Des cathéters sur la bonne voie - L'Infirmière Magazine n° 372 du 01/06/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 372 du 01/06/2016

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Antoine walraet  

La pose d’une voie veineuse consiste en l’introduction d’un cathéter dans une veine, grâce à un mandrin, afin de permettre notamment l’administration de solutés. Un geste réalisé par l’IDE ou le médecin, qui peut entraîner de nombreuses complications.

1. LES VOIES VEINEUSES : RAPPELS

Le cathéter peut être mis en place au niveau d’une veine périphérique, on parle alors de voie veineuse périphérique. Il est également possible de cathétériser une veine de gros calibre, permettant la pose d’une voie veineuse centrale.

La voie veineuse périphérique (VVP)

La pose d’un cathéter veineux périphérique est un acte de soins très fréquent : environ 25 millions sont mis en place en France chaque année. Il s’agit d’un dispositif médical stérile, introduit dans une veine superficielle, de faible calibre, par voie percutanée. Cela permet l’administration parentérale de solutés, de produits sanguins, de solutions nutritives et de médicaments, à condition qu’ils ne soient pas veinotoxiques. Leur utilisation est très fréquente et concerne tous les secteurs de soins. La plupart du temps, les veines des membres supérieurs sont choisies pour la pose des VVP. L’insertion de ces cathéters périphériques est un geste infirmier, réalisé sur prescription médicale.

La voie veineuse centrale (VVC)

La pose d’une voie veineuse centrale se traduit par l’insertion d’un cathéter veineux central dans des veines centrales de gros calibre. Les abords veineux les plus couramment utilisés sont :

– la veine jugulaire interne ;

– la veine sous-clavière ;

– la veine fémorale.

Longtemps, on s’appuyait seulement sur des repères anatomiques de surface pour pouvoir les poser. Aujourd’hui, le développement des appareils d’échographie permet un « échoguidage » qui sécurise le geste de pose.

Un peu d’anatomie

→ La veine jugulaire interne : c’est la principale veine profonde du cou. Elle naît de la base du crâne. Puis elle descend verticalement, sur le côté du cou, latéralement à l’artère carotide interne, jusqu’à la face postérieure de l’articulation sterno-claviculaire. À la base du cou, elle s’unit à la veine sous-clavière pour former le tronc veineux brachiocéphalique. Il existe une veine jugulaire interne (VJI) de chaque côté du cou, une à droite et une à gauche. La VJI droite est utilisée préférentiellement pour la pose de cathéters veineux centraux, étant donné son trajet rectiligne.

→ La veine sous-clavière : elle naît de l’union de la veine axillaire et de la veine céphalique au bord externe de la première côte. Elle a un trajet horizontal, en avant de l’artère sous-clavière, entre la première côte et la clavicule. Elle rejoint la VJI en arrière de l’articulation sterno-claviculaire pour former le tronc veineux brachiocéphalique. La veine sous-clavière a un fort débit, idéal pour les cathétérismes prolongés.

→ La veine fémorale : située au niveau du membre inférieur, la veine fémorale commune naît de l’union des veines fémorales superficielles et profondes au niveau du pli de l’aine. Elle suit un trajet satellite à l’artère fémorale. Elle plonge ensuite dans le petit bassin pour donner la veine iliaque. C’est une voie facile, notamment utilisée en cas d’urgence, puisque c’est l’abord central le plus facile à trouver.

Le choix de la voie d’abord nécessite une parfaite maîtrise des rapports anatomiques (voir schéma ci-contre) et la connaissance de leurs principales complications, qui seront évoquées ci-après.

2. LES CATHÉTERS VEINEUX CENTRAUX (CVC)

Définition

Les CVC permettent, comme on l’a vu précédemment, un accès au système veineux profond.

→ Ils sont insérés par des médecins (anesthésiste-réanimateur, chirurgien ou radiologue), assistés par une infirmière qui assure la préparation du patient, du matériel, l’organisation du soin et la surveillance. Afin d’être bien tolérés par l’organisme, les CVC répondent à des normes précises.

→ Le matériel utilisé pour leur fabrication doit être :

– biocompatible ;

– hémocompatible ;

– non thrombogène ;

– biostable ;

– chimiquement inerte ;

– inaltérable par les médicaments administrés ;

– déformable en fonction des forces de tension du milieu environnant ;

– souple ;

– flexible ;

– solide ;

– radio-opaque ;

– apte à la stérilisation.

Le silicone et le polyuréthane sont les matériaux les plus utilisés.

