LE SOIN INFIRMIER SE RÉINVENTE - L'Infirmière Magazine n° 369 du 01/03/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 369 du 01/03/2016

 

PSYCHIATRIE

ACTUALITÉS

COLLOQUES

Clarisse Briot  

Les pratiques innovantes en santé mentale étaient au cœur de la session infirmière du 14e Congrès de l’Encéphale, qui s’est tenu à Paris en janvier dernier.

Pour guérir, il ne faut pas rester seul. Le suivi infirmier m’a aidée à rester motivée et à aller mieux. » C’est ainsi que témoigne, dans une interview filmée, une étudiante hospitalisée au CHRU de Montpellier à la suite d’une tentative de suicide. À sa sortie, elle a bénéficié du dispositif infirmier mis en place il y a quatre ans par l’unité de post-urgences psychiatriques du CHRU afin de prévenir la récidive suicidaire. Ce suivi ambulatoire s’étend sur trois mois et s’appuie sur une étroite collaboration entre les trois psychiatres de l’unité et une infirmière dont le poste est tournant au sein du service. Durant les quinze premiers jours du retour à domicile, quatre consultations (infirmières et médicales) ont lieu en alternance. Puis le suivi infirmier se met en place, à raison de consultations le plus souvent téléphoniques, éventuellement à l’hôpital ou à domicile selon les besoins.

« Ce suivi est flexible et s’adapte à l’évolution de la situation du patient », expliquent Josselin Guyodo et Véronique Arpon, tous deux infirmiers en psychiatrie. Lors des consultations, l’infirmière évalue le risque suicidaire, l’état clinique, la bonne observance des traitements et les conditions de vie du patient. « J’avais un planning avec des appels réguliers, témoigne l’étudiante. Reprendre le cours de sa vie est difficile. C’est important d’avoir quelqu’un à qui raconter sa journée et qui donne des conseils. » Point fort de ce dispositif, qui facilite la communication et le lien de confiance : la continuité des soins. L’équipe qui suit le patient à sa sortie est la même que celle qui s’est occupée de lui lors de son hospitalisation. « Nous avons l’impression que le dispositif – auquel les soignants adhérent – est efficace et que la récidive diminue, concluent Josselin Guyodo et Véronique Arpon. Il reste maintenant à objectiver ce ressenti. » C’est en bonne voie : le dispositif fait l’objet d’un programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (sélection 2014), qui va permettre de mener une étude randomisée.

Protocole inédit

Parmi les autres pratiques et outils de soins innovants mis en avant, un projet inédit de protocole de coopération a été présenté par l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Il concerne la prise en charge infirmière de patients sous clozapine, un antipsychotique. Sa construction a démarré au printemps 2015. « À notre connaissance, il n’y a encore jamais eu de protocole de coopération en santé mentale », ont souligné Aurélia Rolland et Marie-Astrid Meyer, la cadre de santé et l’infirmière qui le portent. Le futur protocole vise à optimiser le parcours de soins des patients sous clozapine et à offrir davantage de réactivité à leurs besoins. Il s’agit aussi d’augmenter le nombre de patients bénéficiant de ce traitement. En effet, « un patient sur trois souffrant de schizophrénie est résistant au traitement pharmacologique, a rappelé l’équipe de Sainte-Anne. Il existe un traitement efficace, la clozapine, mais qui nécessite une surveillance particulière. Il est donc moins prescrit ou alors tardivement. »

Tout patient sous clozapine ayant une posologie équilibrée et se trouvant stabilisé sur le plan psychiatrique pourra intégrer le protocole, a indiqué l’équipe. C’est le médecin qui instaurera le traitement et sera ainsi en charge de la prescription durant la phase de stabilisation, puis l’infir?mière prendra le relais. Elle pourra procéder au renouvellement de la prescription, à la surveillance des paramètres cliniques et paracliniques du patient (tolérance, efficacité, observance), et à la prescription d’éventuels examens biologiques. Tous les trois mois, le patient suivra une consultation auprès du médecin. Et au moindre signal « rouge » lors d’une consultation infirmière, le patient sera immédiatement orienté vers le psychiatre. « L’idée, c’est d’apporter une plus-value au patient et de lui assurer un suivi personnalisé et réactif, ont résumé Aurélia Rolland et Marie-Astrid Meyer. C’est aussi un atout pour le service et une valorisation du travail infirmier en interdisciplinarité. » Prochaine étape clé : obtenir le feu vert de la Haute Autorité de santé.