DES PRODUITS SUIVIS À LA TRACE - L'Infirmière Magazine n° 350 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 350 du 01/09/2014

 

SANTÉ AU TRAVAIL

ACTUALITÉ

ACTUALITÉ DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS

ISABEL SOUBELET  

Le CH de Guingamp a initié une politique globale de maîtrise du circuit des matières dangereuses afin de sécuriser les pratiques et réduire les risques encourus par le personnel.

Acheter, transporter et utiliser des matières dangereuses n’est pas anodin. C’est pourtant le quotidien de nombreux professionnels de santé, qui en oublient parfois les risques pour eux-mêmes. Durant 18 mois, le centre hospitalier de Guingamp (Côtes-d’Armor) a analysé ses pratiques, avant d’établir un plan global d’actions destiné à structurer le circuit d’entrée des produits chimiques dans l’établissement. Une démarche récompensée en juin dernier, à Paris, aux Salons santé et autonomie par un Trophée développement durable dans la catégorie « santé des personnels ».

Dysfonctionnements

« Suite à une visite, fin 2011, de la Haute Autorité de Santé constatant la non-intégration dans le document unique des éléments concernant les matières dangereuses, nous avons mené un travail d’auto-évaluation sur ce sujet, explique Serge Jahan, responsable qualité de l’établissement. Comme nous avions très peu d’informations, nous sommes allés plus loin en réalisant un audit complet grâce au relevé des pictogrammes de dangerosité dans les 30 unités de soins. »

Cet inventaire grandeur nature, conduit de novembre 2012 à avril 2013 dans le cadre d’un projet tutoré avec six étudiants en licence professionnelle « animateur qualité sécurité environnement » de l’IUT de Saint-Brieuc, a mis en évidence l’importance des produits chimiques au sein du centre hospitalier : produits de chimiothérapie, désinfectants, décapants, détergents, produits phytosanitaires. Des matières irritantes, cancérigènes ou encore mutagènes qui peuvent toucher aussi bien le personnel des services techniques et logistiques – bio nettoyage, espaces verts, cuisines –, que le personnel de soin. Non-respect du port des équipements de protection individuels (EPI), délégation de signatures dans les services… « L’analyse des pratiques internes a révélé des dysfonctionnements, des dérives dans le processus d’entrée des produits, et pointé la nécessité de se mettre en conformité, précise Serge Jahan. Une fois la machine lancée, le projet est devenu mobilisateur pour l’établissement, avec l’introduction de modules d’information et de communication. » Face à l’ampleur de la tâche, quatre orientations prioritaires ont été déterminées avec, pour chacune, la réalisation d’une action phare. Afin de sécuriser le circuit des produits avec un pictogramme de danger, de l’achat à la mise en circulation dans les services, une cartographie a été tracée, ainsi qu’une procédure écrite impliquant le service de médecine de santé au travail. Une façon de sensibiliser le personnel à sa propre sécurité et au respect de l’environnement lors des achats.

La deuxième action a concerné la rédaction de la fiche individuelle d’exposition. « Les niveaux de risques et de contacts avec les produits dangereux sont différents d’un agent à l’autre au sein d’un même service, ajoute Serge Jahan. Il faut veiller au port des équipements de protection et faire régulièrement des piqûres de rappel. »

Risques

À cela s’ajoute la nécessité pour les différents salariés de l’hôpital de connaître les risques d’interaction entre les produits chimiques. « Nous avons réalisé un classeur, disponible dans tous les services, qui rassemble les fiches de données sécurité accompagnant chaque produit chimique entré dans l’établissement, poursuit Stéphane Le Guern, responsable du service intérieur. Pour faciliter la lecture aux soignants, nous avons ajouté une fiche simplifiée, rapidement identifiable. Et nous avons créé des points d’informations oraux de dix minutes qui récapitulent ce qu’il faut savoir dans l’utilisation des matières dangereuses. » La troisième action a consisté à intégrer le risque chimique dans le document unique.

Objectif

Ces trois premières étapes ont montré le besoin d’une nouvelle fonction dans l’établissement, celle de conseiller à la sécurité. Aux commandes depuis huit mois, ce dernier coordonne les actions pour tous les types de risques au travail. Son rôle est de développer les formations, de diffuser de l’information et d’accompagner les membres du personnel. Porté par la dynamique du projet, le CH de Guingamp s’est fixé comme objectif de réduire les rejets de produits chimiques dans les eaux usées de 20 % d’ici fin 2014 et de 40 % d’ici fin 2016.