Des démarches participatives - L'Infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 363 du 01/09/2015

 

CHIRURGIE AMBULATOIRE

DOSSIER

Les ARS n’ont pas attendu les objectifs du Plan triennal des hôpitaux pour impulser le développement de la chirurgie ambulatoire. Trois exemples illustrent l’intérêt d’une démarche participative qui favorise l’adhésion des établissements et l’impact des politiques régionales sur les soins.

Développer la chirurgie ambulatoire est devenu un leitmotiv du gouvernement. Ce dernier a ainsi fixé des objectifs nationaux pour trois ans : 52,1 % en 2015, 54,2 % en 2016 et 57 % en 2017. Pour autant, certaines ARS ont depuis plusieurs années mis en œuvre des démarches propres aux enjeux régionaux afin d’augmenter le taux de chirurgie ambulatoire. C’est notamment le cas de l’ARS Bretagne, qui s’est emparée du problème dès 2011.

Incitations financières en Bretagne

Avec un taux de 38 % en 2011, la plaçant au 18e rang des 26 régions, la Bretagne accusait en effet un retard. L’ARS décide alors de lancer un plan d’actions sur cinq ans, de 1,3 million d’euros, destiné aux praticiens des hôpitaux publics et des établissements privés, aux directeurs et aux médecins libéraux. Le Dr Françoise Durandière, conseillère médicale à l’ARS, est chargée de cette mission : « J’ai proposé au directeur général de l’ARS de lancer un appel à projets auprès des établissements publics et privés afin, non pas de les contraindre, mais de les associer à nos démarches. De plus, nous avons choisi d’inciter financièrement ces mêmes établissement afin qu’ils développent la chirurgie ambulatoire, tant quantitativement que qualitativement, mais aussi qu’ils innovent en développant cinq gestes qui n’étaient pas pratiqués en région », explique-t-elle. L’ARS choisit également de retenir un établissement parmi ceux les plus avancés en chirurgie ambulatoire comme centre de référence du processus ambulatoire du traitement chirurgical des hernies inguinales. Lancé fin 2011, cet appel à projets rencontre un succès immédiat : sur une quarantaine d’établissements chirurgicaux, 25 ont répondu, 12 sur le développement global de la chirurgie ambulatoire, 12 sur la chirurgie ambulatoire innovante et 1 sur le centre de référence. Quelques mois après, l’ARS lance un appel à candidatures. Objectif : retenir des médecins, des administratifs et des cadres de santé pour qu’ils effectuent des visites sur le terrain, dans les établissements. « Cette partie a été moins productive que ce que nous espérions, mais nous avons travaillé avec eux sur la mise en place d’indicateurs et de tableaux de bord dans les établissements et à la conception d’un modèle de “passeport ambulatoire” remis à chaque patient », détaille Françoise Durandière.

Grâce à cette démarche incitative, la Bretagne a rattrapé son retard en deux ans avec une progression de 2,3 points en 2012 et 2013. Fin 2013, l’ARS lance un nouvel appel à projets. Cette fois-ci, il est ciblé sur les prises en charge innovantes, visant des personnes âgées de 75 ans et plus, et un centre de référence pour la chirurgie ambulatoire gynécologique. Dans le même temps, l’ARS fixe pour chaque établissement des taux cibles de chirurgie ambulatoire en fonction de leur profil d’activités. Des objectifs quantitatifs et qualitatifs et une dizaine d’indicateurs figurent en annexe du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom).

Pour Régis Condon, directeur de la Clinique mutualiste de la Porte de l’Orient à Lorient (56), cette « politique incitative et non de sanction a suscité beaucoup d’adhésion dans les équipes médicales et administratives ». Et de détailler : « Alors qu’il y a cinq ans, nous réalisions beaucoup de chirurgie lourde, l’appel à projets a favorisé la prise en compte de nouveaux “territoires” de chirurgie ambulatoire, ce n’était pas la contrainte. » Le directeur apprécie notamment que l’ARS ait su manier à la fois l’incitation et des mesures pédagogiques, comme la mise sous accord préalable. En 2013, la clinique a répondu à l’appel à projets sur la partie « développement de l’activité de chirurgie ambulatoire, tant dans le domaine quantitatif que qualitatif ». Les résultats sont là : en 2014, le taux de chirurgie ambulatoire pour les vésicules a atteint 53 % (taux national de 21 %) et pour les fistules artério-veineuses 57 % (taux moyen national : 6,4 %). En septembre 2015, un autre projet de l’ARS aboutira : la mise en ligne d’une plate-forme Internet interactive sur le chemin clinique du patient, accessible au grand public, aux professionnels de santé, y compris libéraux, et aux établissements.

