CE QU’IL FAUT EN RETENIR - L'Infirmière Magazine n° 360 du 01/05/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 360 du 01/05/2015

 

PROJET DE LOI DE SANTÉ

ACTUALITÉS

À LA UNE

LAURE MARTIN  

Fermetures de cabinets, appels à la grève, manifestations : de nombreuses actions ont été menées par les professionnels de santé pour demander la réécriture, voire le retrait du projet de loi de modernisation du système de santé. Sans succès. En discussion à l’Assemblée du 31 mars au 10 avril(1), le texte sera débattu d’ici l’été par les sénateurs.

Évolution des compétences des professionnels de santé

Nouvelle possibilité offerte aux paramédicaux : l’exercice en pratique avancée, au sein d’une équipe de soins primaires ou de soins en établissement de santé coordonnée par le médecin. Un décret précisera, pour chaque profession, les domaines d’intervention (prévention, dépistage, prescription de produits ou d’examens complémentaires, renouvellement ou adaptation de traitements…), les conditions et règles d’exercice. Cette mesure permettra de créer le métier d’infirmier clinicien. Mais, pour Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), c’est déjà « le travail quotidien des infirmières libérales ». « Les syndicats médicaux ont tout mis en œuvre pour retirer la notion de diagnostic, souligne-t-il. Si les IDE ne peuvent pas le faire, à quoi cela sert-il ? » Pour Annick Touba, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), les pratiques avancées sont une évolution, « mais nous déplorons que tout ce qui est mis en place le soit pour combler la pénurie de médecins qui, eux, craignent le transfert de compétences ».

Les députés ont, par ailleurs, décidé d’autoriser les médecins du travail, les IDE et les sages-femmes à prescrire des substituts nicotiniques, notamment à l’entourage de la femme enceinte. Les sages-femmes pourront également pratiquer l’IVG médicamenteuse, et leurs compétences en matière de vaccination vont être étendues aux personnes vivant avec le nourrisson. Suscitant une forte opposition, la mesure permettant au pharmacien d’accomplir l’acte vaccinal a été retirée. La ministre de la Santé a néanmoins affirmé que cette pratique ferait l’objet d’une expérimentation. De même, un article additionnel de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, visant à déléguer des actes infirmiers à des non-soignants dans les établissements médico-sociaux, a été supprimé (lire notre article daté du 13/04 sur Espaceinfirmier.fr).

Des communautés professionnelles territoriales de santé

Exit le service territorial de santé au public, qui avait suscité de vives critiques des représentants des libéraux et de l’hospitalisation privée, craignant un contrôle renforcé des ARS. Place aux « communautés professionnelles territoriales de santé », nouvelle appellation des pôles de santé. Il appartient désormais aux professionnels de décider de se constituer en communauté ; à défaut d’initiative de leur part, les ARS pourront intervenir. La communauté devra être composée de professionnels de santé regroupés sous la forme d’équipes de soins primaires, d’acteurs de premier ou second recours, ou médico-sociaux. Ils devront transmettre à l’ARS un projet de santé et l’agence pourra conclure des contrats territoriaux de santé pour répondre aux besoins identifiés. Les ARS ont également une nouvelle mission d’appui aux professionnels pour la coordination des cas complexes, afin d’éviter des hospitalisations inutiles. Enfin, un « pacte territoire-santé » visera à « promouvoir la formation et l’installation des professionnels de santé en fonction des besoins des territoires ». « Cette mesure, c’est de la cosmétique, dénonce Philippe Tisserand. Le médecin va être le pivot et va concentrer tous les pouvoirs. J’appelle les infirmières à se réveiller. » « Ce changement, c’est surtout une question de vocabulaire, ajoute Annick Touba. Néanmoins, il y a désormais moins d’emprise de l’ARS. »

Généralisation du tiers payant

Malgré la vive opposition des médecins, qui en ont fait leur cheval de bataille, la ministre a maintenu la généralisation du tiers payant. Les généralistes, qui craignent de ne pas être payés, ne décolèrent pas contre ce qu’ils considèrent comme une surcharge administrative. Le syndicat Convergence Infirmière a soutenu leurs revendications, faisant savoir que la profession infirmière était déjà « confrontée » « aux problèmes de délégation de paiement » depuis de nombreuses années. « Avec plus de 80 caisses et 600 mutuelles, la partie administrative est chronophage », a fait savoir le syndicat d’Idel, ajoutant que ce système n’est pas une panacée. Actuellement, les infirmières libérales ont l’obligation de pratiquer le tiers payant pour les patients bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU), de l’aide médicale d’État (AME), de l’aide à la complémentaire santé (ACS), et pour les patients victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Dans la pratique, elles l’étendent généralement à un grand nombre de leurs patients. Pour se faire rembourser, elles doivent envoyer les feuilles de soins aux caisses d’assurance maladie et signer une convention avec les mutuelles. À compter du 1er juillet 2016, les généralistes exerçant en ville pourront pratiquer le tiers payant pour l’ensemble des assurés déjà couverts à 100 % par l’assurance maladie, les bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS. Le tiers payant sera généralisé à partir du 30 novembre 2017.

Ouverture des données de santé

Marisol Touraine souhaite que la France rejoigne « le mouvement modernisateur de l’open data », en permettant à des chercheurs, associations, professionnels de santé, entreprises et start up d’accéder à certaines données anonymes, pour ainsi renforcer la démocratie sanitaire, améliorer la performance du système de santé et stimuler l’innovation médicale. Le texte crée un Système national des données de santé (SNDS), qui regroupera les données issues du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), du Système national d’information inter-régimes d’assurance maladie (Sniiram), du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDC), des données médico-sociales de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et un échantillon représentatif des données de remboursement des complémentaires. Les demandes d’accès devront être autorisées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, mais aussi par un Institut national des données de santé, ainsi qu’un comité d’experts. Les industriels de la santé et les organismes de complémentaires santé n’auront pas accès aux données brutes, mais devront passer par un bureau d’études. Bien qu’elle soit très encadrée, cette ouverture soulève de nombreuses questions éthiques (lire p. 20-21).

Les mesures de santé publique

Elles concernent notamment le renforcement des moyens visant à lutter contre l’alcoolisation massive des jeunes avec, entre autres, la création d’une infraction spécifique pour l’incitation à la beuverie express (binge drinking). Les députés ont aussi créé un délit d’incitation à la maigreur excessive ; le public sera désormais informé des retouches réalisées sur les photographies d’images corporelles et les agences de mannequins ne pourront pas avoir recours à des personnes dont l’indice de masse corporelle atteste un état de dénutrition. Enfin, pour lutter contre l’obésité, les députés ont acté la création d’une information nutritionnelle claire accompagnant les denrées alimentaires, car les consommateurs la considèrent actuellement incompréhensible.

1- À l’heure où nous écrivons ces lignes, le vote solennel du texte (14 avril) n’a pas eu lieu. À suivre sur Espaceinfirmier.fr

Articles de la même rubrique d'un même numéro