LE SADISME ORDINAIRE DES SOINS - L'Infirmière Magazine n° 365 du 01/11/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 365 du 01/11/2015

 

PSYCHOLOGIE

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COLLOQUES

CLARISSE BRIOT  

La violence dans les soins, tel était le thème du colloque organisé à Paris les 11 et 12 septembre par le Centre d’ouverture psychologique et sociale et l’Institut de psychologie de l’université Paris Descartes.

Les stéréotypes peuvent être source de violence. C’est le témoignage porté par Valérie Rousselon, praticienne attachée dans le service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Saint-Étienne. Le soignant, par peur d’être stigmatisant et se croyant bien-traitant, peut négliger « l’altérité culturelle » chez son patient. Chacun est porteur d’injonctions sociétales, de projections personnelles et d’émotions qui peuvent empêcher une relation de soin apaisée, souligne-t-elle. Et de citer l’exemple d’une patiente soudanaise qu’elle reçoit chaque semaine en consultation. La différence culturelle – présente de prime abord chez cette femme largement voilée – soulève chez la professionnelle « des interrogations sur la liberté, la contrainte, la féminité, la beauté » et « empêche une rencontre directe ». « Il ne faut pas enfermer les patients dans un univers culturel, sans pour autant négliger leur particularité. »

Humiliation

Autre témoignage, celui de Marcella Garguilo, docteur en psychopathologie et psychologie clinique, qui s’attache aux patients atteints de maladies neuromusculaires, pour lesquelles la dépendance à l’autre est majeure. « L’exhibition du corps dans les moments de soins et de manipulation est une forme de violence, même si le geste et la voix du soignant sont doux », explique-t-elle. Tout comme les portages. Marcella Garguilo se fait l’écho d’une patiente racontant son sentiment d’humiliation face à un soignant poussant son fauteuil roulant « comme on pousse un caddie ». Ou encore cet autre patient qui a arrêté de manger, en réaction à l’exclamation d’un professionnel le soulevant : « Oh ! là, là, qu’est-ce que tu es lourd ! » Marcella Garguilo reprend ainsi à son compte le concept de « sadisme ordinaire, banal et invisible » qui traverse toutes les relations humaines, et qui n’épargne pas les relations de soins.

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