CHARLOTTE LÉCOT INFIRMIÀRE AU CENTRE DE SOINS, D’ACCOMPAGNEMENT ET DE PRÉVENTION EN ADDICTOLOGIE DE L’ASSOCIATION CHARONNE, PARIS - L'Infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017

 

RENCONTRE AVEC

CARRIÈRE

PARCOURS

F. R.  

“Leur parcours de soins n’est pas linéaire, à l’image de leur trajectoire de vie ; l’important est qu’ils restent en lien avec le soin”

Étudiante, je ne voulais pas devenir infirmière pour travailler en Csapa ! L’addictologie, j’y suis arrivée par hasard », lance Charlotte Lécot. Bénévole au dispensaire parisien de Médecins du monde, l’infirmière découvre l’existence de son émanation, l’association Gaïa. Intéressée par son action, elle profite d’un poste vacant pour déposer sa candidature. D’abord embauchée sur le programme expérimental – Fibroscan Île-de-France –, elle intègre ensuite l’antenne mobile du centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues (Caarud) de Gaïa, avant de rejoindre le Csapa Charonne. « J’avais envie de connaître un autre versant de l’addictologie : le soin, de voir l’effet que pouvait avoir la délivrance de traitements sur les patients que je recevais et de travailler sur une unité fixe », explique l’infirmière de 29 ans.

→ À leur rythme. Les publics précaires, cumulant addictions, pathologies somatiques voire psychiatriques, souvent sans domicile fixe, parfois sans droits, victimes de stigmatisation, Charlotte Lécot a appris à les connaître. « Peu à peu, à leur contact, on déconstruit les représentations avec lesquelles on arrive. Ils m’ont beaucoup appris. Souvent, ils ont eu des parcours de vie très chaotiques. Aujourd’hui, ils cherchent à entamer une démarche de soin, cela dans des conditions très difficiles, c’est courageux », estime-t-elle. La plupart sont polyconsommateurs mais « ce sont eux qui identifient avec quel (s) produit (s) ils ont un problème majeur. Nous, nous les accompagnons en partant de leurs souhaits. Nous n’avons pas à penser à leur place », insiste-t-elle. Pour l’infirmière rôdée à la réduction des risques (RDR), cela peut aussi passer par l’accompagnement des usages. « Leur parcours de soins n’est pas linéaire, à l’image de leur trajectoire de vie ; l’important est qu’ils restent en lien avec le soin. C’est difficile de changer ses habitudes d’un coup. On n’impose pas aux diabétiques de cesser de manger tout sucre… », analyse-t-elle.

→ Humain et varié. La relation humaine, la pluridisciplinarité, l’absence de hiérarchie, les échanges permanents, le suivi global des patients sur le long terme font que Charlotte Lécot éprouve « tous les jours un grand plaisir à aller au travail ». S’y ajoute la diversité des tâches : outre les entretiens, le suivi des traitements et autres soins « classiques », elle apprécie par exemple de pouvoir pratiquer l’auriculothérapie, à laquelle elle s’est formée, pour soulager l’angoisse, les troubles du sommeil ou encore le craving. Tisser des liens avec des services extérieurs, construire des partenariats ou encore visiter des patients à l’hôpital ou à leur domicile l’enchantent aussi. « Nous disposons d’un pôle résidentiel avec des appartements thérapeutiques. C’est intéressant de se rendre chez les personnes.On voit comment elles ont investi l’espace et ça permet d’objectiver certaines de leurs difficultés », assure-t-elle. Ne pas devoir travailler en blouse blanche, sortir du cadre de l’hôpital et de la pression qui s’y exerce – « même si en Csapa on voit beaucoup de patients » –, avoir des horaires classiques pèsent aussi dans la balance.

→ Un univers dynamique. Pour Charlotte Lécot, qui un temps avait envisagé de partir en mission humanitaire « pour faire du développement, pas de l’urgence », travailler en addictologie, domaine en perpétuelle évolution, permet aussi d’innover. C’est ainsi que l’infirmière effectue de l’analyse de drogues, initiative que l’équipe essaie désormais de développer en mobile avec l’un des Caarud de Charonne. « Il y a plein de choses à faire : élargir la palette des produits de substitution, monter des projets de séjours de rupture… » Et de déplorer : « S’il y a tant de personnes malades aujourd’hui, c’est qu’on a encore peu avancé sur ces questions ! » En Csapa, la dimension militante n’est jamais bien loin. Finalement, Charlotte Lécot n’est peut-être « pas arrivée là totalement par hasard… »

MOMENTS CLÉS

2009 : DE infirmier.

2009-2011 : Effectue de l’intérim, exerce en Ssiad, prépare un DU action humanitaire et droit à Paris 8.

2011-2014 : Bénévole au dispensaire parisien de Médecins du monde (Caso), puis sur sa mission Lotus Bus, elle intègre l’association Gaïa, créée par MDM, où elle exerce notamment sur son Caarud (antenne mobile).

2014 : Intègre le Csapa Charonne.

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