Ces études qui font de nous de meilleurs soignants - L'Infirmière Magazine n° 374 du 01/09/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 374 du 01/09/2016

 

FORMATION

LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE

P. W.-T.*   C. F.-R.**  

Améliorer la communication avec le patient sans pour autant amputer de temps aux soins « techniques », c’est possible ! Différentes études montrent ainsi l’impact des attitudes, mais également des mots, des couleurs ou des odeurs, sur le ressenti.

Le soin au patient est une notion vaste, qui englobe bien entendu les gestes techniques, appris, répétés et maîtrisés, mais également la relation à l’autre. C’est la relation de soin. L’attitude du soignant est maintenant reconnue comme ayant un impact majeur sur la qualité de la prise en charge, qui est dès lors considérée dans sa globalité. Le nombre grandissant d’études scientifiques sur le sujet, ainsi que les nombreux travaux de fin d’étude, sont autant de preuves de l’intérêt que porte la profession à la relation de soins. Pour que celle-ci soit satisfaisante, il faut bien évidemment que la communication soignant/soigné soit satisfaisante. Or, cet aspect de la prise en charge, bien qu’admis comme essentiel, en pâtit dès lors que le temps est compté(1). Si, par manque de temps, il faut faire un choix entre la technicité et une communication efficace, que doit-on privilégier ? Et que choisirait le patient s’il avait voix au chapitre ? Est-il inenvisageable de lier les deux notions ?

Il est pourtant possible d’améliorer la communication de manière très naturelle, sans pour autant amputer de temps aux soins « techniques ». Une attitude, un langage corporel ou le choix de nos mots peuvent ainsi améliorer considérablement l’impact d’un message sur le patient. Les neurosciences se sont penchées sur ce sujet, et différentes études montrent l’effet des comportements, mais également de l’environnement, sur le ressenti.

1. L’EFFET PYGMALION

Contrairement à de nombreuses situations relationnelles, et comme l’a souligné le philosophe Paul Ricœur(2), la relation de soins est toujours asymétrique : une personne a besoin de soins, une autre les lui apporte. Cette relation doit néanmoins être basée sur la confiance afin d’être de bonne qualité. La confiance du patient est bien entendu essentielle, mais celle de notre hiérarchie également. L’influence que nos « supérieurs » ont sur nos capacités est appelée « la prophétie auto-réalisatrice ». Ceci est basé sur une expérience menée par Robert Rosenthal dans les années 60, aux États-Unis(3).

De l’influence des préjugés : l’expérience de Rosenthal

À l’origine de ce travail, une interrogation : « Peut-on aider un élève à progresser si on élimine chez les enseignants les préjugés liés à son origine ? » Pour répondre à cette question, l’équipe de Rosenthal a fait croire aux enseignants d’une école californienne que certains de leurs élèves étaient surdoués. En début d’année scolaire, les psychologues ont fait passer des tests de QI à des élèves d’une école primaire, toutes classes confondues, où de nombreux élèves étaient en situation d’échec scolaire. Les chercheurs ont alors, au hasard, désigné cinq élèves par classe, et fait croire à leurs enseignants que les tests de ces derniers montraient une susceptibilité de progression spectaculaire au cours de l’année. Les mêmes tests ont été à nouveau effectués en fin d’année scolaire. Les élèves, désignés au hasard comme prometteurs, ont réalisé des progrès significativement plus importants que les autres, comme le montre le graphique ci-contre (les grades 1 à 6 correspondent au niveau de classe, c’est à dire du CP à la 6e dans notre système scolaire). Cette progression est surtout importante pour les petites classes, comme le CP et le CE1 (grade 1 et 2). Par ailleurs, les élèves « désignés » ont été décrits par leurs professeurs comme plus performants et plus agréables. Rosenthal explique ces résultats par le fait que, si un « supérieur » vous croit compétent, son attitude envers vous va vous rendre plus compétent : en se sentant plus en confiance, on progresse d’avantage.

Quid dans la relation de soin

Bien entendu, cet « effet Pygmalion » ne résout pas tout et ne fait pas de miracle ! Toutefois, montrer à son entourage, à ses collègues, à ses élèves, que l’on croît en eux semble être un gage d’amélioration de leurs performances. Dans cette optique, les éléments de communication sont essentiels, que celle-ci soit gestuelle ou verbale.

