Enfant neutopénique : une prise en charge rigoureuse | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 360 du 01/05/2015

 

FORMATION

CAS CLINIQUE

Suite à une EPP menée par le service hématologie et oncologie pédiatrique de l’hôpital Armand Trousseau (AP-HP), un sénario à haut risque a été imaginé pour la prise en charge de neutropénie fébrile. À chaque étape, les recommandations de bonne pratique.

SCÉNARIO

Il est 19 heures, c’est l’heure de la relève jour/nuit. Sophie, infirmière de jour, fait ses transmissions à Nicolas, infirmier de nuit. L’interne interrompt à plusieurs reprises les transmissions afin de donner les dernières recommandations concernant l’enfant W., pour lequel un remplissage vasculaire a été effectué plus tôt dans la journée. Pressée, elle part assez vite voir cet enfant qui sera pris en charge par la collègue de Nicolas. De manière concomitante, l’aide-soignante distribue les repas. Cette dernière a un tour de courses à faire à 19 h 30.

1 Sophie : X., 3 ans, est suivi pour une leucémie aiguë lymphoblastique de la lignée B, à J 13 de son induction, en aplasie. Apyrétique depuis un pic fébrile isolé à la découverte de sa leucémie, où la Pipéracilline/tazobactam a été débutée. Mais la maman est venue me voir à 18 h 45 pour me dire qu’il a 38,9 °C de température.

Nicolas : Il la tolère bien ? Tu as fait une hémoculture ?

S. : Non, je suis allée chez Y. pour la fin de sa première transfusion, puis chez Z. pour le rinçage de son Asparaginase. Elle m’a juste dit qu’il était « chaud et pas bien ».

N. : Le médecin est prévenu ?

S. : Non, pas encore.

→ Bonne pratique : Sophie demande à une collègue de mesurer les paramètres vitaux de X. (TA et PAM/FC/T°), prioritairement, dès 18 h 30. Dès que possible et avant les transmissions, elle va voir l’enfant et complète son évaluation clinique : respiratoire, état cutanéo-muqueux (couleur, aspect et coloration des téguments, aspect cutané de l’émergence de la voie veineuse centrale et recherche prioritaire des foyers infectieux possibles…), état général (conscience, frissons, douleurs, diarrhée, diurèse, etc.), anamnèse/recueil de données dont biologie et bactériologie récente si possible. « Si symptôme il y a, considération tu lui donneras. » Sophie prélève une hémoculture. Elle explique aux parents et à l’enfant pourquoi on va pratiquer un ECBU et un compte de germes (si diarrhée), en donnant le matériel nécessaire. Prescriptions médicales sous les yeux, elle appelle tout de suite le médecin qui explicite les antibiotiques à débuter. Il est 19 h 10 : les transmissions peuvent avoir lieu. Elles permettent d’évaluer globalement la charge de travail et de hiérarchiser les soins.

2 19 h 30 : Nicolas fait sa planification, perturbé par les multiples demandes et sonnettes.

→ Bonne pratique : il prend rapidement connaissance des prescriptions médicales des enfants dont il est en charge. Il réalisera sa planification écrite plus tard. Il prépare et va administrer aussitôt l’Amikacine et l’Imipénème/cilastine prescrits en injection intraveineuse (IV) à X. L’enfant n’a pas uriné, mais l’antibiothérapie doit être mise en place moins d’une heure après le premier pic thermique. L’infirmier allume la lumière de la chambre. Observant alors une mauvaise tolérance de la fièvre et l’inconfort de X., il lui donne, simultanément aux antibiotiques IV, du paracétamol per os comme prescrit. S’il est refusé par l’enfant, il sera administré en IV sur prescription du médecin vers 21 heures, après la fin de la perfusion d’antibiotiques. En réalisant ces soins, Nicolas surveille l’évolution de l’état clinique de l’enfant, le découvre et propose des gants humides et frais.

3 20 heures : Nicolas part aider sa collègue car W. est de nouveau en instabilité hémodynamique. La recherche du matériel adéquat est longue (masque à haute concentration, système d’aspiration, chariot d’urgence…) et nécessite de sortir de l’unité.

→ Bonne pratique : à 20 heures, Nicolas est encore dans la chambre de X. quand sa collègue lui demande de l’aider immédiatement chez W. Il lui propose de solliciter des collègues infirmiers des autres étages ainsi que le personnel AS/AP, et lui indique qu’il arrivera dès qu’il aura posé ses antibiotiques.

4 21 heures : W. part en réanimation avec la collègue de Nicolas et un médecin. La maman de X. revient vers l’infirmier.

Maman : Désolée, X. ne va vraiment pas bien. Il a 39,4 °C. Il frissonne et gémit alors qu’il dort. Je lui ai mis une deuxième couverture, j’ai l’impression qu’il a froid. Il faut vraiment faire quelque chose, je ne sais pas… Du Doliprane, à la maison, ça marche bien !

N. : J’arrive tout de suite.

Nicolas consulte la prescription médicale. Le paracétamol n’est prescrit qu’en per os. L’enfant dort. Le sachant inconfortable, l’IDE décide de passer la dose prescrite en IV. Il est 21 h 05, il prépare son matériel.

21 h 15 : La chambre est plongée dans l’obscurité. Nicolas prend son téléphone pour avoir un peu de lumière. Il mesure les paramètres vitaux (tension artérielle, pouls, température) et prélève une hémoculture. L’enfant, qui ne se réveille pas, frissonne. l’IDE le découvre. À 21 h 20, le paracétamol intraveineux est débuté sur 30 minutes. Nicolas repart.

→ Bonne pratique : vers 21 h 30, dès que la charge de travail le permet, Nicolas revient vers X. pour surveiller son évolution clinique. Il vérifie la température afin d’évaluer l’efficacité des mesures prises.

5 22 heures : Appel du médecin d’astreinte pour prendre des nouvelles des patients.

Médecin : Tout va bien ? W. est bien en réa ?

N. : Oui, W. est en réa. Mais X. a de la fièvre depuis 18 h 45. Il frissonne. Le paracétamol intraveineux vient de se finir.

M. : Comment ça, il est fébrile depuis 18 h 45 ?

N. : Tu n’es pas au courant ? Je pensais que ma collègue de jour t’avait prévenu avant de partir.

M. : Comment la tolère-t-il ? As-tu débuté d’autres antibiotiques ?

N. : Il est tachycarde, sa tension est un peu basse, 89/54, température à 39,4 °C. Il est déjà sous Pipéracilline/tazobactam. J’ai prélévé une hémoculture.

M. : Débute immédiatement l’Amikacine, remplace la Pipéracilline/tazobactam par de l’Imipénème /cilastine, comme sous prescrit en cas de reprise thermique. Scope-le et effectue une surveillance clinique très rapprochée. Tiens-moi au courant et on reparlera plus tard de ce retard à l’exécution de la prescription.

→ Bonne pratique : à 22 heures, Nicolas informe le médecin d’astreinte lors de son appel téléphonique.

6 22 h 15 : Nicolas débute les nouveaux antibiotiques. Il allume la lumière pour brancher le scope à l’enfant, qui présente un état manifeste de sepsis sévère (PA basse, tirage, TA basse, tachycardie, polypnée…) rétabli, ensuite, par un remplissage vasculaire sur décision médicale (médecin d’astreinte).

→ Bonne pratique : toute la nuit, Nicolas réalise une évaluation clinique complète et rapprochée.