LA PRESCRIPTION INFIRMIÈRE ENCORE TROP MÉCONNUE - L'Infirmière Magazine n° 380 du 01/03/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 380 du 01/03/2017

 

SEVRAGE TABAGIQUE

ACTUALITÉS

FOCUS

AURÉLIE VION  

Depuis un peu plus d’un an, les infirmières peuvent prescrire des substituts nicotiniques. Mal (in) formées, elles passent encore trop peu à la pratique.

C’est une nouvelle compétence qui est passée presque inaperçue : depuis la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé, les infirmières sont autorisées à prescrire des traitements de substituts nicotiniques au même titre que les médecins, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes ou les kinésithérapeutes. L’ordonnance ouvre droit à un forfait de prise en charge passé de 50 à 150 € par an depuis le 1er novembre 2016(1). « On constate globalement un manque d’information, regrette Karim Mameri, secrétaire général du Conseil national de l’ordre infirmier. Avec 73 000 morts chaque année imputables au tabac, les IDE ont pourtant un rôle important à jouer en termes de prévention. » L’Association française des infirmiers (ères) en tabacologie (Afit) avait réalisé en mai dernier un mini-sondage auprès de 159 infirmières généralistes. Bilan : une très large majorité d’entre elles méconnaissaient totalement cette nouvelle compétence.

En outre, la prescription implique un suivi – prévention des rechutes, repérage des signes de sous et surdosage, etc. – qui nécessite une formation faisant parfois défaut en Ifsi, comme le déplore Karim Mameri : « J’ai échangé avec des étudiants en fin de cursus qui n’étaient même pas au courant… » Isabelle Hamm, la présidente de l’Afit, le confirme : « La réalité de terrain est très disparate. Pour ma part, la durée de mes interventions en Ifsi est passée de 6 à 2 heures pour aborder toute la tabacologie, ce qui fait très peu ! »

Vers une prescription systématique à l’hôpital ?

En lien avec le Respadd – le réseau de prévention des addictions –, l’Afit est en train de constituer un module de formation de 3 h sur la prescription infirmière. Le Respadd diffuse également une fiche pratique pour permettre aux IDE hospitalières de repérer systématiquement tous les fumeurs à l’admission pour leur proposer une substitution nicotinique. « La démarche se veut très simple. L’infirmière pose trois questions au patient. S’il est fumeur, elle lui explique qu’il est interdit de fumer à l’hôpital et que le tabagisme est contre-indiqué avec de nombreux traitements », indique le Pr Bertrand Dautzenberg. Le pneumologue est à l’origine du projet aujourd’hui mis en pratique dans neuf services de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). « L’idée n’est pas de dire d’emblée “Vous devez arrêter de fumer”, ce qui risquerait de le braquer, mais de dire “Voici les solutions que je peux vous proposer pour diminuer les signes de manque et améliorer votre confort”. L’IDE peut ensuite passer le relais au médecin ou à l’infirmière tabacologue qui pourront effectuer une prise en charge jusqu’à la sortie de l’hospitalisation avec pour objectif une réduction, voire l’arrêt complet du tabac. » « 80 % des patients acceptent », se félicite le Pr Dautzenberg. Un chiffre plus qu’encourageant.

1- Seuls les femmes enceintes, les 20-30 ans, les bénéficiaires de la CMU complémentaire et les patients en ALD cancer pouvaient jusqu’alors bénéficier d’une prise en charge de 150 €.

EN PRATIQUE

→ L’ordon-nance doit être exclusivement consacrée aux substituts nicotiniques.

→ L’IDE doit renseigner le nom du produit et son dosage, la posologie, la durée du traitement et le nombre d’unités de conditionnement.

association-infirmiere-tabacologie.fr

respadd.org