La compréhension de cet effet Rosenthal peut également questionner les jugements qui sont parfois portés sur les patients et leur entourage. Ainsi, lorsqu’un soignant émet un jugement « à l’emporte-pièce », le plus souvent négatif, lors de transmissions, l’impact de cette information sur la communication mise en place par les autres membres de l’équipe risque fort d’être d’emblée connotée négativement. À l’inverse, une remarque positive a de grandes chances de renforcer une communication favorable de la part des autres soignants.

S’il est difficile, voire impossible de ne pas porter de jugement sur les comportements des personnes soignées et/ou des membres de leur entourage, mesurer l’impact des propos tenus par les soignants entre eux sur la relation soignant/soigné est d’un grand intérêt dans la démarche de qualité des soins menée par les équipes.

2. L’IMPACT DE L’ENVIRONNEMENT

Dans le même ordre d’idée, il est maintenant prouvé que notre environnement a un impact sur nos actes et sur nos ressentis. À nouveau, les neurosciences se sont penchées sur cet aspect afin d’apporter des éléments de preuve à ce qui nous semble évident.

Le pouvoir des couleurs

L’influence des couleurs et le pouvoir de la colorthérapie sont connus : nous savons que les couleurs chaudes (rouge, orange, jaune) ont un pouvoir dynamisant et stimulant, qu’elles favorisent l’adaptation et l’entrain. Les couleurs froides, comme le bleu, l’indigo, le violet, ont, elles, un effet sédatif et apaisant. Des scientifiques ont étudié l’état émotionnel et le degré de stress des personnes vivant au bord de la mer, et qui contemplent le bleu de l’eau chaque jour. Ces dernières étaient significativement moins anxieuses que celles vivant à la campagne, où le vert prédomine dans leur environnement.

En 2009, le Dr Lucien Mias et l’équipe soignante de l’unité de soins de longue durée (USLD) du centre hospitalier de Mazamet ont publié un article sur le pouvoir des couleurs dans l’environnement et dans le soin(4). Par exemple, les personnes âgées présentant des troubles cognitifs auront du mal à se repérer dans l’espace, et les informations telles que « votre chambre est la troisième sur la droite » ne seront pas prégnantes pour eux. Par contre, différencier les chambres par des portes de couleurs apportera des informations supplémentaires qui aideront les résidents à se diriger efficacement. Le Dr Mias propose un tableau dans lequel chaque couleur est associée à ses effets psychologiques et physiologiques : le rouge – la couleur de la vitalité – a ainsi une grande influence sur l’humeur ; il augmenterait les fonctions physiologiques comme la tension musculaire et la pression sanguine. Le orange, lui, stimule l’appétit, le vert soulage les migraines, le bleu calme le pouls… Il serait probablement souhaitable d’adapter l’environnement hospitalier en tenant compte de l’ensemble de ces données.

L’empire des odeurs

Une équipe suisse a également travaillé sur l’impact de l’environnement sur notre comportement. Les chercheurs ont enlevé les poubelles de deux pièces dans lesquelles des employés avaient l’habitude de travailler. Dans l’une de ces pièces, à la place de la poubelle, ils avaient mis un écriteau : « Merci de laisser cette pièce propre. » Dans la seconde, pas d’écriteau, mais la diffusion d’une odeur de citron. À la fin de la journée, dans la pièce dans laquelle il y avait l’écriteau, les personnes avaient déposé ce qu’ils avaient à jeter à l’emplacement initial de la poubelle, mais par terre. Par contre, la pièce à l’odeur de citron est restée parfaitement propre. Les gens étaient allés jeter leurs ordures ailleurs. Il semble que l’odeur de citron, qui évoque le frais, le propre, les produits ménagers, ait incité à préserver cette propreté. On peut donc penser que la stimulation de nos sens dans notre environnement influe sur notre comportement et notre ressenti. En effet, nous avons tous ce que nous appelons notre « madeleine de Proust ». Dans À la recherche du temps perdu, l’auteur défini ce concept comme celui selon lequel une odeur, un goût, un geste, peut brutalement faire remonter un souvenir émotionnel et, à travers lui, une sensation. Un parfum est associé à un moment, à une personne, à un sentiment. Le sentir dans un autre contexte peut nous apaiser instantanément.

