Accompagner le patient - L'Infirmière Magazine n° 359 du 01/04/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 359 du 01/04/2015

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Face à un patient chronique, il est important de détecter les signes d’une rupture d’observance, d’en explorer les causes et d’adapter son intervention en conséquence. Des outils peuvent faciliter l’adhésion aux traitements.

1. DÉTECTER UNE DIFFICULTÉ D’OBSERVANCE

Des signes d’alerte pourront tout d’abord être repérés : signes cliniques, tels que la non amélioration des symptômes ou les constantes biologiques ; signes visibles dans l’environnement du patient (boîtes de médica ments non terminées) ou à travers son com?portement (refus exprimé de prendre un médicament, plainte d’effets indésirables). Le questionnement direct est la façon la plus simple de mettre la personne en confiance pour verbaliser ses difficultés d’observance. Utiliser de préférence des questions ouvertes (« Comment se passe votre traitement ? », « Quelles difficultés rencontrez-vous ? ») qui appellent au dialogue. Attention à la manière : obtenir du patient qu’il confie ses difficultés implique de « casser » la relation paternaliste, perçue comme culpabilisante. Éviter les tournures qui peuvent traduire un jugement (« Vous prenez bien votre traitement au moins ? »). Il convient aussi de replacer l’inobservance dans la normalité au regard de la maladie chronique (« Suivre un traitement au long cours est difficile pour la majorité des malades ») et de quitter le costume de « gendarme » (« Ne pas prendre votre traitement reste votre droit »). Il faut valoriser le savoir du patient? et insister sur l’intérêt d’aborder le sujet au regard des conséquences d’un mauvais suivi de son traitement. Enfin, en cas de difficulté d’observance suspectée, le test de Girerd(1), un questionnaire, est le seul scientifiquement validé.

2. DES MESURES IMMÉDIATES

De l’information médicale

Redonner des informations médicales est un point important lorsqu’un défaut de connaissance a été identifié, et même en toute occasion, au risque de se répéter. En effet, les études estiment que 40 à 80 % des informations données pendant la consultation médicale seraient aussitôt oubliées… Il convient de rappeler systématiquement : l’indication générale des différents traitements ; leur posologie ; leur intérêt et les principaux effets indésirables possibles. Le patient aura moins tendance à arrêter son traitement brutalement s’il est prévenu de leur possible apparition. Chez les patients âgés et/ou présentant des déficiences (troubles visuels, de mémorisation…), il faut rappeler les modalités de surveillance du traitement (AVK…) et veiller à ce que ces informations soient inscrites sur chaque boîte, en particulier s’il s’agit d’un générique (risque de confusion accrue). En outre, les documents, comme ceux proposés par l’Agence nationale de sécurité du médicament, la Haute autorité de santé, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé ou les associations de patients (à télécharger sur les sites internet), sont utiles pour informer le patient.

Appui des associations et aux proches

Parmi les solutions pour améliorer l’observance émises par les e-patients lors de l’enquête nationale « Vos traitements et vous » (lire l’encadré p. 50), le soutien des associations arrive en tête avec 63 % des avis exprimés, qu’il s’agisse d’associations de patients ou de réseaux de soins.

Autre piste : inviter les proches (parents, aide-ménagère, personne ressource…) à suivre les explications. Cela limite les informations plurielles de l’entourage qui brouillent souvent le message médical. Certains programmes d’associations de patients ou de réseaux de soins leur sont, par ailleurs, ouverts.

3. DES AIDES TECHNIQUES

Les aides techniques sont surtout adaptées dans le cadre d’oublis répétés, de confusions entre les différents traitements ou de difficultés de manipulation.

Faciliter (si possible) le plan de prise

→ Plus le nombre de prises quotidiennes est élevé, plus le risque de rupture d’observance est important : une étude a montré que l’observance passe de 75 %, lorsqu’un seul produit est prescrit, à 40 %, pour quatre médicaments ou plus… Suggérer dès que possible de simplifier les prises et de les faire coïncider davantage avec le mode de vie du patient (décaler une prise, associations médicamenteuses…).

→ Retranscrire de manière visuelle : sous forme de tableau quotidien ou hebdomadaire par heures de prises (matin, midi, soir, coucher), en précisant les indications utiles (lors du repas, à jeun, espace entre les prises…). Astuce : insérer des photos des conditionnements ou des comprimés (couleur, forme) constitue un avantage, car plus le tableau est visuel, plus il limite les erreurs. Le laisser toujours en vue.