Benchmark en Poitou-Charentes

En Poitou-Charentes, l’ARS met en place dès 2011 un groupe de travail sur la chirurgie ambulatoire réunissant les représentants des établissements hospitaliers publics et privés, mais aussi les URPS (Union régionale des professionnels de santé) des médecins et des infirmiers, les usagers et l’Assurance maladie. Objectif : dresser un état des lieux et élaborer un programme annuel et biannuel pour développer des actions auprès des professionnels de santé et des usagers. En 2013, un plan d’actions est lancé. Il prévoit la poursuite des mises sous accord préalable pour des gestes chirurgicaux ciblés, le suivi d’indicateurs inscrits dans les Cpom, un accompagnement de certains établissements qui présentent encore un potentiel en chirurgie ambulatoire. « Nous avons également construit des profils de chirurgie ambulatoire pour chaque établissement afin qu’ils puissent connaître leur positionnement par rapport aux taux nationaux et régionaux sur certains gestes marqueurs. Ce profil leur est transmis deux fois par an », complète Véronique Carreno, conseillère médicale à la direction de l’offre sanitaire et médico-sociale à l’ARS. L’objectif est aussi d’organiser en 2014 une rencontre régionale à destination des usagers.

En janvier 2015, l’ARS innove en présentant aux établissements une démarche de benchmark. L’agence a fait appel au cabinet conseil Cerclh, à Paris, pour mettre au point un outil de diagnostic comportant les points à améliorer pour favoriser le développement de la chirurgie ambulatoire. Cet outil permet aussi d’avoir une grille de lecture commune et des échanges entre établissements. Ces derniers sont invités à réaliser une auto-évaluation qui conduit à une restitution individuelle auprès de l’ARS, qui réalise ensuite une restitution régionale, avec anonymisation des données recueillies par l’ARS. « La position de l’ARS est d’accompagner les établissements et non de leur imposer un modèle et des actions », précise Véronique Carreno. Sur les 23 établissements concernés par le sujet, 22 adhèrent à la démarche de benchmark.

« Il y a un vrai partenariat avec l’ARS. Cela nous a permis de développer la chirurgie ambulatoire et la qualité des soins avec des objectifs clairs et définis », estime Stéphane Chabanais, directeur des plateaux techniques au Centre clinical de Soyaux, où l’équipe médicale développe la culture de la chirurgie ambulatoire depuis une trentaine d’années. Il souligne les éléments important apportés par l’ARS : la communication du profil avec le potentiel de substitution qui permet de voir les marges de développement de la chirurgie ambulatoire ; le benchmark et la restitution de l’activité très précise, qui met en exergue les points faibles et les points forts ; l’accompagnement des professionnels de santé et les échanges lors des réunions du groupe régional. Toutefois, Catherine Michel, directrice générale de l’établissement, relève aussi les points plus contraignants comme les mises sous accord préalable et les objectifs du Cpom, qui ont néanmoins constitué un levier pour développer la chirurgie ambulatoire, même si la tarification reste peu incitative. De fait, le taux de chirurgie ambulatoire de son établissement est passé de 60,7 % en 2010 à 63,5 % en 2014. En comparaison, le taux régional était de 44,8 % en 2010 et de 51,2 % en 2014, l’objectif pour 2015 étant de 53,2 %.

