, psychanalystes bénévoles interviennent également. À Ivry-sur-Seine, où le centre est conçu pour l’accueil de femmes et de familles (et où la durée moyenne de séjour s’échelonnera entre 2 et 4 mois), pédiatres et gynécologues viennent grossir les rangs. « Nous avions constaté que le bilan infirmier générait un taux d’orientation vers les Pass et le droit commun de 80 à 90 % », explique Laure Guenneau. Avec des médecins sur place et quelques médicaments de première intention, la proportion est inversée. « Nous réglons à présent 80 % des problèmes », observe le Dr Jeannine Rochefort, médecin généraliste. Démangeai?sons ou sé?cheresse cutanées, céphalées, problèmes digestifs, angines, réactions allergiques, aphtes, sont les affections les plus courantes. Le dispositif permet aussi de traiter les cas de gale, avec une salle de douche et un vestiaire permettant de renouveler la garde-robe du patient atteint.

Orientation et lien

« Au-delà de ces diagnostics, nous orientons vers la Pass, ou vers les urgences dentaires de la Salpétrière », poursuit le médecin. La grande crainte est évidemment celle d’une épidémie infectieuse. « Nous sommes très attentifs aux patients qui toussent, à ceux qui ont maigri récemment ou qui présentent des sueurs nocturnes, voire des crachats sanglants, précise Jeannine Rochefort. En quatre mois, nous avons eu 9 ou 10 cas de tuberculose. Dans le centre, les migrants sont hébergés en chambre de quatre, il faut donc intervenir rapidement. » « Nous sommes dans l’orientation et le lien, résume Sandra Heme. Si l’on arrive du Soudan, on peut imaginer combien il est difficile pour une personne de s’orienter dans une ville et un système de santé européens. Nos bénévoles vont l’accompagner et lui donner des re?pères pour son autonomie. »

De retour de la Pass, chaque patient est revu afin de savoir si les examens et diagnostics complémentaires nécessitent qu’il reste sur Paris quelques jours de plus, ou bien s’il peut partir en centre d’hébergement. « Nous formulons des recommandations qui sont globalement suivies, observe Jeannine Rochefort. Notamment si nous estimons qu’il vaut mieux qu’un patient réside à proximité d’un CHU ou, a minima, d’un CHR. »

1- Permanences d’accès aux soins de santé.