À L’ÉCOUTE DU SECOURISTE - L'Infirmière Magazine n° 377 du 01/12/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 377 du 01/12/2016

 

INFIRMIER DE SAPEURS-POMPIERS

ACTUALITÉS

COLLOQUES

MARIE-CAPUCINE DISS  

Les 10e Journées de l’Association nationale des infirmiers de sapeurs-pompiers (Anisp), mi-novembre à Arcachon (33), ont fait la part belle au soutien psychologique et l’articulation avec les forces de sécurité intérieure.

Psychologue au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Finistère, Alain Zanger a présenté l’importance du rôle infirmier pour le dépistage et la prise en charge d’éventuelles difficultés psychologiques de la part des sapeurs-pompiers. Plus proche sur le terrain et « faisant moins peur que le psychologue », l’infirmier de sapeurs-pompiers (ISP) est plus à même de repérer d’éventuels dysfonctionnements et de recueillir la parole d’un secouriste en souffrance. En prévention primaire, dès la visite d’aptitude, il peut écouter un sapeur-pompier évoquer des difficultés suite à une intervention, des problèmes liés à l’organisation du travail, ou des problèmes familiaux. Alain Zanger a souligné l’importance de faire part rapidement de ses observations au médecin d’astreinte ou au psychologue de l’unité afin de prendre le temps de choisir la réponse appropriée. Et ce, quel que soit le stade de prévention où l’on se situe.

Psychoéducation

En prévention secondaire, c’est bien souvent l’ISP qui peut activer une unité de soutien psychologique. Au cours d’une opération, il peut discerner le caractère particulier d’une situation, notamment si le nombre de victimes est élevé, ou observer toute réaction inhabituelle des pompiers. Il peut alors leur apporter un premier secours psychologique. Par sa fonction d’accueil sanitaire, l’ISP se montre contenant envers eux et contribue à leur stabilisation psychophysiologique. Grâce à la psychoéducation, il peut aider un secouriste qui a vécu un événement difficile en lui permettant de mettre des mots sur ce qu’il vient de vivre. Le psychologue breton souligne ainsi l’importance de rassurer les sapeurs-pompiers après de tels événements et de « leur expliquer que ce n’est pas anormal de repenser à la situation, ou d’avoir du mal à dormir les jours suivants. Il faut leur dire que ces réactions ne sont pas inadaptées à ce qu’ils viennent de vivre. S’il ne se sent pas bien dans le post-immédiat, un secouriste aura tendance à se remettre en question. En parler permet d’éviter qu’il ne se renferme sur lui-même avec des questionnements négatifs ».

Outils de mesure adaptés

L’ISP peut en parallèle réaliser un premier triage psychologique. Un outil comme le modèle Crash(1) permet notamment d’évaluer si la situation rencontrée est susceptible de générer un traumatisme, un épuisement ou si elle est dépressogène. Alain Zanger a rappelé l’importance de prendre le temps de l’analyse et de la réflexion en unités de secours psychologique (USP) afin d’éviter un recours trop systématique et inadapté aux cellules de crise. En prenant en compte le type de situation, les signes cliniques de la victime et de son degré d’implication dans l’accident, une vingtaine de réponses différentes peuvent être proposées. L’ISP peut ensuite participer aux interventions de support psychologique : un débriefing en cas de situation potentiellement traumatogène, ou un groupe de soutien afin de favoriser une ventilation émotionnelle suite à une situation de type depressiogène.

Suite aux attentats qu’a connus notre pays, les différents intervenants du congrès ont insisté sur l’importance d’une meilleure articulation avec les forces de sécurité intérieure. Claude Gonzalez, médecin chef de la Police nationale, a lancé un appel officiel aux ISP : les effectifs du service de santé de la Police nationale étant très réduits, les ISP seront de plus en plus sollicités auprès des policiers en intervention.

De son côté, Jocelyne Leyserre, coordinatrice des 45 IDE de la Police nationale, a présenté leur activité dans les hôtels de Police, les écoles de la Police nationale et secrétariats généraux régionaux. Avec près de 10 000 agents recrutés cette année, un important travail de visites d’incorporation a été réalisé. L’intervenante a également souligné l’importance de la collaboration avec les ISP pour l’élaboration des protocoles de soins infirmiers d’urgence.

1- Le modèle Crash, élaboré par Erik De Soir, psychologue et sapeur-pompier belge, suite à un incendie dans un hôtel d’Anvers en 1994, se concentre sur trois dimensions : le type de victimes, le type d’événement et le type de prévention.