RENCONTRE AVEC RÉGIS QUÉRÉ COORDONNATEUR DE PRÉLÈVEMENTS D’ORGANES ET DE TISSUS À L’HÔPITAL UNIVERSITAIRE NECKER-ENFANTS MALADES À PARIS (AP-HP) - L'Infirmière Magazine n° 365 du 01/11/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 365 du 01/11/2015

 

CARRIÈRE

PARCOURS

F. V.  

Dans Réparer les vivants, le livre de Maylis de Kerangal, il s’appelle Thomas Rémige ; dans la vraie vie, il se nomme Régis Quéré. Cet amoureux du chant et des chardonnerets élégants a largement inspiré le personnage du roman et, comme un clin d’œil de l’auteur, le choix de son nom. Depuis 2004, il est l’un des deux coordinateurs de prélèvements d’organes et de tissus de l’hôpital Necker-Enfants malades.

→ Réanimation en chirurgie cardiaque. Jeune diplômé, Régis Quéré a longtemps hésité entre la réanimation, service où il avait effectué « par goût » la plupart de ses stages d’étudiant, et la psychiatrie. Des mondes qui, de prime abord, semblent aux antipodes. Pas pour lui. Il s’explique : « Ils sont très similaires dans l’accaparation par un service, une équipe des corps. Isolement, nudité, traitement, sédation, contention…, le patient est privé de sa capacité d’agir, de penser. Quant à l’accompagnement des familles, il est aussi comparable. Il faut les aider à se réapproprier ce proche qu’elles ont parfois du mal à reconnaître et qui, le plus souvent, n’est plus en état de communiquer. » Finalement, « refroidi par les stages en psy et le système de prise en charge », il opte pour la réanimation en chirurgie cardiaque à l’hôpital Bichat.

→ Des greffés aux greffons. De la greffe, le jeune infirmier ne connaît que « l’après », lorsqu’il prend en charge des patients tout juste transplantés. Comment et où trouve-t-on un cœur à greffer ? Il n’en a aucune idée. Une petite annonce va le faire basculer dans l’univers de « l’avant ». Celui justement où l’on trouve des cœurs, des organes. « Je ne savais pas que des postes d’infirmiers coordonnateurs de prélèvements d’organes existaient, mais lorsque j’ai lu le descriptif, l’évidence s’est imposée. Il alliait l’urgence, la réanimation, l’accompagnement des proches, que j’affectionne particulièrement, à une forte composante éthique et psychologique. Bref, tout ce que j’aimais. » Il postule. Mais une appréhension le taraude, celle de « lâcher les soins trop tôt ». Une crainte interroge aussi sa légitimité pour ce rôle singulier : sa courte expérience d’infirmier, son inexpérience en pédiatrie et son âge. Il a 24 ans. La formation par compagnonnage, essentielle à ce poste, et son engagement feront, en grande partie, le reste. En 2007, il consacrera son mémoire de maîtrise d’éthique aux « Enjeux éthiques de prélèvements d’organes en pédiatrie dans des situations de maltraitances ».

→ Faire vite sans se presser. Comme pour tout coordonnateur, sa mission débute avec un appel téléphonique du médecin réanimateur qui l’avertit qu’un patient est en état de mort encéphalique, et par conséquent potentiellement donneur d’organes. La démarche de prélèvement commence à cet instant précis. Dès lors, il faut savoir « faire vite sans se presser », résume Régis Quéré. À lui désormais d’accorder des temps très différents : le temps médical, le temps de l’évaluation des organes, le temps de l’Agence de biomédecine, le temps des proches et le temps propre à l’organisation d’un prélèvement. Il lui faut aussi cadencer le travail de la réanimation et combiner celui des équipes de prélèvements qui peuvent venir de la France entière. La coordination prend alors tout son sens, toute sa mesure. Au centre de ce dispositif complexe, la famille. C’est à elle que revient la responsabilité d’accorder ou de refuser le don d’organes d’un des siens. Et à Necker, les donneurs sont aussi des enfants. À l’infirmier d’écouter, de dialoguer, d’argumenter et de l’accompagner dans son choix, son deuil, sans jamais l’influencer, sans jamais la trahir. « Pour Thomas Rémige, écrit Maylis de Kerangal, un refus limpide valait mieux qu’un consentement arraché dans la confusion, obtenu au forceps et regretté quinze jours plus tard par des personnes que le remords ravageait […] » Tout est dit de ce travail sur le fil qui balance de la mort vers la vie.

1 - Remplacé en 2005 par l’Agence de biomédecine.

MOMENTS CLÉS

2001 Obtient son diplôme d’État - Ifsi de Rambouillet.

2002 Premier poste en réanimation à l’hôpital Bichat.

2004 Coordonnateur de prélèvements d’organes à Necker-Enfants malades.

2007 Master d’éthique.