Un temps pour se remettre en question - L'Infirmière Magazine n° 352 du 01/10/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 352 du 01/10/2014

 

TÉMOIGNAGES

DOSSIER

Quatre infirmières aux parcours professionnels très différents racontent leur investissement dans un diplôme universitaire. Leur point commun : l’exigence d’améliorer la prise en charge et la qualité des soins des patients.

D.U. DE SOINS INFIRMIERS EN MÉDECINE D’URGENCE*

« J’avais déjà vingt ans de pratique ; cela a été une remise en question totale. »

« Je n’ai pas entamé ce DU dans la perspective de changer de service ou de mission. Mon objectif de départ était de me remettre à niveau – je pense que c’est dans le cadre d’un DU que s’opèrent les vraies mises à jour professionnelles, même si j’ai régulièrement suivi des formation au sein de mon établissement. Je voulais également me prouver que j’étais capable de suivre ce type de formations. J’ai choisi ce D.U. pour son équilibre entre théorie et pratique : 120 h de cours et 140 h de stages. La première semaine de cours, je l’ai vécue à la manière de quelqu’un qui prend une gifle… Ça a été une remise en question totale. à un moment ou un autre de la formation, nous sommes tous d’ailleurs passés par cette étape. Pourtant, j’avais déjà vingt ans de pratique en service d’urgences et SMUR. J’ai notamment pris conscience qu’au quotidien on ne réfléchit pas toujours au pourquoi on fait les choses.

Le D.U. permet de redonner du sens à une espèce de routine et de mécanique qui se mettent en place au fil du temps. Aujourd’hui, je me pose davantage de questions lors d’une prise en charge et, en même temps, ma pratique est bien plus fluide et les relations avec les autres professionnels de santé aussi. J’anticipe également plus facilement les soins car j’ai une vision plus globale du patient et je fais mieux le lien entre pathologies et traitements. J’ai également appris que même dans l’urgence, il faut savoir prendre le temps nécessaire pour analyser une situation. Côté stages, j’en ai fait un au service de réanimation du Trauma centre du CHU de Grenoble. Bien qu’il ne soit pas toujours évident de se mettre dans la peau d’une stagiaire après vingt ans de métier, j’ai appris énormément de choses et, entre autres, la manipulation d’appareils que je ne connaissais pas. J’ai aussi mieux intégré le parcours de certains de nos patients après leur passage aux urgences. Au final, cette formation a été très positive, même si c’est parfois difficile et que cela demande beaucoup de travail personnel. J’encourage mes collègues à faire ce D.U. »

VALÉRIE BONNEL, IDE - CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JEAN-DE-MAURIENNE (SAVOIE)

D.U. DOULEUR *

« Les enseignants étant médecins, j’ai dû pas mal bûcher pour tout assimiler. »

« J’ai toujours été très sensible au traitement de la douleur, d’autant qu’existe une large palette de prise en charge pour soulager les patients. Il y a quelques années, j’ai travaillé avec une infirmière référente douleur et de cette rencontre est née mon envie de devenir également référente douleur. Le premier cours m’a beaucoup marqué, il était consacré à la physiopathologie de la douleur. Sur le moment, je me suis dit : “Mais que fais-je ici ?”, car le niveau était assez élevé – la majeure partie de la promotion était composée de médecins et il y avait peu d’infirmières. Les enseignants étaient aussi des médecins. J’ai donc dû pas mal bûcher pour assimiler les cours et ne pas me laisser déborder.

Durant la formation, j’ai beaucoup apprécié de pouvoir échanger avec d’autres professionnels de santé sur les pratiques, les protocoles, les façons dont peuvent être abordés tel ou tel cas… Ça permet de se situer et de s’évaluer. En novembre dernier, on m’a proposé un poste de référente douleur au service de chirurgie ambulatoire pour mettre en place “l’appel du lendemain” et un suivi à J+4 des patients. Tout était à faire. Comme j’ai également suivi une formation à l’hypnose médicale l’an passé, j’interviens parfois au bloc pour des patients placés sous anesthésie locale. Le D.U. m’a apporté énormément en connaissances théoriques et m’a permis d’enrichir ma pratique. Aujourd’hui, je me sens vraiment partie prenante dans la prise en charge des patients et aussi plus autonome. Je comprends ce que je fais et pourquoi je le fais. Avec les médecins, les échanges sont aussi plus simples car, grâce au D.U., je maîtrise les traitements, les rotations, les dosages, les paliers, etc. Je forme aussi les collègues à la prise en charge de la douleur. Bref, je suis très satisfaite d’avoir suivi cette formation, même si cela n’a pas toujours été facile. »

LAURENCE VANDRUSCOLO, IDE – CENTRE HOSPITALIER DE MONTFERMEIL (SEINE-SAINT-DENIS)

