L’évaluation rime avec évolution - L'Infirmière Magazine n° 360 du 01/05/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 360 du 01/05/2015

 

FORMATION

Sophie Komaroff  

Retour sur l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) relatives aux neutropénies fébriles menée à l’hôpital Armand Trousseau (AP-HP) avec Élodie Dapvril (cadre), Sophie Gay et Nicolas Russier (IDE).

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Qui a initié ce travail ?

ÉLODIE DAPVRIL : Cette EPP a été initiée par le Dr Petit, qui a identifié un événement indésirable porteur de risque. Il avait prescrit du paracétamol per os et un antibiotique par voie intraveineuse (IV) à un patient fébrile en aplasie. Plus tard, lorsqu’il a pris des nouvelles de ce patient, on l’a informé que le paracétamol était en train de passer en IV et que l’antibiothérapie n’était pas mise en route, alors que cette dernière est prioritaire chez le patient neutropénique. À la suite de cet épisode, il est apparu que cette pratique n’était pas un fait isolé.

L’I. M. : Quelle forme a pris cette évaluation ?

NICOLAS RUSSIER : Le Dr Petit a élaboré un questionnaire qui a été envoyé par e-mail à 49 IDE et IPDE du service en janvier 2014. 35 personnes y ont répondu (soit un taux de 71 %), ce qui donne un sens à cette EPP et aux chiffres récoltés.

SOPHIE GAY : Ce questionnaire comportait de nombreux items à commentaires libres, ce qui a permis de réaliser une étude quantitative et qualitative.

L’I. M. : Les soignants ont-ils adhéré à la démarche ?

S. G. : Cette EPP a reçu un accueil positif car elle soulignait les fausses croyances ou les mauvaises pratiques entrées dans le quotidien du service. Les soignants ne l’ont pas pris personnellement, mais comme une démarche visant à améliorer leurs pratiques. Cela a suscité de nombreuses questions constructives au sein des équipes.

N. R. : Nous nous sommes tous questionnés sur nos propres pratiques et sur celles de nos collègues. Le fait est qu’après cela, les soignants avaient déjà modifié leurs pratiques. Les commentaires libres du questionnaire nous l’ont appris ! L’EPP a formalisé cette remise en question.

L’I. M. : Quel est le devenir de cette EPP ?

S. G. : Entre janvier et octobre 2014, un énorme travail de sensibilisation a été mené au sein du service par les médecins, mais aussi par les équipes paramédicales, via une transmission orale des connaissances. Nicolas Russier et moi-même avons été invités à rédiger un protocole de prise en charge de la neutropénie fébrile, ainsi qu’un arbre décisionnel destiné aux IDE et IPDE, afin d’homogénéiser les pratiques. Ce protocole est actuellement entre les mains des encadrants du service, car il n’est pas encore validé. Lorsqu’il le sera, un questionnaire sera de nouveau envoyé, afin de savoir si les efforts de sensibilisation ont porté leurs fruits et si le protocole a été consulté. L’EPP a également révélé une substitution de la voie d’administration du paracétamol (par IV alors que la prescription indique per os). Nous réfléchissons à l’élaboration d’une fiche « paracétamol » autorisant l’infirmier à remplacer de façon autonome la voie per os par l’IV pour cette molécule.

N. R. : Cette EPP nous a permis de tirer des recommandations visant à traiter la neutropénie comme une priorité et à hiérarchiser les actes : l’évaluation clinique (mesure des constantes, surveillance hémodynamique, observation de l’enfant et du temps de recoloration cutanée) prime sur la distribution des repas, par exemple. En outre, le Dr Petit a suggéré une présentation de cette EPP en octobre lors du salon infirmier.

E. D. : Fin 2014, j’ai été sollicitée par le Pr Leverger, qui dirige notre service, pour organiser un séminaire soignant où présenter l’EPP. Le 5 mars dernier, j’ai donc mis en place une journée axée sur la qualité et la gestion des risques autour des pratiques soignantes, à laquelle les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture ont été intégrés. Les soignants du pôle d’hématologie adulte de l’hôpital Saint-Antoine y ont également participé.

L’EPP a suscité quelques débats : plusieurs soignants avaient répondu au questionnaire sans savoir ce qu’il était devenu. Toutes les personnes présentes à ce séminaire sont reparties avec une clé USB comportant l’intégralité de la présentation, dont l’EPP, ce qui est un bon moyen de la diffuser aux collègues. Elle est également consultable via le serveur du service, ainsi que la base AP2, qui recense les EPP menées à l’AP-HP : l’ensemble du personnel y a donc accès.