Le bon usage des Picc - L'Infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

THIERRY PENNABLE  

« Pourquoi m’a-t-on posé un Picc line et pas une chambre implantable », interroge un patient nécessitant un traitement intraveineux.

Réponse de l’équipe soignante : « Parce que la durée de votre traitement est inférieure à trois mois, durée au delà de laquelle la pose d’une voie centrale “classique” aurait été recommandée. De plus, malgré des taux de complications comparables à ceux des autres voies centrales, notamment les thromboses veineuses, le Picc permet une pose plus facile, sans les risques de pneumothorax ou de ponctions carotidiennes rencontrés lors de la pose d’un cathéter veineux central ou d’une chambre implantable. Il peut être retiré facilement en cas de complication. »

Qu’est-ce qu’un Picc ?

Le dispositif appelé Picc pour « Peripheral Inserted Central Catheter », est un cathéter veineux central inséré par une veine périphérique du bras, puis avancé jusqu’à ce que sa terminaison soit placée à la jonction veine cave supérieure/oreillette droite. Il s’agit donc d’une voie veineuse centrale qui impose une asepsie rigoureuse lors des manipulations, même si son point d’insertion est périphérique. La technique du Picc n’est pas nouvelle, elle a même précédé les abords vasculaires de type cathéters veineux centraux (CVC) ou chambres à cathéter implantables (CCI). Elle a alors été abandonnée, sauf en pédiatrie, au profit des CVC et CCI implantés directement dans les gros troncs veineux centraux (veine sous-clavière, jugulaire ou fémorale). En néonatologie et en pédiatrie, la technique du Picc a toujours été utilisée sous la forme de microcathéters souples et de petits diamètres dont le plus connu est le « cathéter de Jonathan ».

Faut-il une formation pour intervenir sur un Picc ?

Alors que l’utilisation des Picc connaît un engouement en France, les études montrent les taux d’infection sont équivalents à ceux liés aux cathéters veineux centraux.Les complications thrombotiques sont plus fréquentes avec les Picc. En décembre 2013, la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) a publié des recommandations pour les bonnes pratiques du Picc et la gestion des risques associés. Le Picc étant utilisé dans des situations très variées, hospitalières et extra-hospitalières, la SF2H a veillé à proposer des recommandations applicables dans tous les secteurs de soins. La SF2H rappelle que l’utilisation du Picc est contre-indiquée en l’absence de formation des équipes soignantes prenant en charge le patient, à l’hôpital comme à domicile. Les infirmières formées, référentes dans l’utilisation des Picc, doivent être identifiées dans les structures de soins.

Comment se présente-t-il ?

Le Picc est un cathéter en silicone ou polyuréthane, souple et flexible, d’une longueur comprise entre 30 et 60 cm, raccordé à un segment de tubulure extra vasculaire plus épais et renforcé (voir illustration).

→ La valve bidirectionnelle est un dispositif médical de connexion normalisée sans aiguille dotée d’un système de valve destiné à empêcher tout écoulement de liquide et à limiter le risque de contamination lors des phases de connexion et déconnexion de la perfusion. Site d’injection sans recours à une aiguille sur embase Luer-Lock, une valve bidirectionnelle permet à la fois l’administration de traitements et les prélèvements sanguins.

→ Le fixateur. C’est un système de fixation auto-adhésif collé à la peau du patient dans lesquelles viennent s’insérer les ailettes situées à la base du dispositif. Le plus souvent de type Statlock (le plus fréquent) ou Grip-lok, le fixateur doit immobiliser le cathéter sur le bras du patient et empêcher un retrait accidentel du dispositif. Il convient de s’assurer de la compatibilité du fixateur au cathéter utilisé. Les Picc peuvent aussi être fixés à la peau par des points de suture. « Ils sont déconseillés car ils augmentent le risque infectieux (micro-coupures), mais certains hôpitaux les utilisent encore par crainte d’un retrait accidentel du dispositif », précise Ivana Novakova, infirmière hygiéniste auprès le l’antenne Régionale du CCLIN Paris-Nord.

Dans quels cas le Picc est-il indiqué ?

→ Pour des traitements par voie intraveineuse :

– lorsqu’un accès vasculaire central est nécessaire : nutrition parentérale, chimiothérapie en continu ou en bolus ;

– en cas de capital veineux périphérique faible ne pouvant assurer un abord vasculaire stable et sûr : antibiothérapie parentérale, transfusions répétées.

