Le traitement de la douleur du patient brûlé - L'Infirmière Magazine n° 377 du 01/12/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 377 du 01/12/2016

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

SOPHIE KOMAROFF  

La recherche d’une analgésie optimale est une priorité absolue chez la victime d’une brûlure compte tenu des conséquences sur les plans physique et psychique de la douleur. Charge au soignant de bien l’évaluer pour mieux soulager les patients.

La douleur par brûlure est nociceptive, c’est-à-dire qu’elle est générée par un excès de stimulation des nocicepteurs, qui sont les récepteurs de la douleur. Elle a une fonction d’alarme car il y a une lésion physique. La douleur est due à la brûlure elle-même, majorée par les mouvements, et concerne la zone affectée mais aussi celles avoisinantes. Pour rappel, l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) définit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes ».

Intensité selon les degrés

S’agissant de brûlures, les atteintes superficielles génèrent des douleurs aigües. À l’inverse, dans le cas des brûlures du 3e degré, la zone lésée est insensible en raison de la destruction des récepteurs. « La douleur diffère selon l’étendue et le type de degré de la brûlure », confirme Martine Damade, cadre de santé au service de chirurgie plastique et de la main du CHU de Rouen. De plus, les lésions qui affectent certaines parties du corps très innervées (visage, périnée, siège, mains, plantes des pieds, etc.) sont particulièrement douloureuses. « Les brûlures du 2e degré sont extrêmement douloureuses. Il importe de tenir compte du caractère subjectif de la douleur, car celle-ci dépend de la mémoire du patient en la matière. Son vécu joue beaucoup. La prise en charge rapide est essentielle afin d’éviter cet effet de mémoire douloureuse. En effet, plus la prise en charge de la douleur intervient tardivement après la brûlure, plus le cerveau en gardera trace, au point que son souvenir peut se révéler insupportable pour la victime. »

La douleur est un élément subjectif et individuel, et peut être parfois difficile à verbaliser. Il revient au soignant de tenter de cerner celle-ci et son ressenti. Quelle que soit la façon dont la douleur s’exprime, le patient doit voir sa plainte écoutée, en gardant à l’esprit qu’il n’y a pas de relation entre l’importance de la lésion et la douleur exprimée.

La douleur psychologique

L’altération du revêtement cutané a de nombreux retentissements chez le patient : image de soi, social, familial, schéma corporel chez l’enfant… La brûlure relève en outre de la pathologie d’urgence. « C’est quelque chose d’imprévu qui donne un coup d’arrêt dans le déroulement de la vie de la victime. Cette dimension est également à prendre en compte », estime Martine Damade. Les soignants seront particulièrement vigilants concernant la douleur générée par les soins. « Ce sont des temps longs qu’il convient d’anticiper, en termes d’organisation et d’antalgie, insiste Marie-Pierre Bernasque, infirmière au service de chirurgie plastique du CHU de Rouen. Les soins, notamment la réalisation de pansements, ne doivent pas être effectués à la va-vite. Les brûlures longues à guérir et importantes en particulier sont à traiter au cas par cas, selon l’évaluation réalisée sur le moment. Cela va dans le sens du confort du patient, mais aussi du soignant. »

À la mise en place d’un traitement analgésique s’additionnent l’accompagnement, les explications et la réassurance mis en œuvre par le soignant. « C’est un temps précieux pour la mise en confiance du patient et son acceptation des soins. L’angoisse, majorée par ceux-ci, peut accentuer la sensation douloureuse », poursuit Marie-Pierre Bernasque.

Évaluer la douleur

Le choix d’une méthode d’évaluation de la douleur adaptée au patient revient au soignant. L’évaluation de la douleur relève du rôle propre de l’IDE. Si le patient est conscient, il est possible de recourir à l’échelle visuelle analogique ou à l’échelle numérique. Lorsqu’il est difficile pour le patient de donner un chiffre correspondant à sa douleur, l’échelle verbale simple, moins abstraite pour celui-ci, est privilégiée.

Lorsque le patient n’est pas en mesure de communiquer, le soignant évalue la douleur via l’observation du comportement et des paramètres physiologiques.

Soulager la douleur

La lutte contre la douleur comprend l’administration d’antalgiques de pallier 1 à 3. L’utilisation de mélange équimolaire oxygène protoxyde d’azote (Meopa) est contre-indiquée lors de défaillance vitale. Lors de brûlures graves, étendues et à un degré élevé, la sédation est mise en œuvre. Pour les brûlures moindres, la priorité est à l’analgésie.

L’installation du patient intervient également dans la lutte contre la douleur. « Il convient de surélever un membre brûlé, afin qu’il ne soit pas pendant, indique Martine Damade. L’installation est pensée pour réduire les œdèmes, donc diminuer la douleur. Les matelas antiescarres sont également utiles pour soulager les patients brûlés aux membres inférieurs. »

L’alimentation, lors du processus de guérison, joue également un rôle important. Hyperprotéïnée et hyperprotidique, elle favorise le processus de cicatrisation, corrélée à la douleur.

Chez l’enfant

Le traitement antalgique peut avantageusement être complété par des moyens tels que la distraction (lire un livre ou raconter une histoire), la relaxation (mimer la respiration pour faire des bulles de savons en soufflant dans une paille), voire l’hypnose. La présence d’un ou des parents atténue aussi la détresse de l’enfant. Lorsque c’est possible, les soins douloureux sont réalisés en leur présence. Il importe également d’apporter à l’enfant une information adaptée à ses capacités cognitives sur la cause de la douleur et celle induite par les soins.

À noter qu’une brûlure grave est un événement majeur dans la vie d’un enfant. Une prise en charge de la douleur inadaptée en phase initiale peut générer des séquelles psychologiques chez celui-ci.

Conséquences d’une douleur non prise en charge

Sur le plan somatique, elles sont de plusieurs ordres. Le stress métabolique et l’hypermétabolisme sont accrus par la douleur. De plus, celle-ci ne favorise pas, voire freine, la mobilisation. Les syndromes confusionnels, l’agressivité, le délire, les troubles comportementaux peuvent découler d’une mauvaise gestion de la douleur en phase aiguë. Cette dernière pourrait également induire un syndrome de stress post-traumatique, voire dépressif

ETUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’UE et extrait de leur contenu :

→ UE 2.1.S1 « Biologie fondamentale » (compétence 4) : le cycle cellulaire, les différenciations cellulaires et la notion de tissus, les types et structures de cellules, vie cellulaire et le fonctionnement des cellules excitables ;

→ UE 2.2.S1 « Cycles de la vie et grandes fonctions » (compétence 4) : aspects anatomiques et physiologiques (respiratoire, digestive, cardiaque, élimination) ;

→ UE 2.3.S2 « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » (compétence 1) ;

→ UE 2.4.S1 « Processus traumatiques » (compétence 4) ;

→ UE 3.1.S1 « Raisonnement et démarche clinique infirmière » (compétence 1) : jugement et démarche clinique infirmière (signes et symptômes, risques, diagnostics infirmiers, suivi et évaluation…) et UE 3.1.S2 : recueil de données cliniques, examen clinique, lecture des signes, transmissions ;

→ UE 4.3.S2 « Soins d’urgence » (compétence 4) : identifier l’urgence à caractère médical, pratiquer les gestes de secours en attendant l’arrivée d’une équipe médicale et UE 4.3.S4 : la hiérarchie des actions dans l’urgence, la démarche de soins, la surveillance de la conscience et de la vigilance, bilans neurologiques, le rôle des Samu, Smur, CUMP, les protocoles de soins d’urgence, etc.