Les soignants, mauvais élèves ? - L'Infirmière Magazine n° 364 du 01/10/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 364 du 01/10/2015

 

FORMATION

LA PRÉVENTION

ANTOINE WALRAET  

Considérée comme une mesure d’hygiène et recommandée pour tous les professionnels en contact avec des personnes à risque, la vaccination antigrippale fait pourtant défaut chez une majorité de soignants.

Les professionnels de santé peuvent contribuer involontairement à propager l’infection. C’est la raison pour laquelle la vaccination des professionnels de santé est recommandée par le calendrier vaccinal. Elle doit être considérée comme une « mesure d’hygiène » : pour un infirmier, un médecin, un kinésithérapeute, un pharmacien, une sage-femme, un chirurgien-dentiste, etc., se vacciner contre la grippe leur permet de se protéger eux-mêmes contre cette dernière, mais leur évite également de la transmettre à leurs patients.

Par leur vaccination, ils garantissent aussi la continuité des soins, une continuité essentielle durant la période hivernale propice aux épidémies. Par ailleurs, les soignants constituent un groupe avec « un risque d’infection grippale probablement supérieur à celui de la population générale », comme le rappelle le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) dans son rapport de 2014(1).

Pourtant, « en dépit des nombreuses campagnes d’information menées en direction des soignants, les taux de vaccination contre la grippe restent sous optimaux dans la plupart des pays, y compris la France », note le HCSP. Les taux de vaccination rapportés chez les soignants sont extrêmement variables. En France, deux enquêtes récentes menées sur plus de 30 établissements ont montré des taux de vaccinations de 25,6 % et de 11 %, précise le Haut Conseil.

Les infirmières à la traîne

Parmi les soignants, la catégorie professionnelle est constamment retrouvée comme un « déterminant majeur : les médecins sont les professionnels de santé se vaccinant le plus souvent (près de 50 %) alors que les infirmières et les aides-soignantes sont les catégories pour lesquelles la couverture vaccinale est la plus faible (régulièrement inférieure à 20 % en France) », poursuit le HCSP. Enfin, lors de la saison 2014-2015, la couverture vaccinale du personnel des collectivités de personnes âgées était de 23 %, un chiffre stable par rapport aux années précédentes, note l’Institut national de veille sanitaire.

Pourtant, au sein de ces collectivités de personnes âgées, « c’est le plus souvent le personnel qui va contribuer à la propagation de l’épidémie parmi les résidents, explique Pedro Conches, infirmier de santé publique au sein de l’Agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne. Si on vaccinait tous les professionnels d’une structure, on réduirait très significativement le risque d’épidémie au sein de celle-ci. ».

Freins et motivations

De nombreuses études ont été menées afin de déterminer les raisons qui poussent ou freinent les professionnels de santé à se faire vacciner.

Les attitudes négatives vis à vis de la vaccination reposent surtout sur la crainte des effets secondaires et indésirables du vaccin. On retrouve également :

- la croyance en la bénignité de la grippe ;

- la crainte du syndrome post-vaccinal ;

- le manque d’efficacité du vaccin ;

- la perception d’un risque faible d’attraper ou de transmettre le virus ;

- l’expression d’une vaccination vécue antérieurement comme désagréable ;

- la conviction d’être protégé contre la maladie du fait d’une exposition fréquente.

À l’opposé, parmi les déterminants de la motivation à recevoir le vaccin, on retrouve :

- la protection de sa propre santé et celle de son entourage familial ;

- la protection de ses patients ;

- le fait de se protéger afin d’éviter un arrêt intempestif de l’activité professionnelle lié à la maladie ;

- le respect des recommandations ;

- le fait d’avoir déjà été vacciné contre la grippe saisonnière par le passé.

Dans son rapport, le HCSP recommande « la poursuite de la vaccination contre la grippe des personnels de santé ». Par ailleurs, en période de circulation virale, il rappelle que les services hospitaliers et médicosociaux sont « fondés à demander à leur personnel non vacciné de porter un masque ».

1- HCSP, « L’efficacité de la vaccination contre la grippe saisonnière chez les personnes âgées et les professionnels de santé », mars 2014.