→ Selon la durée du traitement : lorsqu’un abord veineux fiable est nécessaire pour un traitement d’une durée attendue comprise entre 6-7 jours et 3 mois :

– si durée attendue > 7j, en remplacement d’un cathéters veineux périphériques (CVP) avec un meilleur confort que le renouvellement répété de cathéters périphériques ;

– si durée attendue < 3 mois, en remplacement de CVC ou CCI : technique de pose simple, pas de risque de pneumothorax ni d’hémothorax, retrait facile, confort, pas de cicatrice (par rapport à une CCI).

→ Dans certaines situations médicales :

– en cas de troubles de l’hémostase : le Picc permet d’éviter les risques mécaniques liés à un abord sous-clavier percutané ou jugulaire interne (l’utilisation du site d’injection implantable est contre-indiqué en cas de troubles majeurs de l’hémostase) ;

– en cas de forte insuffisance respiratoire : le Picc permet d’éviter les risques mécaniques liés à un abord sous-clavier percutané.

→ Le Picc est principalement contre-indiqué :

– en cas de choc avec nécessité d’un remplissage rapide ;

– en cas d’insuffisance rénale avec hémodialyse envisagée et fistule artérioveineuse prévisible ;

– en cas de lésions infectieuses du membre supérieur ;

– la pose du Picc du côté d’un curage axillaire ancien ou récent, d’un lymphœdème, ou à proximité de lésions cutanées infectées.

Comment réaliser injections et perfusions ?

→ Asepsie rigoureuse : masque de type chirurgical et compresse stérile imprégnée d’antiseptique alcoolique (ou gants stériles) pour toutes manipulations proximales.

→ Masque de type chirurgical pour le patient pour toute injection proximale dans la ligne de perfusion. Si le patient ne supporte pas le masque, il peut tourner la tête du côté opposé au Picc.

→ Désinfections des sites d’injections, valve bidirectionnelle ou robinet, avec un antiseptique alcoolique avant toute utilisation. Lorsque l’injection se fait dans un robinet, celui-ci est obstrué immédiatement après l’emploi avec un bouchon stérile.

→ Transfusion de sang ou dérivés sanguins sous réserve d’un rinçage efficace après administration. La tubulure de la poche de transfusion est branchée sur le site proximal, plus proche du patient, afin de faciliter le rinçage du dispositif de perfusion. S’il existe une autre voie veineuse que le Picc, elle est privilégiée pour la transfusion.

→ Un système de perfusion actif de type diffuseur, pompe volumétrique ou pousse-seringue, permet de limiter le risque d’obstruction lors de l’administration médicamenteuse.

→ Rinçage efficace impératif après toute injection, en injectant 10 ml de NaCl à 0,9 % de manière pulsée par 3 poussées successives (2 fois 10 ml en cas de produit à haute viscosité : produits sanguins, lipides, mannitol ou produit de contraste radiologique).

Après rinçage, la déconnexion de la seringue se fait :

– sans clamper pour les valves bidirectionnelles à pression positive, pour maintenir la pression positive ;

– en utilisant le clamp situé au-dessus de la lumière du Picc pour les valves bidirectionnelles à pression négative ou neutre, pour éviter le reflux à l’extrémité distale du Picc.

→ Un rinçage efficace avant l’administration du traitement est important, « notamment lors du traitement intermittent pour vérifier la perméabilité du cathéter qui doit permettre une injection manuelle aisée, relève Ivana Novakova. D’autant plus si la perfusion précédente n’a pas été suivie d’un rinçage. »

→ Changement de la ligne principale tous les 4 jours en cas de perfusion continue d’un même produit, ou après chaque traitement en cas de perfusion discontinue.

→ Le bon fonctionnement du Picc est vérifié par la présence du reflux veineux, l’absence de douleur spontanée ou à l’injection, le bon débit de perfusion (débit observé = débit attendu) et l’injection aisée à la seringue. Utiliser une seringue ≥ 10 ml avec une pression adaptée au Picc pour toute injection manuelle.

Peut-on y faire un prélèvement sanguin ?

Oui, les prélèvements sont possibles à condition de disposer d’un protocole précis sur la technique.