D.U. D’OXYOLOGIE ET D.U. RAPATRIEMENT SANITAIRE *

« Un D.U. quasi obligatoire pour un poste de coordinateur. »

« J’ai enchainé deux D.U. à la suite. L’un consacré à l’oxyologie(1) paramédicale ; l’autre, au rapatriement sanitaire. Leur formule était très différente. Le premier était réparti trois fois par semaine, un peu comme un stage, et le second sur l’année. L’enseignement était tout aussi différent puisque l’oxyologie était abordée sur le terrain et essentiellement construit autour de la pratique infirmière tandis que celui dédié au rapatriement sanitaire était bâti de manière scolaire, via des cours magistraux. De fait, nous avons eu très peu d’échanges entre nous, et avec les enseignants. Par ailleurs, il était parfois difficile de faire le lien entre des cours donnés en janvier, par exemple sur les accidents de plongées, et ceux donnés en juin sur la décompression… J’ai donc davantage apprécié celui sur l’oxyologie car il était centré sur nos missions d’infirmières et nous étions sans cesse mises en situation – des scènes entières de catastrophes aériennes avaient été reconstituées pour les urgences collectives, dans un fort près de Paris. Nous avons aussi travaillé sur des accidents de type nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). S’engager pour un D.U. peut faire peur, car cela réclame un investissement sur le long terme mais avec cette formule, ça ressemblait à une semaine de stage.

À l’époque du D.U. d’oxyologie, j’étais en poste l’aéroport d’Orly, j’avais soumis l’idée que toute l’équipe suive cette formation. Je trouvais qu’elle offrait une bonne mise à jour des connaissances et de valider – ou d’invalider – des gestes que nous avons l’habitude de faire. Des collègues l’ont fait et l’obtention du D.U. est désormais fortement préconisée, voire quasi obligatoire, pour un poste de coordonnateur. Dans la pratique, il sert surtout lors des exercices de simulation de catastrophe aérienne qui sont régulièrement organisés par Aéroport de Paris. Ces formations demandent bien sûr du travail personnel, mais moins que pendant la formation initiale… et les apports théoriques sont rapidement mis en pratique, ils sont donc intégrés plus facilement. »

BÉNÉDICTE DEPUIS-TAHON, IDE – SERVICE MÉDICAL D’URGENCE DE LA PLATEFORME AÉROPORTUAIRE DE ROISSY-CHARLES-DE-GAULLE, AÉROPORT DE PARIS (ADP).

D.U. PLAIES ET CICATRISATIONS *

« La formation initiale est insuffisante dans ce domaine. »

« Étant régulièrement confrontée à des patients qui présentaient des plaies complexes difficiles à soigner, j’ai entrepris de suivre un D.U. plaies et cicatrisations pour améliorer ma pratique. J’ai choisi de faire cette formation à Paris, car elle m’avait été recommandée par des collègues infirmiers et médecins qui l’avaient eux-mêmes suivie – une partie des cours est assurée par Dr Sylvie Meaume, gériatre, très réputée dans ce domaine. Mon objectif était de maîtriser davantage les raisons de ces plaies, les techniques de soins et les traitements afin d’apporter aux patients une plus-value dans la prise en charge et être davantage satisfaite de mon travail. J’ai passé mon D.E. voici neuf ans, mais la formation initiale est insuffisante dans ce domaine et je souhaitais acquérir davantage d’expertise. J’avais également pour projet de devenir référente auprès des autres soignants de l’établissement. Ce qui commence à être le cas puisque je vais intégrer le Comité escarre et plaies chroniques. Il organise des ateliers de formation en direction des professionnels de santé. Dans ce cadre, j’ai récemment animé une session sur la pose de bas de contention. J’ai aussi été sollicitée par notre Ifsi pour donner des cours sur ce sujet. Et je prépare actuellement une intervention sur les escarres pour des aides-soignantes, une autre, pour les étudiants de 3e année. Dans l’ensemble, je suis très satisfaire de ce D.U., je regrette néanmoins l’absence de pratique qui aurait pu être faite par le biais d’un stage. Ces six mois de formation m’ont demandé beaucoup de travail personnel et il n’est pas toujours évident de conjuguer vie professionnelle, vie personnelle et études. Cependant, je ferai bien un D.U. de diététique… »

CLAIRE ALBERNI, INFIRMIÈRE DANS UN EHPAD - CENTRE HOSPITALIER DE BLOIS

* Université Joseph-Fourier, Grenoble.

* Site de Saint-Antoine, université de Paris 6.

* CHU Henri-Mondor, université de Créteil Paris-Est. D.U. Transports aériens et rapatriements sanitaires, site de Saint-Antoine, université de Paris 6

1- Branche de la médecine spécialisée dans les secours d’urgence.

* La Pitié-Salpêtrière, université de Paris 6.