L’effet groupe

L’environnement influence donc notre comportement et nos ressentis, mais les actes des autres également. L’expérience de Solomon Ash(5), en 1962, est pour cela édifiante, et toujours d’actualité : il s’agit d’entrer dans un ascenseur à 3 ou 4 personnes, complices de l’expérience, et de tourner le dos à la porte de l’ascenseur. Quand une nouvelle personne entre, bien que consciente de l’attitude incohérente des « complices », elle va naturellement, elle aussi, tourner le dos à la porte. D’après Ash, ce qui pousse chacun à se conformer à une « norme », serait de quatre ordres :

– éviter le conflit et le rejet des autres ;

– le manque d’informations : le cobaye ne sait pas si il n’est pas préférable de tourner le dos à la porte ;

– la pression normative : il est plus prudent d’adopter le comportement du groupe ;

– l’aspect attractif du groupe.

3. LES NEURONES MIROIRS

Au-delà de l’aspect anecdotique de cette expérience, l’utilisation des neurones miroirs est à prendre en compte dans notre relation à l’autre. Ces fameux neurones miroirs ont été découverts par le neurophysiologiste Giacomo Rizzolatti dans les années 90, tout d’abord chez le singe, puis chez l’homme. Il nous apprend que le système miroir est impliqué dans les fonctions motrices, mais également pour les apprentissages et les interactions sociales. Le sourire entraîne le sourire, le calme incite au calme, la détermination de l’un provoque celle de l’autre, etc. C’est un phénomène que nous connaissons tous : le bâillement n’est-il pas contagieux ? Là encore, ce sont les neurones miroirs qui sont à l’origine de ce phénomène d’échokinésie. Ils nous permettent de décoder l’intention de l’autre. Ils sont à la base de l’empathie, c’est-à-dire de notre aptitude à ressentir les émotions de l’autre. Utiliser nos neurones miroirs permet donc de créer un lien, de communiquer par le langage corporel, et souvent d’amener l’autre au calme et à l’apaisement par notre propre attitude. Une autre application de l’utilisation des neurones miroirs est celle de la prise en charge de la douleur. En électrophysiologie, on a effectué des enregistrements d’activité neuronale de la région antérieure du cortex cingulaire. Ceux-ci ont montré que certains neurones répondent aussi bien lors de l’application de stimuli douloureux sur la main que lors de l’observation de ces mêmes stimuli appliqués sur d’autres personnes. La perception directe de la douleur comme son évocation sont liées à un mécanisme miroir de l’empathie, le mécanisme de la compréhension d’autrui. Regarder quelqu’un souffrir provoquant donc une vraie sensation de douleur, on peut imaginer que l’inverse est vrai, et qu’administrer un soin potentiellement douloureux à un patient en présentant un visage souriant, apaisant, et détendu, en utilisant les bons mots et les bonnes expressions faciales, diminuerait donc la sensation douloureuse du patient.

4. TOUCHER ET RELATION

Depuis quelques années, des travaux ont mis en évidence la manière dont le toucher entre humains avait une place prépondérante dans l’apaisement qu’il peut procurer. Les neuroscientifiques ont élaboré une carte somesthésique (Voir schéma p. 44) identifiant les zones du cortex somato-sensoriel qui reçoivent les messages lorsque le corps est touché. Plus récemment, une description des projections du « toucher émotionnel » sur le cortex cérébral a pu être réalisée, mettant en lumière qu’il existe une forte concentration des fibres du toucher émotionnel dans le dos, les épaules, le cuir chevelu et les avant-bras.

Adapter le toucher

Ces découvertes permettent de valider des observations cliniques déjà effectuées. Au-delà de ces confirmations, elles permettent de mieux adapter, de façon intentionnelle, notre façon de toucher à la fois les personnes soignées, leur entourage, mais aussi au sein d’une équipe. Ainsi, il a été mis en évidence qu’au sein des équipes gagnantes du championnat NBA(6), les coéquipiers provoquaient 50 % de contacts physiques en plus (tapes dans les mains, accolades, etc.).

