C’est pas du jeu ! | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 360 du 01/05/2015

 

SIMULATION

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

KAREN RAMSAY  

Depuis deux ans, les soignants du CHU de Rouen sont formés à la médecine de catastrophe grâce à la simulation par jeu de rôles. Une mise en situation ludique.

Des petits bonhommes en plastique, revêtus de vêtements bariolés, occupent l’essentiel du plan de travail. Certains se tiennent droit sur leurs jambes fines, d’autres sont couchés. Dès l’entrée dans la salle, le regard des participants s’illumine. Car aujourd’hui, pendant plus d’une heure, ces figurines colorées seront leur outil de travail. Ce jeu de rôles par simulation a été mis en place depuis deux ans par le Centre d’enseignement aux soins d’urgences (Cesu) du CHU de Rouen, pour former les professionnels de santé à la médecine de catastrophe. « Jusqu’en 2013, l’enseignement des risques collectifs reposait essentiellement sur un cours magistral, explique Florent Gachet, infirmier et initiateur de la démarche. L’objectif de ce jeu de rôles est de mettre en situation les apprenants, afin qu’ils se rendent compte des contraintes que peuvent avoir les équipes sur le lieu d’une véritable catastrophe. Essentiellement des contraintes de communication et d’organisation. »

Le scénario castastrophe

Il est dix heures. Le coup de feu vient d’être lancé. Un attentat a eu lieu lors d’un meeting politique. Une carte de 6 m2 reproduit un village fictif avec 19 véhicules urgentistes, 70 soignants, 102 patients blessés, un hôpital, une école et un bâtiment. Les 12 soignants - infirmières, kinésithérapeutes, aides-soignantes, médecins et pharmaciens - sont répartis en trois groupes. Le groupe Chantier doit s’occuper de la sécurisation du lieu, faire un bilan de la situation, choisir l’emplacement du poste médical avancé (PMA) et organiser la prise en charge des victimes. Le groupe Poste de commandement (PC) coordonne quant à lui les secours préhospitaliers, répond aux demandes logistiques du groupe Chantier et assure le lien entre le Samu et les hôpitaux. Et le groupe Plan Blanc assure pour sa part la gestion de l’hôpital et la réorganisation des services, suite à l’afflux massif et subit de victimes. Des téléphones et des walkies-talkies sont mis à leur disposition.

Les consignes vont ainsi pleuvoir pendant 40 minutes ; des indications qui viendront bouleverser le cours des choses, interrompre le fil entre les équipes, ou donner encore et encore des mauvaises nouvelles. « Le point fort de cette simulation est de former des soignants qui ne sont pas en première ligne au moment d’une catastrophe. Il s’agit de leur montrer ce qui se passe en amont, avant l’arrivée du patient à l’hôpital », confie Florent Gachet. Le temps imparti des 40 minutes est aussi crucial car le rôle des équipes est d’organiser les secours et d’établir les priorités dans un temps donné. « Cette méthode peut permettre de recréer certaines catastrophes qui se sont déjà produites (ferroviaire, routière, aérienne, nucléaire, chimique…) pour retravailler la gestion de crise », poursuit-il. Certains, confie l’infirmier, sont stressés, tendus, complètement immergés dans leur rôle. Si la démarche pédagogique est de plus en plus utilisée au sein du CHU de Rouen et de la région Haute Normandie, notamment pour les faibles coûts générés (1 500 euros déboursés pour l’achat des figurines, du matériel et de la carte) les professionnels de santé saluent la dimension ludique de la formation. Une façon de dédramatiser une situation, un retour à l’enfance, une absence de réserve dans l’action… Au moment du débrief, les apprenants affichent leur satisfaction (voir encadré). Face à la tension de la situation, les Playmobil® blessés ont su garder le sourire.

ÉTUDE DE SATISFACTION

L’attrait de la simulation

La pédagogie de la démarche, sa pertinence et la rétention des connaissances ont été évaluées en 2014 au CHU de Rouen. Réalisée auprès de 309 participants qui ont pris part à un enseignement avec simulation (154) et sans simulation (155), l’étude a révélé un taux de satisfaction de 94 % dans le premier groupe, contre 86 % dans le deuxième. 71,8  % du groupe avec simulation estime avoir eu une bonne perception des difficultés dans l’organisation des secours, contre 5,7 % dans l’autre groupe. Et le pourcentage de bonnes réponses au questionnaire de connaissances est plus élevé dans le groupe avec simulation (78,8 %, contre 61,4 %). La démarche a d’ailleurs remporté le 1er prix au colloque sur la simulation en santé à Angers en 2014, le 2e prix au Congrès Urgences 2014 et le 1er prix aux trophées Innov’ à soins 2014 du CHU de Rouen.