Les différents types de CVC

On distingue les cathéters de courte durée et les cathéters de longue durée. Leur pose doit se faire dans des conditions d’asepsie chirurgicale.

→ Les cathéters centraux de courte durée sont laissés en place pour une durée inférieure à 14 jours. Ils sont notamment utilisés pour les patients nécessitant un traitement intraveineux court mais pour lesquels l’insertion d’un cathéter veineux périphérique n’est pas suffisante. Ils sont également utilisés et posés en réanimation chez les patients présentant une ou plusieurs défaillances d’organes.

→ Les cathéters centraux de longue durée (voir schéma p. 50) : ils peuvent être maintenus plusieurs mois, voire plusieurs années. Parmi eux, on distingue :

• les chambres à cathéter implantables : l’ensemble du dispositif est implanté sous la peau. Un cathéter en silicone ou en polyuréthane est ainsi relié à un réservoir sous-cutané, permettant une meilleure protection ;

• les cathéters tunnellisés : une portion du cathéter chemine le long d’un trajet sous cutané (ou tunnel) avant son émergence cutanée. Cela permet de créer un « effet barrière » et d’éviter que les micro-organismes présents à la surface de la peau ne puissent migrer vers l’extrémité distale du cathéter ;

• les cathéters centraux introduits par voie périphérique ou Piccline (pour Peripherally Inserted Central Catheter) : le cathéter est inséré au pli du bras, dans une veine périphérique. Puis il chemine en intravasculaire pour rejoindre la jonction entre la veine cave supérieure et l’oreillette droite. Le recours à ces Piccline est de plus en plus important, du fait d’une insertion plus aisée. Cependant, leur durée d’utilisation doit être inférieure à trois mois.

Les indications des CVC

Les cathéters veineux centraux peuvent être indiqués en cas :

– d’injection chronique (prolongée ou répétée) de substances veinotoxiques (chimiothérapie anticancéreuse, antibiothérapie…) ;

– d’hémodialyse ;

– d’échec à la mise en place d’un cathéter périphérique (par exemple en cas de pauvreté du capital veineux périphérique, ou afin de le préserver ce capital veineux) ;

– de mesure de la pression veineuse centrale (pour les CVC placés dans la veine cave supérieure, via la voie jugulaire ou sous clavière) ;

– de nutrition parentérale prolongée ;

– de situation critique (un état de choc ou encore un arrêt cardiaque, etc.) ;

– de nécessité de remplissage vasculaire rapide, notamment quand de gros débits sont nécessaires.

Le choix entre les différents cathéters existants dépend notamment de l’indication recherchée, du type de substance intraveineuse administrée, ainsi que de la durée prévue des soins.

Les contre-indications des CVC

Il n’y a pas de contre-indication stricte à la pose d’une voie veineuse centrale. Néanmoins, certains éléments sont à prendre en compte :

– la présence d’un pneumothorax controlatéral ;

– une infection proche du site choisi est une contre-indication d’utilisation de la voie sélectionnée ;

– des troubles de l’hémostase avant la mise en place ;

– une thrombose du réseau veineux profond.

3. LES RISQUES ET LES COMPLICATIONS DES CVC

Les risques auxquels les CVC exposent les patients sont surtout infectieux et thrombo-emboliques.

Les infections liées au cathéter

Elles font parties des complications les plus redoutées. Des micro-organismes (bactéries ou champignons) peuvent adhérer à la surface (externe ou interne) du cathéter. Cette contamination peut faire suite à une erreur d’asepsie lors de la pose ou lors de la manipulation du cathéter. On retrouve également des contaminations de cathéters par voie hématogène, à partir d’un foyer infectieux à distance.

→ Les micro-organismes observés ont la capacité de se multiplier et de former un biofilm microbien : on parle de « colonisation du cathéter ». C’est lorsque l’on observe l’apparition de signes cliniques (locaux ou généraux) que l’on va parler « d’infection liée au cathéter ». Les germes responsables sont essentiellement des staphylocoques à coagulase négative, des staphylocoques dorés, des streptocoques, des entérobactéries ou encore des levures.

→ Parmi les manifestations cliniques des infections sur cathéter, on retrouve des réactions inflammatoires locales autour du site de sortie du cathéter : induration, érythème, douleurs autour du site, écoulement purulent autour de l’orifice. Pour les chambres implantables, on peut également observer une infection de la loge dans laquelle elles se trouvent, parfois associée à une nécrose sous-cutanée. D’autres signes d’infection peuvent être retrouvés : fièvre, sepsis sévère (infection générale grave de l’organisme par des germes pathogènes).