Les applications de ces connaissances peuvent être multiples, comme une augmentation de l’adhésion des patients à leur traitement ou l’augmentation de leurs capacités d’apprentissage dans le cadre de l’éducation thérapeutique. Des chercheurs en psychologie sociale(7) ont par exemple amélioré l’acceptation d’une situation imprévue en menant l’expérience suivante : demander à des passants de bien vouloir garder un gros chien très remuant pendant que le propriétaire entre dans une pharmacie dont l’accès est interdit aux animaux. Dans 65 % des cas, les gens refusaient, prétendant « manquer de temps ». En les touchant de manière anodine, le taux de refus est descendu à 45 %.

L’avant-bras, zone sensible

Les avancées dans le domaine du toucher se poursuivent. En 2015, des chercheurs suédois(8) ont découvert que les fibres « afférences C-tactiles non myélinisées de la peau pileuse » réagissent de façon plus fréquente lorsqu’elles sont effleurées à la vitesse typique d’une caresse, comprise entre 1 et 10 cm par seconde. L’une des zones les plus sensibles est l’avant-bras sur lequel le soignant pose aisément la main quand le patient vit un moment difficile.

Les applications de ces découvertes sont multiples. Ainsi, Sander Koole(9) a mis en évidence en 2014 que le fait de poser la main sur l’épaule d’un patient au moment de lui tendre un questionnaire diminue son angoisse. Cet effet est majoré chez les personnes manquant de confiance en elles. Tout soignant a fait l’expérience de tenir la main d’une personne pendant un geste invasif et de constater que cela améliore sa capacité à supporter la douleur ou l’anxiété.

Dans le cadre de pathologies sévères, une expérience a été menée auprès de 44 patients opérés du cœur ou atteints d’infections pulmonaires. Ces patients ont été répartis en deux groupes : un groupe a suivi un programme de convalescence classique, dans l’autre groupe les patients ont reçu pendant 30 minutes chaque jour des massages au niveau des mains, des pieds, de l’estomac, de la tête, du visage et enfin de la poitrine et des jambes. Ce traitement a eu un effet sur de nombreux indicateurs physiologiques, et particulièrement la fréquence cardiaque. Les prescriptions de tranquillisants ont baissé, tout comme le sentiment de peur éprouvé par les patients.

5. UTILISER LES BONS MOTS

Dans la communication, le langage corporel et la voix ont une importance capitale, mais il ne faut pas minimiser le pouvoir des mots, même s’ils ne représentent que 7 % de la communication (lire p. 43). En effet, il faut savoir que le cerveau n’entend pas la négation. Combien de fois par jour entendez-vous ou dites-vous « Il n’y a pas de problème », « Il n’y a pas de soucis » ? Si vous, vous comprenez que les choses vont bien se dérouler, votre cerveau lui retient les mots « problèmes » et « soucis ». Pour illustrer ce propos, citons une expérience menée aux États-Unis sur des élèves qui ont été séparés en deux groupes. Parents et enseignants du premier groupe ont été entraînés à utiliser des mots positifs pour commenter les résultats des enfants : ils disaient par exemple « C’est bien, tu peux faire encore mieux » au lieu dire « Ce n’est pas mal ». L’entourage du second groupe n’avait aucune indication sur les termes à employer. Bien entendu, il n’était pas question de dire à un enfant qu’un zéro était une bonne note, mais l’encouragement à faire mieux était toujours de mise. Les élèves ont été retrouvés des années plus tard, à l’âge adulte, et les chercheurs ont constaté que le groupe « mots positifs » était significativement plus heureux : ils avaient une vie professionnelle plus riche et des relations familiales et amicales plus épanouies. Ils avaient d’avantage confiance en eux, ce qui leur avait permis de performer dans différents domaines de leur vie. L’exemple d’Alexandre, 12 ans, est édifiant : Alexandre souffre de tics faciaux depuis plusieurs années. Il suit une thérapie par l’hypnose à sa demande et à celle de ses parents, car aucune autre thérapie (cognitive et comportementale, psychiatrique et médicamenteuse) n’a fonctionné jusque là. Après trois séances, les tics ont pratiquement disparu. Lors d’un entretien avec Alexandre et ses parents, le père est enthousiaste, comme son fils : « C’est merveilleux, il est tellement plus à l’aise, il a l’air de revivre ». La mère, elle, exprime les choses différemment : « Il va mieux, oui, mais il ne fait jamais ce que je lui dis. Il me dit qu’il fait ses exercices d’autohypnose, mais je sais bien qu’il me ment. Quand je lui dis de faire ses devoirs, il refuse et après il s’étonne d’être nul en classe. Il n’a que des mauvaises notes, il n’écoute rien et il est incapable de se concentrer… ». Pendant le discours de sa mère, les tics d’Alexandre reviennent de plus belle. Son père ne dit rien pendant quelques instants, mais regarde son fils, puis interrompt sa femme : « Regarde ce que ce que tu dis lui fait ! ». À ce moment là, l’impact des mots négatifs a été trop fort pour Alexandre, qui ne contrôle plus ses mouvements. Cet épisode a permis à la maman de comprendre comment modifier son langage afin qu’Alexandre, en prenant confiance en lui, modifie son comportement.

