HOMMES ET FEMMES, MÊME COMBAT ? - L'Infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014

 

ÉGALITÉ

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS

CECILE ALMENDROS  

Depuis deux ans, le CH de Thuir, dans les Pyrénées-Orientales, mène un travail exemplaire sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Après les chiffres, le temps de l’action.

Comment concevoir que des inégalités professionnelles règnent entre hommes et femmes dans un secteur où ces dernières sont très majoritaires(1) ? Philippe Banyols l’admet : il y a peu, le directeur du CH de Thuir était persuadé que l’égalité professionnelle n’était pas un sujet dans la fonction publique hospitalière. Pourtant, il y a deux ans, une adjointe le convainc de se pencher sur la question. Pour mener l’enquête au sein de cet établissement spécialisé en psychiatrie, le directeur met alors en place un dispositif composé d’une référente « Égalité » et d’un comité de pilotage, réuni sur la base du volontariat. « J’ai posé trois questions, rapporte-t-il. Y a-t-il une situation inégalitaire dans l’établissement ? Si oui, pourquoi ? Comment la corrige-t-on ? »

Sur 1 023 salariés, le CH compte 67 % de femmes et 33 % d’hommes. Si l’on s’en tient au corps médical, le rapport s’inverse : 38 % de femmes. À l’Ehpad de Thuir, l’écart se creuse : 85 % de femmes ! Les « postes administratifs et soignants » sont « majoritairement occupés par des femmes », tandis que les « postes techniques » le sont « par des hommes », peut-on lire dans un document interne synthétisant les résultats.

Un plafond de verre

« Plus les responsabilités sont élevées, moins les femmes sont nombreuses », pointait le rapport sur l’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique. Le CH de Thuir ne déroge pas à cette règle : les ASH sont toutes des femmes, signale le directeur ; elles représentent 74 % des infirmières et des aides-soignantes mais moins de la moitié des cadres de santé et, sur cinq cadres supérieurs, il n’y a qu’une femme !

Côté absentéisme, le taux féminin est de 31,5 jours par an, en moyenne, contre 19 chez les hommes. Les femmes sont au-dessus, quel que soit le motif(2), mais l’écart le plus fort concerne la maladie (13,5 jours pour les femmes, 7,5 pour les hommes). En outre, ils ne sont pas absents au même moment de leur carrière : 60 % des absentes ont entre 30 et 49 ans ; 59 % des absents ont plus de 50 ans. Quant au temps partiel, il concerne 21 % des femmes contre 13 % des hom­mes. Alors que 45 femmes travaillaient à temps partiel pour élever un enfant de moins de 3 ans en 2013, seuls 2 hommes étaient dans cette situation. Le temps partiel non choisi concerne les femmes à 70 %.

En matière de salaires, les titulaires hommes gagnent en moyenne 432 € brut de plus par an que les femmes. L’écart atteint 2 304 € brut annuel en faveur des hommes pour les non-titulaires en CDI. Chez les médecins, le salaire moyen hors primes est supérieur de 192 € brut mensuel en faveur des hommes. Primes incluses, l’écart se creuse à 1 080 € brut mensuel : « Ils prennent beaucoup plus de gardes que les femmes », décrypte Philippe Banyols. L’un des rares indicateurs favorables aux femmes concerne la formation : 5,8 jours en moyenne pour elles contre 3 pour eux.

Malades plus jeunes

« Ni la FHF ni la DGOS ne disposent de données objectives mais ma conviction personnelle, c’est que c’est la même chose partout », analyse Philippe Banyols. Pour le directeur, la véritable surprise concerne l’égal accès à la santé des personnels. « Les femmes tombent malades plus jeunes, hors pathologies liées à la grossesse. Il y a de plus en plus de familles monoparentales, les mères n’ont pas le temps de se préoccuper de leur santé », avance-t-il.

« La prochaine étape » va consister à « travailler avec les services de santé au travail pour comprendre les causes des arrêts », indique-t-il. En attendant, des associations ont été invitées à proposer des consultations de dépistage du cancer du sein au CH. L’établissement organise aussi « tous les ans une journée Portes ouvertes », dédiée à l’égalité professionnelle, signale son directeur : « On y invite les institutions compétentes et des universitaires. » Chaque édition a le soutien d’une marraine : en 2014, ce sera la chef d’orchestre, violoniste et écrivaine, Léonor de Récondo.

1- La fonction publique hospitalière compte 76 % de femmes.

2- Accident du travail, de trajet, maladie professionnelle, maladie, maternité/ paternité ou congé longue durée ou longue maladie.