→ Des tests microbiologiques peuvent être réalisés, notamment via des hémocultures couplées, prélevées consécutivement sur le cathéter et en périphérie. Si l’on retrouve une culture positive associée à la présence de signes cliniques d’infection, alors on peut affirmer l’infection liée au cathéter.

→ La première étape thérapeutique est de discuter de l’ablation du cathéter. Cette ablation peut-être indiquée en cas de complication locale, loco-régionale ou générale (sepsis, choc septique).

Dès le diagnostic posé, un traitement antibiotique peut être débuté. On cherche à couvrir les germes les plus fréquemment retrouvés dans ces situations. Le choix de l’antibiothérapie systémique initiale est orienté par la gravité de l’infection, l’existence de colonisations connues à germes résistants et la disponibilité de données microbiologiques.

Les occlusions de cathéter

Après l’infection, l’occlusion de cathéter est la complication la plus fréquente. Elle concerne 14 à 36 % des cathéters. On la suspecte notamment en cas de dysfonction du cathéter : il est alors impossible d’injecter un soluté ou d’aspirer du sang par le cathéter.

→ Les occlusions thrombotiques : la veine dans laquelle se trouve le cathéter peut être le siège d’un thrombus intra-veineux (formation anormale d’un caillot sanguin dans une veine). Si la veine touchée est une veine proximale de gros calibre (CVC), un traitement anticoagulant est généralement indiqué, afin d’écarter le risque d’embolie pulmonaire.

Dans d’autres cas, la veine est indemne, mais le thrombus est localisé à la surface du cathéter. Ce thrombus peut se situer sur la face interne du cathéter : on parle de thrombus intraluminal. S’il est face externe, on parle de manchon de fibrine. On injecte alors à l’intérieur du cathéter un fibrinolytique permettant de le rendre à nouveau fonctionnel.

→ Les occlusions mécaniques : la dysfonction de cathéter est liée à un obstacle qui n’est pas thrombotique. Il peut s’agir :

– d’une plicature du cathéter ;

– d’une obstruction de l’aiguille dans le cas des chambres implantables ;

– d’agrégats médicamenteux ;

– d’une compression extrinsèque (liée par exemple à des adénopathies) ;

– d’un pinch-off syndrome : la première côte et la clavicule peuvent former une sorte de « pince » provoquant une compression du cathéter.

Cela peut aboutir à la fracture du cathéter avec migration d’un fragment dans la circulation pulmonaire.

→ Afin de prévenir et de traiter ces complications, il est notamment recommandé de :

– vérifier que le cathéter n’est pas coudé et que l’aiguille est perméable (dans le cas des chambres implantables) ;

– éviter le recours à des médicaments qui précipitent (seuls ou en association) ;

– réaliser une radiographie de thorax qui permettra de vérifier le bon positionnement du cathéter ainsi que l’absence de compression extrinsèque ;

– rechercher des signes de thrombose veineuse : œdème, douleur du membre. En cas de présence de ces signes, réaliser un echodoppler veineux ou un scanner injecté afin d’identifier la thrombose veineuse.

Le pneumothorax

Un pneumothorax est caractérisé par un épanchement d’air dans l’espace pleural. Le risque de survenue existe lors de l’insertion d’un CVC, notamment lorsqu’il est inséré dans la veine sous-clavière. Afin de l’éviter, il est recommandé d’employer une technique d’insertion adéquate, ainsi que de réaliser une radiographie de thorax après la pose du cathéter.

L’extravasion

Lors de la pose du matériel d’injection, une « blessure » de la veine peut se produire. Une rupture de la paroi veineuse peut aussi résulter d’un phénomène « d’hyperpression ». Ces phénomènes peuvent aboutir à un phénomène d’extravasion. C’est une complication non exceptionnelle des injections intraveineuses : les substances injectées passent anormalement vers les tissus environnants, voire dans la plèvre.

On observera la survenue d’une douleur lors de l’injection, ainsi que l’apparition de signes locaux comme des rougeurs, un œdème. Cela peut aller jusqu’à une nécrose tissulaire sévère. La sévérité des conséquences de cette extravasion dépendent notamment du type de soluté ayant diffusé (produit de contraste iodé, chimiothérapie, potassium, etc.).

À chaque voie sa complication

D’autres complications existent comme la fissure, voire la fracture du cathéter, ou encore l’apparition d’un hématome suite à la pose. Selon la voie choisie, les complications ne seront pas les mêmes.