Des trophées en Bourgogne

En Bourgogne, l’ARS a créé un comité régional de chirurgie ambulatoire, rassemblant les directeurs, les présidents de commission médicale d’établissement (CME) et tous les médecins intéressés, les fédérations, l’Ordre des médecins, les infirmiers, l’Assurance maladie. La première réunion du comité a eu lieu le 15 octobre 2014. À son issue, deux groupes de travail ont été constitués. Le premier planche sur « comment promouvoir la chirurgie ambulatoire », et le second sur « comment harmoniser les pratiques » à partir des chartes de chirurgie ambulatoire collectées par l’ARS auprès des établissements. « Chaque groupe, au-delà de leur appartenance à un établissement privé ou public, a émis des idées novatrices et pertinentes. Nous abordons l’éthique, les indications et les contre-indications à la chirurgie ambulatoire. Nous regardons aussi les organisations et ce que nous pouvons améliorer sur les gestes marqueurs », explique Bruno Mangola, praticien hospitalier détaché à l’ARS et chargé de mission pour la chirurgie ambulatoire et les CHT qui vont devenir les GHT (groupements hospitaliers de territoire).

Une autre idée a également surgi afin de faire connaître les pratiques dans le domaine auprès des professionnels de santé et des usagers : la création des prix de l’innovation en chirurgie ambulatoire. Les premiers trophées seront remis en novembre. Autre projet de l’ARS : le tournage d’un film sur la journée d’une patiente en chirurgie ambulatoire du sein. « Il s’agira d’un film technique à destination des patientes, des chirurgiens et des anesthésistes. Cela permet de ne pas parler uniquement de chiffres et d’objectifs ! », conclut Bruno Mangola.

INFIRMIÈRE COORDINATRICE

Un nouveau métier

En Bretagne, la journée régionale sur la chirurgie ambulatoire a mis en avant le témoignage d’IDE exerçant la fonction d’infirmière coordonnatrice en chirurgie ambulatoire. À la Clinique mutualiste de la Porte de l’Orient (Lorient), ce poste existe depuis cinq ans. « La chirurgie ambulatoire nécessite une préparation et une bonne information du patient en amont. Il a fallu détacher un poste d’infirmière “bulle” – elle travaille dans un bureau en verre – de 9 h à 15 h. Cela s’est mis en place dans le cadre d’un projet d’équipe », explique Maryse Tanguy, cadre de santé. Les quatre infirmières du service de chirurgie ambulatoire occupent tour à tour ce poste durant cinq jours. Elles reçoivent les patients après la consultation de l’anesthésiste pour les informer, leur donner les conseils de préparation, leur remettre le « passeport ambulatoire », les informer de leur appel la veille et le lendemain de l’intervention. L’infirmière « bulle » prépare aussi les dossiers et la planification.

ARS

MISSIONS ET ORGANISATION

Les ARS ont pour mission de mettre en œuvre la politique de santé au niveau régional et de veiller à la gestion efficiente du système de santé.

→ Compétences : l’ARS régule, organise l’offre de services en santé et médico-sociaux, autorise la création d’établissements, contrôle leur fonctionnement, alloue des ressources, veille et contrôle la qualité et la sécurité des actes médicaux et des produits de santé, élabore les Sros (shémas régionaux d’organisation des soins), défini les territoires de santé.

→ À l’échelon régional, les ARS sont dotées :

– d’un conseil de surveillance chargé d’évaluer et de contrôler son action et d’un directeur général. Ce dernier signe le Cpom (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens) de l’ARS avec les ministres de tutelle, autorise la création, la conversion et le regroupement des activités de soins et l’installation des équipements lourds, arrête le projet régional de santé (PRS)… ;

– de deux commissions de coordination des politiques publiques de l’État : l’une ouvrant dans le domaine de la prévention, de la santé au travail et de la PMI, l’autre celui des prises en charge et des accompagnements médico-sociaux ;

– d’un organe consultatif, la Conférence régionale de santé et de l’autonomie (CRSA), qui émet notamment des avis sur le PRS. Elle comprend cinq commissions, dont une spécialisée de l’organisation des soins.

→ À l’échelon territorial, une conférence de territoire, qui participe à la mise en œuvre du PRS, est constituée dans chacun des territoire définis.

→ Le PRS est constitué d’un plan stratégique ainsi que des shémas régionaux dont l’un porte sur l’organisation des soins (Sros) avec un volet établissements de santé et un volet ambulatoire.

→ La contractualisation est un outil de pilotage pour la mise en œuvre du PRS. L’ARS peut conclure des Cpom avec les établissements de santé, médico-sociaux, définissant des objectif et engagements, des contrats d’amélioration de la qualité des soins… Le recours à l’appel à projets est un autre outil pour impulser la création de services ou d’établissements.