Pour une bonne cicatrisation - L'Infirmière Magazine n° 346 du 01/06/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 346 du 01/06/2014

 

FORMATION CONTINUE

PRISE EN CHARGE

Le traitement débute par une évaluation du stade de la lésion et de l’état du patient. Elle est systématisée pour reconnaître les phases d’une guérison spontanée, détecter une anomalie dans le processus de réparation et y apporter une correction rapide et appropriée.

1. PRISE EN CHARGE ÉTIOLOGIQUE

Chez les patients porteurs d’une plaie chronique, le déroulement de la cicatrisation est entravé par un problème de santé. Les soins locaux ne pourront aboutir à la guérison si la pathologie sous-jacente n’est pas contrôlée. La prise en charge doit toujours, si possible, associer simultanément le traitement étiologique (médical, chirurgical ou de physiothérapie : supports, contention, etc.) et le traitement local de la plaie (soins, pansements, greffes…).

Ulcère de jambe

Dans le cas d’un ulcère de jambe, il est indispensable de mesurer l’Index de pression systolique (IPS) qui permet de distinguer les ulcères veineux, mixtes ou artériels et d’adapter le traitement.

Pied diabétique

Chez un patient diabétique atteint d’un mal perforant plantaire, la mise en décharge du pied est impérative, car la cicatrisation n’est possible qu’en l’absence de compression ou de cisaillement au niveau de la plaie. Dans le diabète, la perte de sensibilité et l’absence de douleur qui permettent la marche, malgré les lésions, entraîne parfois un défaut d’observance de la mise en décharge par le patient.

Escarre et artériopathie

Une pathologie apparente peut en cacher une autre. Ainsi, une escarre du talon chez une personne âgée peut être provoquée par une pression excessive et prolongée, elle peut aussi révéler une artériopathie des membres inférieurs. « L’artériopathie peut évoluer très silencieusement chez les personnes qui marchent peu et ne sentent pas la douleur. On attribue cette dernière à l’escarre, mais il faut être très prudent lorsqu’on veut enlever la nécrose d’un talon. Une intervention n’est possible qu’après s’être assuré d’une vascularisation correcte de la plaie (oxygénation) ou après qu’une revascularisation ait été effectuée si nécessaire [car il ne faut pas intervenir en situation d’ischémie], avertit le Dr Brigitte Faivre, dermatologue au Centre de traitement ambulatoire des plaies chroniques (CTAPC) du CHRU Jean-Minjoz de Besançon (Doubs). C’est particulièrement le cas lorsqu’une escarre profonde du talon ne guérit pas alors que le talon est bien mis en décharge. L’infirmière doit faire intervenir le médecin pour rechercher une artériopathie sous-jacente. » Les escarres doivent être mises en décharge quel que soit leur stade d’évolution.

2. PHASE DE DÉTERSION

Première étape de la cicatrisation dirigée, la détersion vise une élimination rapide de la nécrose et de la fibrine la plus complète possible et la moins traumatique pour le lit de la plaie. Dans le cas où elle ne cicatrise pas naturellement, l’infirmière complète la détersion naturelle enzymatique avec un double objectif :

– Le parage de la plaie, c’est-à-dire le nettoyage des tissus dévitalisés présents qui entraînent un risque infectieux grave et empêchent la réparation optimale ;

– Le maintien d’un milieu humide stimulant la prolifération de tissus sains.

Les techniques de détersion

Le choix de la technique utilisée dépend du niveau de compétence de l’infirmière et de la douleur liée au soin. L’IDE peut pratiquer une détersion mécanique (voir ci-contre) et/ou favoriser la détersion autolytique par des pansements adaptés. Le plus souvent, ces deux méthodes sont associées.

→ La détersion enzymatique par application d’une pommade (Elase) agit en dissociant les tissus nécrosés. Elle est de moins en moins utilisée car elle est douloureuse pour le patient et délétère pour les tissus sains de la peau périlésionnelle.

→ La détersion chirurgicale est indiquée en cas de nécrose étendue et/ou profonde, de soins locaux douloureux ou de risque hémorragique important dans un contexte nécessitant un résultat rapide.