→ Ritualiser les prises : on associera les prises à des gestes quotidiens, comme le brossage de dents, les repas, une émission radio quotidienne, etc.

→ Proposer un pilulier : en plus de son aspect pratique (gain de place et de temps lors des prises), il permet de contrôler les prises effectives, de limiter les oublis, les erreurs de posologie et les risques de confusion. Le modèle est à choisir selon l’activité du patient (encombrement), le nombre de comprimés, de prises quotidiennes et ses capacités de préhension (clapet, ouverture par pression…). Les modèles électroniques à alarmes programmables sont une sécurité supplémentaire pour limiter les oublis (lire encadré).

Autres dispositifs

Selon les cas, penser aux dispositifs qui facilitent l’administration : enfile-bas ou coupe-comprimés en cas de difficultés motrices, chambres d’inhalation pour les aérosols, pipettes graduées… Il est aussi important et très enrichissant de faire confiance à la créativité des patients : beaucoup « inventent » des astuces ou dispositifs qui leur permettent d’adapter leurs prises à leurs mode de vie et préférences (piluliers personnalisés, rangement des médicaments dans des endroits familiers comme un étui à lunettes…).

Les nouvelles technologies

Elles viennent au secours des malades chroniques, notamment dans le cadre d’oublis réguliers, de confusion, voire de perte d’autonomie, via des systèmes de téléassistance.

→ SMS et « applis » contre les oublis

• Mise en place dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique au sein du service de cardiologie de l’Hôpital de la Timone, à Marseille (Bouches-du-Rhône), l’utilisation du SMS pour rappeler aux patients de prendre leur traitement antiagrégant par aspirine montre des résultats positifs et remporte la satisfaction de plus de 90 % des personnes revenues à domicile. La généralisation des téléphones portables permet d’opter pour une aide à grande échelle, via des applications gratuites téléchargeables (AppleStore, Google Play…). Lesquelles, selon les paramètres enregistrés, envoient des alertes sonores ou écrites personnalisées. Certaines applications permettent également d’indiquer les prises effectives ou les oublis et d’établir ainsi un suivi d’observance. Quelques exemples : Mes Traitements, iOrdonnance, Ma Pharmacie Mobile, ipharmacien, iPills.

• Des programmes d’aide à l’observance, pour organiser un relais à domicile, sont en cours d’expérimentation. La société Observia, par exemple, propose aux patients diabétiques de recevoir par SMS des messages ciblés selon leur traitement et leurs habitudes renseignés au préalable en pharmacie d’officine partenaire. Ces messages ne concernent pas uniquement les prises médicamenteuses, mais également les règles hygiénodiététiques. Choisis parmi six cents messages élaborés en partenariat avec l’Association française des diabétiques et l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), ils sont retranscrits pendant cinq jours selon le principe de l’entretien motivationnel.

→ Les serious games, en plein développement, sont des jeux vidéo à visée pédagogique. Ce sont des supports ludiques d’éducation thérapeutique : en se glissant dans la peau d’un cyber-héros, le patient apprend à mieux connaître sa maladie, mais aussi à gérer son traitement dans diverses situations. Quelques exemples : Théo et les Psorianautes pour mieux gérer son psoriasis, Inspiratio pour l’apnée du sommeil (programme de télémédecine Respir@dom), Asthmaclic pour l’asthme, L’affaire Birman pour la gestion du diabète insulinodépendant (par la plateforme Gluciweb).

1- À télécharger sur le site de l’Assurance maladie. Suivre le lien : bit.ly/1wVOB75

MÉDICAMENTS

Piluliers intelligents

Ces piluliers « intelligents » ou « communicants » sont munis, en plus d’alarmes programmables, de capteurs capables de libérer automatiquement une prise à l’horaire programmée, de déceler la prise ou non des comprimés, voire de bloquer la prise lorsque l’heure est dépassée pour éviter les surdosages. Ils peuvent s’intégrer dans des systèmes de téléassistance ou d’alerte (mail, SMS, messages vocaux…) pouvant être envoyés à des proches, personnes-ressources et au patient lui-même. Ils sont particulièrement indiqués comme support d’autonomie pour les patients déficients. Encore peu répandus en raison notamment de leur coût, ils montrent des résultats satisfaisants chez certains patients cibles.