Les acouphènes - L'Infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014

 

FORMATION CONTINUE

LE POINT SUR

DENIS RICHARD  

Généralement liés à un traumatisme acoustique ou au vieillissement de l’oreille, les acouphènes se traduisent par une perception auditive subjective, sans origine externe et sans possibilité d’être quantifiée, prenant la forme de sifflements ou de bourdonnements plus ou moins constants.

DESCRIPTION

Le terme d’« acouphène », dérivant du grec akouein (entendre) et phainesthai (paraître), exprime le caractère personnel de ce trouble qui affecte environ 15 % de la population générale.

Les acouphènes, subjectifs puisqu’ils ne résultent pas d’une stimulation sonore réelle, ne peuvent être quantifiés et ne sont perçus que par le patient. Ces sons « fantômes » revêtent souvent la forme d’un bourdonnement, d’un sifflement, d’un grésillement et peuvent être très handicapants (sans qu’il y ait de corrélation entre le handicap décrit et l’intensité des perceptions sonores rapportées). Ils n’ont pas d’origine psychiatrique et ne constituent pas des hallucinations auditives. Les conséquences des acouphènes varient selon les sujets (voir infographie en page suivante).

Physiopathologie

La survenue des acouphènes peut être brutale ou progressive et peut intéresser une seule oreille ou les deux. Rarement, ils donnent la sensation de provenir de l’intérieur du cerveau. En effet, ils résultent d’une activité aberrante affectant un ou plusieurs sites des voies auditives (oreille externe moyenne ou interne, relais centraux des voies auditives, cortex), en « leurrant » le cortex auditif, qui les interprète comme un son. Parmi de nombreuses causes d’activités aberrantes, il faut noter l’atteinte du système endolymphatique (modification de pression ou de composition électrolytique), des modifications dans la transmission synaptique auditive et, surtout, une diminution de l’acuité auditive sur certaines fréquences sonores, qui serait à l’origine de la création d’acouphènes et d’hyperacousie compensatrice sur des fréquences voisines de celles qui ne sont plus correctement perçues.

Étiologie

Dans la majorité des cas, les acouphènes, idiopathiques, surviennent au décours, parfois lointain, d’un traumatisme acoustique (musique à fort volume : il y a danger dès 85 dB, même si l’oreille ne ressent de douleur que passé le seuil de 120 dB) ou sont associés à la dégradation auditive liée au vieillissement de l’oreille. Toutefois, ils peuvent aussi avoir pour origine un bouchon de cérumen, un corps étranger dans l’oreille ou une pathologie du système auditif (ils sont alors souvent accompagnés d’une baisse de l’acuité auditive) : otite moyenne, otospongiose(1), syndrome de Ménière, lésions du nerf auditif ou de l’oreille interne. Par ailleurs, des maladies systémiques (hypertension artérielle) ou l’arthrose cervicale (induisant des troubles de la circulation dans l’oreille interne) provoquent parfois des acouphènes. Enfin, il existe des acouphènes iatrogènes liés à la prise de médicaments ototoxiques (aminosides, diurétiques de l’anse, quinine, sels de platine cytotoxiques, anti-inflammatoires non-stéroïdiens type aspirine, gouttes auriculaires administrées sur une lésion du tympan, etc.).

Diagnostic

Une consultation ORL s’impose lorsque les sensations auditives persistent et finissent par devenir handicapantes, et/ou sont apparues au décours d’un trauma crânien, et/ou sont associés à d’autres signes (vertiges, troubles de l’équilibre parfois avec nausées et vomissements, hypo ou hyperacousie, douleurs de l’oreille, signes infectieux avec fièvre et frissons), ou surviennent brutalement et de façon unilatérale.

Divers questionnaires permettent d’évaluer les conséquences fonctionnelles, physiques et psychologiques des acouphènes et l’efficacité d’un traitement donné. Les plus utilisés sont le THI(2) (Tinnitus Handicap Inventory), développé dans les pays anglo-saxons, et le THQ (Tinnitus Handicap Questionnary), le plus utilisé en France.