Le bon terme au bon moment

Dans le cadre de la prévention de la douleur, une étude plus récente a mis en évidence l’importance des mots utilisés lors de la réalisation d’un examen potentiellement douloureux (lire ci-contre).

Elle met en évidence qu’apprendre à parler de façon positive ou que modifier le mode et le moment de l’information au patient semble améliorer de façon significative la capacité du patient à faire face à la situation de douleur et/ou d’anxiété.

Lors d’un soin, les mots vont alors jouer un rôle majeur. Dire à quelqu’un « Ne vous inquiétez pas » ou « N’ayez pas peur », est sans doute la meilleure façon pour l’effrayer ! On peut donc se demander quels termes employer afin de minimiser la sensation douloureuse, mais également le stress et l’appréhension liés à un soin, à la situation d’hospitalisation.

Voici quelques pistes :

Ce ne sont là que quelques exemples, à chacun lors des soins de trouver ses propres mots, ses expressions, d’élaborer son propre lexique, qui permettront de gérer les situations potentiellement douloureuses et anxiogènes, et d’aider le patient à les traverser sereinement.

Ces principes, ainsi que le travail sur l’ensemble de la posture soignante, sont issus des principes de communication hypnotique. Il est important que ce langage soit associé à une posture corporelle congruente et une attitude générale adaptée. Pour le soignant, transmettre son intentionnalité que le soin se passe dans les meilleures conditions possibles est très certainement un changement important qui relève de la professionnalisation de la posture soignante.

1- Kalisch B.J., Landstrom G.L. & Hinshaw A.S. (2009) « Missed nursing care: a concept analysis ». Journal of Advanced Nursing 65 (7), 1509-1517 doi: 10.1111/j.1365-2648.2009.05027.x.

2- Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Seuil, 1990.

3- Rosenthal R., Jacobson L. « Teatchers’s expectancies : determinants of pupils’ IG gains ». Psychological Reports 19.1 (1966): 115-118.

4- Mémoire des couleurs et couleurs de la mémoire (http://papidoc.chic-cm.fr/31effetcouleurs.html).

5- https://www.you tube.com/watch?v=OG_KxA_KLJY.

6- Cité dans l’article de J. Fischer-Lokou, Cerveau et Psycho n° 74, février 2016.

7- Fischer-Lokou J., Gueguen N. Université de Haute Bretagne.

8- Perini H., Université de Linköping en Suède

9- Cité dans Cerveau et Psycho, n° 74, février 2016, p. 56.

CONSEILS

Informations et soins invasifs

Lorsque vous devez effectuer un soin pour la première fois à un patient que vous ne connaissez pas, il est préférable de l’informer du soin que vous allez faire et de lui demander s’il l’a déjà eu.

→ Si oui, il est intéressant de lui demander quel souvenir il en a, comment il souhaite que cela se passe. Si le patient n’a jamais eu ce soin, il est conseillé de lui demander comment il l’imagine, comment il souhaite que cela se passe. Cette demande, loin d’être une perte de temps, permet au soignant d’ajuster ses propositions de prise en charge de la douleur et/ou de l’anxiété, de proposer des mesures adaptées, d’utiliser les mots du patient, d’installer les conditions favorables à l’établissement d’une relation de confiance.

