La joie de rire - L'Infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015

 

ASSOCIATION

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

KAREN RAMSAY  

Au sein des Ehpad lyonnais, les clowns de l’association Vivre aux éclats sèment la joie auprès des patients. Une thérapie par le rire avec la complicité des soignants.

De la salle commune de l’Ehpad La Colline de la soie, à Lyon, on entend les pas qui se rapprochent lentement. À l’aide d’une cane ou d’un déambulateur, les résidents les plus autonomes se déplacent et choisissent eux-mêmes leur siège. D’autres, aidés par les aides-soignantes, sont placés au fond de la salle, bien calés dans leur fauteuil roulant, attendant l’inauguration de l’exposition « Oser l’être » (voir encadré). Des visages familiers se faufilent entre les chaises, saluent les uns et les autres par leur prénom. C’est le cas de Carole Devillers, ancienne psychomotricienne, qui a participé à la création de l’association Vivre aux éclats en 1996 : « Nous avons démarré en pédiatrie auprès d’enfants hospitalisés. Et nous avons observé combien le personnage du clown leur permettait de continuer à vivre dans leur corps, leur tête et leur imagination. Le constat a été le même en gériatrie, mais cette fois, le résident amène son histoire et ses expériences dans le jeu. »

Tout en émotion

Ainsi, depuis 2007, à raison de deux fois par mois, les clowns professionnels de l’association parcourent en duo les couloirs des services gériatriques et des unités Alzheimer. « La figure du clown est particulière auprès des personnes âgées, explique Pauline Woestelandt, directrice de Vivre aux éclats. Ce n’est pas un rôle qu’on endosse, mais qu’on crée à partir de ses expériences, de ses rencontres. Il y aussi une mise à nu et une sincérité qui permettent de décomplexer les résidents. Ce qui amène un rapport différent. »

L’Ehpad accueille, depuis un an, le programme artistique « Cotillons & courtoisies » qui offre, à travers l’interactivité et l’art clownesque, une perspective nouvelle sur les personnes atteintes de troubles cognitifs. Personnalisés, les spectacles sont un outil d’entrée en relation et une forme de médiation. « Le partage émotionnel est très présent, la tendresse, le contact, le toucher. Grâce au clown, nous entrons dans un autre instant. Il ne s’agit pas de ramener les personnes âgées démentes à la réalité, mais de les rencontrer quelque part, là où ils sont », poursuit Carole Devillers. Pascale Vial, art-thérapeute et animatrice à l’Ehpad, a participé au projet : « Ce type d’activité permet de faire resurgir des émotions chez des résidents. Par le biais de la musique par exemple, les clowns parviennent à déclencher quelque chose chez eux. »

Un rire, un regard que l’on accroche, une attention qu’on a su capter… Les résidents se souviennent de ce qu’ils ont vécu. C’est le cas de Pierrette, qui s’exclame sitôt arrivée dans la salle : « Ah, mais oui, je me rappelle. On s’est vus deux fois je crois », avant de poser les yeux sur les grandes toiles installées dans la salle commune et la salle à manger.

Un travail en commun

« Le clown ne peut pas créer du jeu sans la complicité du soignant, poursuit Pauline Woestelandt. L’infirmière référente au sein de chaque établissement hospitalier nous aide à définir les besoins face au patient : apaisement ou stimulation, par exemple. » Avant chaque intervention, les comédiens rencontrent le personnel soignant pour s’informer de leur état de santé, de leur maladie ou handicap. Mireille Georjon, alors technicienne en électroencéphalographie (EEG), a découvert, « émerveillée », l’association lors d’une visite des clowns à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Bron en 2008. Au moment de son départ en retraite, elle n’a pas hésité à s’engager comme bénévole : « Je voulais m’impliquer pour que cette belle aventure continue de vivre ! Rendre, avec mes moyens, ce que les clowns m'avaient donné avec tant de gentillesse. »

EXPOSITION

Le regard du photographe

Au cœur du programme Cotillons & Courtoisies, l’exposition itinérante « Oser l’être » souhaite « participer à une réflexion sociétale sur l’accompagnement du grand âge dans nos sociétés et contribuer à destigmatiser la maladie d’Alzheimer et la dépendance liées à l’âge », expliquent Andrea Magnolfi et Pauline Woestelandt de l’association Vivre aux éclats. L’essentiel de l’exposition : vingt photographies d’Edgar Barraclough prises sur le vif lors du programme, des paroles de familles, témoignages de professionnels de santé, et surtout, des éléments puisés d’études anthropologiqueset psychologiques menées sur le projet. Financée par AG2R La Mondiale, l’exposition est le témoin de cette rencontre particulière.