Le médecin, après un interrogatoire portant sur la nature des acouphènes, leur évolution, les signes associés, les antécédents oto ou baro-traumatiques éventuels, réalise un examen audiométrique tonal et vocal, associé à une tympanométrie et à une impédancemétrie. Il peut déterminer la fréquence prédominante de l’acouphène (acouphénométrie) qui concoure au diagnostic étiologique : une prédominance sur les fréquences graves oriente vers une pathologie de la sécrétion des liquides endolymphatiques, alors qu’une prédominance aiguë est souvent associée à une perte auditive asymétrique sur une fréquence dont l’étiologie doit être précisée. L’étude des potentiels évoqués auditifs (PEA) permet de détecter un éventuel dysfonctionnement du nerf auditif (neurinome de l’acoustique). Des examens complémentaires peuvent, le cas échéant, être nécessaires (IRM, par exemple).

PRISE EN CHARGE

Quelques mesures simples atténuent parfois la gêne induite par des acouphènes persistants et n’ayant pas une étiologie curable (élimination de bouchons de cérumen, chirurgie du nerf auditif, par exemple). Dans les autres cas, les techniques proposées sont nombreuses mais leur efficacité souvent partielle est décevante : la meilleure des solutions reste l’habituation à la perception auditive fantôme…

Médicaments

Il n’existe pas de médicament bénéficiant en France d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement des acouphènes. Toutefois, des trai­tements actifs sur la circulation peuvent être utiles chez certains patients (extrait de Ginkgo biloba = Tanakan®, par exemple). Des études font état d’une possible amélioration des symptômes sous agoniste gabaergique (type gabapentine = Neurontin® ou acamprosate = Aotal®) ou sous agoniste dopaminergique (piribédil = Trivastal®). Les inhibiteurs des voies neuronales afférentes diminuant l’hyperexcitabilité auditive sont parfois actifs (ex : carbamazépine = Tégrétol®), comme le sont des tranquillisants ou des antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.

Masquage sonore

Le spécialiste peut proposer, face à des acouphènes isolés, le port d’une prothèse génératrice d’un « masquage » des perceptions auditives handicapantes : cet appareil produit un bruit « blanc » doux et continu qui détourne l’attention du sujet (mais qui empêche tout phénomène d’habituation : veiller à limiter son usage à quelques heures par jour, sans jamais masquer totalement les acouphènes). Le port de prothèses véritables est, quant à lui, indiqué lorsqu’ils accompagnent une diminution de l’acuité auditive.

Techniques non-médicamenteuses

Si les acouphènes altèrent la vie quotidienne, le médecin peut proposer un accompagnement psychologique ou la participation à des groupes de paroles ou à des ateliers thérapeutiques.

→ Psychothérapie. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) favorisent l’apprentissage de stratégies d’adaptation en agissant au double plan cognitif (modification de schémas de pensée invalidants) et comportemental (modification de comportements inadaptés) : elles rendent des patients invalidés par les acouphènes quasi-indifférents à la perception auditive. Les TCC sont également actives sur les états anxieux ou dépressifs suscitant ou faisant suite à l’apparition des acouphènes.

→ Techniques de relaxation. La sophrologie, tout particulièrement, donne des résultats intéressants.

D’autres possibilités sont proposées : acupuncture, homéopathie, etc. Certaines, très techniques et s’adressant à des situations spécifiques, ne sont pas traitées ici, comme la stimulation électrique transcutanée, la stimulation magnétique transcrânienne, etc.

1- Maladie héréditaire entraînant un dysfonctionnement de l’oreille avec surdité.

3- « Tinnitus » est le nom anglais pour acouphène.

SAVOIR PLUS

De nombreux livres, souvent accompagnés d’un CD, proposent des techniques d’atténuation des acouphènes à mettre en œuvre à domicile.

→ Acouphènes : un vécu, des solutions, G. Donguy, 2010, Guy Trédaniel Éditeur, 236 p.

→ Acouphènes et migraines enfin traités, R. Halfon, 2014, Delville, 118 p.

→ Bien vivre avec des acouphènes, P. Peignard, 2008, Odile Jacob, 156 p.

→ L’acouphène dans tous ses états, A.-M. Piffaut, 2010, L’Harmattan, 228 p.

→ Association France Acouphènes : www.france-acouphenes.org

→ Association française des équipes pluridisciplinaires en acouphènologie : www.afrepa.org

→ Suivi thérapeutique (vente de CD, etc.) : www.stop-acouphenes.fr

→ Association européenne d’études et d’accompagnement des patients (en 3 langues) : www.eurotinnitus.com