→ Schématiquement, il existe deux groupes de personnes : celles qui veulent savoir et celles qui vous disent de faire ce que vous avez à faire. Pour les premières, qui sont dans la maîtrise, il sera judicieux de dire « Je fais ce que j’ai à faire » plutôt que « Je vous pique » au moment même du geste, les effets de ces mots sur le cerveau n’étant pas du tout les mêmes. Vivre l’expérience du lâcher prise peut alors permettre au patient de se détendre plus aisément. À la fin du soin, il est préférable de demander au patient comment il se sent plutôt que « Ça n’a pas fait mal ? ».

SOINS DOULOUREUX

MIEUX VAUT NE PAS AVERTIR LE PATIENT

Une étude(1) a analysé l’impact du langage utilisé par les soignants sur le vécu douloureux de patients lors d’un acte de radiologie interventionnelle.

Dans cette étude, les interactions des patients avec les soignants lors d’actes de radiologie interventionnelle ont été enregistrées par vidéo. 83 femmes et 76 hommes, ayant une moyenne d’âge de 57 ans [18-92] y ont été inclus. Tous les patients avaient une PCA de Fentanyl (50 µ) et de Midazolam (1 mg). 139 vidéos portaient sur des actes vasculaires, 20 étaient des interventions rénales percutanées. La durée moyenne des actes était de 81 minutes.

Les patients ont été randomisés en deux groupes : les patients du groupe standard ont été pris en charge par les IDE du service, de façon habituelle. Les patients du groupe « avec attention structurée » ont bénéficié de la présence d’un soignant supplémentaire qui adoptait un comportement d’attention structurée standardisé, divisé en huit composantes : correspondance avec le modèle de communication verbale du patient, correspondance avec le modèle de communication non verbale du patient, écoute attentive, disposition pour favoriser la perception du contrôle, réponse rapide aux demandes du patient, encouragements, utilisation de mots descripteurs émotionnellement neutres ; enfin, le soignant évitait toute suggestion chargée négativement.

Auto-évaluation

La douleur et l’anxiété ont été évaluées par le patient lui-même avec une échelle numérique (0-10) avant et après l’acte, toutes les quinze minutes [0 = ni douleur/ni anxiété, et 10 = pire douleur possible/terrifié.]. Trois chercheurs indépendants ont visualisé les 159 vidéos : le groupe « prise en charge standard » (n = 79), le groupe « avec attention structurée » (n = 80). Ces vidéos ont été passées en revue et comparées à des enregistrements d’études précédentes. Une base de données avec les mots et expressions « chargés négativement » a été établie.

Il a été mis en évidence que 33 patients ont été confrontés à 86 suggestions chargées négativement avant ou après un stimulus (une piqûre par exemple).

Ces 86 suggestions chargées négativement se composaient de 41 avertissements comme l’expression « Attention à la piqûre » et 45 marques de compassion après l’acte comme « Est-ce que cela a fait mal ? ». 95 % de ces avertissements et 40 % des marques de compassion relevées ont été prononcés sans aucune sollicitation verbale ou comportementale de la part du patient.

Gare à la compassion

Pour les patients ayant été avertis, le score de la douleur est à 3,9 /10 vs 2,8 pour ceux qui ne l’ont pas été. Le score d’anxiété est de 4,4/10 pour ceux qui ont reçu des suggestions chargées négativement, vs 3,2 pour ceux qui n’ont pas été sollicités ou avertis.

Cette étude a mis en évidence que le fait d’avertir le patient d’une douleur ou de sensations indésirables a engendré une douleur plus forte (P < 0,05) et une anxiété plus importante (P < 0,001) que si on ne l’avait pas fait. Cela révèle que faire des suggestions chargées négativement est plus vraisemblablement une habitude de certains soignants qui croient en leurs effets positifs plutôt que quelque chose que tous font quand cela est demandé par le patient. De la même manière, compatir avec le patient après un acte douloureux n’a pas augmenté la douleur rapportée par le patient ensuite, mais a entraîné une plus grande anxiété (P < 0,05). Ainsi, contrairement à la croyance générale, avertir ou compatir en utilisant un langage faisant référence à des expériences négatives ne semble pas aider les patients à se sentir mieux.

1- Lang E. V., Hatsiopoulou O., Koch T., Berbaum K., Lutgendorf S et al. « Can words hurt ? Patient-provider interactions during invasive procedures ». Pain, 2005, n° 114, p. 303-309.