→ Position du patient : la tête tournée du côté opposé au Picc et le bras placé en abduction pour faciliter le retour veineux.

→ Règles d’asepsie prévues pour toutes les manipulations proximales sur le Picc : hygiène des mains par friction hydro-alcoolique avant chaque manipulation, masque de type chirurgical et compresse stérile imprégnée d’antiseptique alcoolique (voir illustration p. 43).

→ Purge : les 5 à 10 premiers ml de sang sont purgés et ne sont pas utilisés pour le prélèvement, sauf pour la réalisation d’hémocultures (en l’absence de verrou antibiotique).

→ En perfusion continue, les prélèvements sanguins se font à partir du robinet proximal pour faciliter le rinçage de la ligne de perfusion et du Picc et éviter une altération de l’échantillon prélevé.

→ Rinçage pulsé avec 10 ml de NaCl à 0,9 % après le prélèvement.

Comment est réalisé son entretien régulier ?

→ Les sites d’injection de la ligne principale sont protégés et éloignés de toute source de contamination (literie) en utilisant un prolongateur et un porte-rampe. En cas de perfusion continue d’un même traitement, les dispositifs positionnés à distance du site d’insertion (robinets, rampes, valves), sont ne sont pas maintenus au-delà de 4 jours.

→ La valve et le fixateur. La valve proximale (celle placée directement sur le Picc) est changée tous les 7 jours lors de la réfection du pansement. Le changement est effectué dans un deuxième temps avec asepsie rigoureuse, après avoir refait le pansement. « Les valves transparentes au septum préfendu sont à privilégier. Elles peuvent être plus facilement désinfectées avec moins de risque de dépôt résiduel », précise Ivana Novakova. « C’est un soin stérile, le risque d’infection est très important lors du changement de valve », prévient l’infirmière hygiéniste. Le fixateur est changé lors de la réfection du pansement.

→ Protection contre l’eau. En l’absence de perfusion, le Picc autorise la douche sous réserve d’une protection imperméable. La toilette quotidienne du patient doit inclure le bras porteur du Picc.

→ Rinçage des Picc multi-lumières. Le cathéter inséré par voie périphérique expose à un risque de thrombose et de complications mécaniques supérieur à celui d’un CVC implanté dans un gros tronc veineux. Plus il y a de lumières dans le Picc, plus leur diamètre est petit et le risque d’occlusion augmenté. Les Picc multi-lumières qui évitent le risque de précipitation entre des traitements incompatibles au sein du cathéter sont le plus souvent réservés à des indications précises (en cardiologie par exemple). Néanmoins, « en présence d’un Picc multi-lumières, les infirmières doivent savoir que toutes les lumières se prolongent jusqu’au bout du cathéter et doivent être toutes rincées en même temps que la lumière utilisée », explique l’infirmière hygiéniste.

→ Surveillance : rougeur, douleur, écoulement ou saignement au point de ponction, œdème du bras, hyperthermie ou essoufflement doivent faire alerter le médecin.

La formation des patients et des aidants est primordiale pour la gestion et la surveillance du Picc.

→ Conseils aux patients :

– Conserver leur carte de porteur Picc ;

– éviter de mouiller le pansement (film alimentaire pour la douche) ;

– éviter toute compression (brassard, garrot,…) ;

– éviter les travaux lourds qui sollicitent le bras ponctionné ;

– porter des vêtements amples facilitant l’accès au dispositif.

→ Traçabilité. L’entretien du Picc est pris en charge par divers soignants tout au long du parcours de soins du patient. Celui-ci peut être étonné des différences de traitement. L’infirmière doit alors expliquer qu’il existe encore des protocoles variables d’un établissement à l’autre, mais que ceux-ci ne remettent pas en cause les règles d’asepsie. Les éléments de traçabilité comportent au minimum :

– la carte du porteur Picc (lot, marque, longueur) et le carnet de suivi, remis au patient dès la pose du cathéter ;

– la notification de toute manipulation, entretien ou utilisation du Picc dans le dossier de soins et le carnet de suivi, en précisant la longueur de la partie externe du cathéter (du point de ponction à l’embase du cathéter) dès la première réfection du pansement ;

– la notification du type de valve en place (bidirectionnelle, nom de marque de la valve…).

