RENCONTRE AVEC FRANCK PILORGET ISP VOLONTAIRE EN SEINE-MARITIME, INFIRMIER ANESTHÉSITE AU CHU DE ROUEN ET PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION NATIONALE DES INFIRMIERS DE SAPEURS-POMPIERS (ANISP) - L'Infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015

 

CARRIÈRE

PARCOURS

CAROLINE COQ-CHODORGE  

Chez les sapeurs-pompiers, je gagne en autonomie ! L’ISP a une liberté plus grande qu’à l’hôpital. Son cadre est délimité, mais il est le conseiller technique médical de l’intervention.

Pour expliquer leur choix de vie, tous les infirmiers de sapeurs-pompiers ont une histoire personnelle, souvent familiale, ou liée à l’enfance. Pour Franck Pilorget, ce fut une révélation : « J’ai toujours été attiré par l’uniforme. Enfant, je voulais devenir marin. Mais j’étais en surpoids. Lors d’un séjour de plusieurs mois dans un centre spécialisé pour jeunes enfants à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), j’ai rencontré une infirmière dont le père était chef du centre de secours. Je l’ai rencontré, j’ai visité le centre, et je l’ai intégré en tant que jeune sapeur-pompier. J’y ai mis ma motivation pour perdre du poids. » Depuis, Franck Pilorget n’a jamais quitté cet univers. En 2000, il s’engage comme pompier volontaire chez lui, en Haute-Marne. C’est en voyant fonctionner les Smur qu’il décide de devenir infirmier. Tout juste diplômé, fort de son expérience de pompier, il intègre le service de réanimation de l’hôpital de Chaumont en 2002. En 2009, il se spécialise en passant le diplôme d’infirmier anesthésiste. Désormais infirmier anesthésiste au CHU de Rouen (Seine-Maritime), il exerce à la fois au Samu et au bloc. À 36 ans, Franck Pilorget a le CV idéal de l’infirmier de sapeurs-pompiers volontaire : habitué aux urgences, maîtrisant parfaitement la chaîne de secours, servant d’intermédiaire entre le monde hospitalier et le monde pompier.

→ Son engagement volontaire chez les pompiers guide l’ensemble de ses choix professionnels : « Je m’y investis beaucoup, car je crois en cette fonction ». Tout juste diplômé infirmier, il rejoint immédiatement la chefferie départementale des pompiers en Haute-Marne. S’il passe du temps dans les bureaux, il a conservé son activité opérationnelle : il est d’astreinte presque toutes les nuits et tous les week-ends, prêt à partir en intervention en 2 minutes s’il est à la caserne, en 8 minutes s’il est à son domicile. Franck Pilorget est bien sûr très mécontent lorsqu’il n’a pas été appelé alors qu’il aurait pu être utile : « Transporter sans antalgie un patient qui a subi un traumatisme, qui a une fracture et souffre, ce n’est pas acceptable en 2015. » Par rapport à son investissement, les indemnités qu’il perçoit sont dérisoires : 300 € par mois environ.

→ Qu’importe, car c’est chez les pompiers qu’il s’épanouit. En tant qu’infirmier, il y « gagne en autonomie. L’ISP a une liberté d’exécution plus grande qu’à l’hôpital. Son cadre est délimité, mais il est le conseiller technique médical de l’intervention, ce qui lui donne des responsabilités. J’ai appris à gérer des situations d’urgence. Quand je suis seul, je peux prendre des mesures conservatoires en attendant l’arrivée des renforts éventuels ». Il utilise bien sûr les 12 protocoles infirmiers de soins d’urgence (Pisu) développés dans son département, sur la gestion de la douleur, les crises d’asthme, les noyades, les douleurs thoraciques, etc. Et il ne comprend pas pourquoi « certains médecins hospitaliers s’offusquent, parlent même d’exercice illégal de la médecine. Nous intervenons sur prescription médicale dans le cadre d’un protocole écrit. C’est parfaitement légal. L’ISP observe les signes cliniques. S’ils sont bien décrits par un protocole, alors il le met en œuvre. Il est très difficile de sortir du cadre ».

→ Depuis 2006, il est engagé dans l’Association nationale des infirmiers de sapeurs pompiers (Anisp), dont il est le président depuis janvier 2015. Il se « désole » de la faible considération dont souffrent parfois les ISP : « Lors du travail de concertation sur la circulaire du 5 juin sur l’aide médicale d’urgence, qui parle essentiellement de nous, nous n’avons même pas été conviés aux discussions. Les polémiques stériles sur le rôle de l’ISP sont usantes. A-t-on réellement besoin de déplacer un médecin pour prendre en charge une hypoglycémie ? Pourquoi être contre un système qui permet une meilleure prise en charge des urgences, à un meilleur coût ? »

MOMENTS CLÉS

1995 Entre à l’école des pompiers à 16 ans.

2000 S’engage comme volontaire sapeur-pompier.

2002 Diplômé d’État et infirmier de sapeurs-pompiers volontaire.

2009 Obtient le diplôme d’État d’infirmier anesthésiste.

2015 Devient président de l’Anisp.