→ En sous-clavière, on retrouvera principalement des risques (par ordre de fréquence) :

– de pneumothorax essentiellement ;

– de troubles du rythme (en cas d’implantation trop lointaine du cathéter) ;

– les complications infectieuses sont moindres.

→ En jugulaire interne, on retrouvera un risque :

– d’hématome cervical compressif ;

– infectieux ;

– de pneumothorax (plus rare) ;

– de troubles du rythme (en cas d’implantation trop lointaine du cathéter) ;

– de lésions du nerf phrénique.

→ En fémorale, on retrouvera un risque :

– infectieux majeur ;

– de thrombose ;

– d’ischémie du membre inférieur.

ZOOM SUR

LA POSE DES CATHÉTERS VEINEUX

Il est important de différencier la pose des cathéters veineux périphériques (CVP) de celle des cathéters veineux centraux (CVC) où le rôle de l’infirmière diffère.

Cathéters veineux périphériques

• Les CVP peuvent être insérés par une infirmière ou par un médecin, au lit du patient.

• Différents calibres de cathéters existent : leur choix va être guidé par l’indication de pose du CVP ainsi que par l’état veineux. Le calibre du cathéter est exprimé en Gauge (G), les plus fréquents sont le 20G (couleur rose), le 18G (vert) et le 16G (gris). Le 16G est un gros calibre permettant le passage rapide de solutés, il est inséré essentiellement dans des situations de choc ou d’urgence.

• L’insertion est faite préférentiellement aux membres supérieurs.

• La pose du cathéter impose une désinfection des mains par friction hydro-alcoolique et le port de gants (non stériles). Une désinfection cutanée en cinq temps est réalisée : détersion avec un savon antiseptique, rinçage, séchage, antiseptique alcoolique, puis séchage cutané avant d’insérer le cathéter. Après l’insertion, la pose du CVP est inscrite dans une fiche de suivi.

Cathéters veineux centraux

• L’insertion d’un CVC doit, elle, être réalisée par le médecin, entouré d’une équipe entraînée. Si les CVC de longue durée sont implantés au bloc, les CVC de courte durée peuvent, eux, être insérés au lit pour les patients de réanimation.

• L’infirmière prépare le patient, puis assiste l’opérateur pour la mise en place du cathéter.

• L’installation du patient varie en fonction du site de ponction :

– en jugulaire, la tête est tournée du côté opposé au point de ponction. Le patient est en position de Trendelenburg (le plan est incliné, les membres inférieurs sont plus hauts que la tête), permettant une ponction plus aisée de la veine qui, dans cette position, se dilate par retour plus important de sang veineux ;

– en sous-clavière, la tête est toujours tournée du côté opposé à la ponction, le bras homo-latéral est maintenu plaqué contre le buste ;

– en fémoral, le membre concerné est placé en rotation externe pour dégager le creux inguinal et faciliter l’accès à l’opérateur.

• Toutes les VVC sont posées dans des conditions d’asepsie chirurgicale. L’opérateur est habillé stérilement (gants, blouse, charlotte et masque chirurgical), de larges champs stériles sont posés. Une asepsie cutanée en cinq temps est indispensable.

• Le médecin, assisté par l’infirmière, va ensuite repérer le point de ponction, effectuer une seconde désinfection à l’aide d’un antiseptique dermique et réaliser l’anesthésie locale si le patient est conscient.

• Vient ensuite le temps de la cathétérisation :

– la veine choisie est ponctionnée avec une seringue (le retour de sang est franc) ;

– un guide métallique est introduit au travers de l’aiguille ;

– la seringue et son aiguille sont retirées ;

– mise en place : le cathéter est inséré sur le guide métallique resté en place ;

– retrait du guide ;

– vérification d’un reflux de sang en aspirant à l’extrémité du cathéter, ce qui permet en même temps de le purger ;

– puis, raccordement de la ligne veineuse ;

– fixation du cathéter à la peau par une suture ;

– nettoyage de la peau avec une compresse stérile imprégnée d’un antiseptique dermique ;

– pose d’un pansement occlusif, stérile et transparent ;

– un contrôle radiologique est réalisé systématiquement après la pose.

NB : le rôle infirmier, comme la surveillance, est traité plus loin (à partir de la p. 54).

REMERCIEMENTS POUR SA RELECTURE AU :

Dr Thierry Dépret, médecin anesthésiste-réanimateur, Clinique du sport et de chirurgie orthopédique, Marcq-en Barœul (59).