Quand et comment s’effectue le retrait du Picc ?

L’infirmière est habilitée à réaliser l’ablation d’un cathéter central sur prescription médicale écrite, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment (Art 8 Décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier).

Le Picc est retiré dès qu’il n’est plus nécessaire ou conservé pour des traitements séquentiels. En cas d’infection avérée du Picc, de thrombose veineuse avec syndrome infectieux, d’obstruction irrémédiable de la lumière interne ou de douleur incoercible, le Picc doit être retiré après avoir sollicité un avis spécialisé.

→ Recommandations de la Société française d’hygiène hospitalière :

– Respecter une asepsie rigoureuse. Le patient et l’infirmière portent un masque chirurgical. L’utilisation de gants stériles n’est nécessaire qu’en cas de mise en culture du cathéter.

– Effectuer une antisepsie par antiseptique alcoolique.

– Retirer le Picc en tirant doucement (un peu comme pour le retrait d’un drain). Faire pivoter légèrement le cathéter en cas d’adhérence, mais ne pas insister en cas de résistance forte au risque d’endommager la paroi veineuse et/ou de rompre le cathéter.

– Pratiquer un point de compression pour éviter les saignements.

– Appliquer un pansement stérile, absorbant et occlusif pendant une heure après avoir pratiqué une désinfection cutanée.

– Noter la longueur du Picc et la comparer avec la longueur initiale afin d’en vérifier l’intégrité.

Remeciements à Madame Ivana Novakova, infirmière hygiéniste auprès le de l’Antenne Régionale Île-de-France du CCLIN pour sa participation et pour ses photos, tirées de son document intitulé « Cathéter central inséré par voie périphérique Picc. Réunion du réseau des cadres et infirmier (e) s hygiénistes 29 novembre 2011 ».

EN PRATIQUE

LA GESTION DU PANSEMENT

→ Réfection du pansement tous les 8 jours au maximum (J+7) si le pansement est transparent (recommandations standards, mais les protocoles hospitaliers peuvent prévoir d’autres fréquences). La réfection du pansement comprend le changement du stabilisateur et de la valve bidirectionnelle. Le pansement est refait immédiatement s’il est mouillé, décollé ou souillé. En cas de pansement non transparent ou d’ajout d’une compresse pour exsudation sous un pansement transparent, un tel pansement ne peut être conservé en place que 4 jours maximum.

→ Masque de type chirurgical, coiffe et gants stériles pour le soignant (surblouse en extrahospitalier et si précautions particulières).

→ Masque de type chirurgical pour le patient qui peut tourner la tête du côté opposé au Picc s’il ne supporte pas le masque.

→ Retrait du pansement et du fixateur avec des gants non stériles à usage unique. « À condition qu’à la pose du Picc, le médecin ait laissé une marge suffisante, de 1 à 1,5 cm, entre les ailettes et le point de ponction, ce qui permet à l’infirmière de manœuvrer en veillant ne pas toucher le point de ponction »? prévient Ivana Novakova. D’où certaines recommandations d’utiliser des gants stériles pour retirer un fixateur installé trop près du point de ponction. Dans ce cas, les gants stériles utilisés sont changés pour la suite du soin.

→ Stabiliser le cathéter à distance du point de ponction avec un ruban adhésif ou la languette autocollante prévue dans les sets de perfusion pour Picc. La réfection du pansement est délicate à cause du risque de retrait accidentel du Picc, du risque de poussée (troubles du rythme), ou de butée contre la paroi de la veine (érosion).

→ Gants stériles pour la suite de la procédure.

→ La préparation cutanée est faite en respectant les différents temps de l’antisepsie : détersion, rinçage, séchage à l’aide d’une compresse stérile, application d’un antiseptique alcoolique et séchage spontanée.

→ Mise en place du nouveau fixateur spécifique (voir ci-dessous) après séchage spontané complet de l’antiseptique : fixer d’abord les ailettes du cathéter au fixateur puis coller celui-ci à la peau.

→ Un pansement transparent semi-perméable stérile permet la surveillance du site de ponction. Le pansement doit être suffisamment grand pour protéger le point d’insertion et le système de fixation du Picc dont il assure le maintien. Le pansement transparent semi-perméable est retiré par étirement latéral pour limiter les mobilisations accidentelles du Picc.