→ Autres techniques : par exemple, le VAC (Vacuum Assisted Closure) qui utilise la pression négative, ou la larvothérapie, qui emploie les larves de certaines mouches qui, dès l’éclosion de l’œuf, se nourrissent des tissus morts nécrosés.

Détersion mécanique

Méthode

La détersion mécanique (ou débridement) est effectuée avec des compresses, curettes, pinces à disséquer, ciseaux ou bistouris. Les compresses sont utilisées pour enlever la fibrine (en cas de plaie fibrineuse), tout en veillant à ne pas arracher les bourgeons des tissus sains sous-jacents. Lorsque le lit de la plaie est très fibrineux et exsudatif, la fibrine molle doit être lavée. En cas de plaie sèche, le retrait mécanique de la fibrine adhérente est plus difficile et risque d’être traumatique pour les bourgeons sous-jacents. Il faut alors ramollir la fibrine pour faciliter son élimination en utilisant des pansements adaptés comme les alginates, le miel qui est un fibrinolytique efficace, ou des pansements irrigo-absorbants (type Hydroclean).

Douleur liée au soin

Le retrait du pansement et le nettoyage de la plaie sont souvent considérés comme les moments les plus douloureux du soin par les patients. La douleur liée à la détersion peut être soulagée par des anesthésiques locaux, complétés si nécessaire par un antalgique par voie orale et éventuellement par un anxiolytique (ces médicaments sont pris avant le soin en fonction de leur délai d’action). Pour agir localement :

– Application de xylocaïne gel à 2 % ou en spray à 5 %, avec un temps de pose d’au moins 15 minutes avant la détersion ;

– Les crèmes anesthésiques à base de lidocaïne et de prilocaïne (type Emla), sont les seules à bénéficier d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM), dans l’anesthésie locale des ulcères de jambe exigeant une détersion mécanique longue et douloureuse (posologie et nombre d’applications limités dans l’AMM). Application 1 heure avant le soin (minimum 30 minutes).

La détersion autolytique

Certains pansements actifs renforcent la détersion enzymatique naturelle en maintenant un milieu humide et en retirant les débris nécrosés et la fibrine. Dans ses recommandations, la Haute Autorité de santé (HAS) ne préconnise que les hydrocolloïdes, dans toutes les phases de la cicatrisation, et les hydrogels et alginates en phase de détersion. En pratique, les hydrofibres et les hydrocellulaires sont aussi utilisés.

→ Plaies sèches : les hydrogels sont particulièrement adaptés à la détersion car ils hydratent les tissus nécrotiques secs et la fibrine, en distillant progressivement les 70 à 90 % d’eau qui les compose. Ils peuvent être laissés en place entre 48 et 72 heures et ne doivent pas être utilisés sur les plaies infectées ou à risque d’infection.

→ Plaies modérément exsudatives : les hydrocolloïdes peuvent être utilisés à toutes les phases de la cicatrisation qui se chevauchent, c’est un réel avantage. En phase de détersion, il est préconisé de changer l’hydrocolloïde toutes les 48 heures. Lorsque l’exsudation impose de changer le pansement tous les jours, il vaut mieux opter pour des pansements plus absorbants.

→ Plaies très exsudatives :

– Les alginates sont des pansements naturels à base d’algues avec une forte capacité d’absorption. Particulièrement intéressants pour ce type de plaies, ils doivent être évités sur les plaies peu exsudatives, sèches ou nécrosées. En cas d’adhésion avec une plaie trop sèche, imbiber le pansement de sérum avant de le retirer permet de le gélifier complètement et d’éviter un retrait douloureux.

– Les hydrofibres sont majoritairement composés de fibres de carboxyméthylcellulose (CMC) qui se transforment en gel cohésif au contact de l’exsudat. Très absorbants, ils doivent être évités sur les plaies sèches.

3. PHASE DU BOURGEONNEMENT

Objectif des soins

L’infirmière doit contrôler l’exsudation pour trouver le bon équilibre entre excès d’humidité et plaie trop sèche en adaptant :

– La capacité d’absorption du pansement ;

– La fréquence de son renouvellement.

Cette phase implique aussi la surveillance de la qualité du bourgeonnement et de l’état de la peau périlésionnelle. Cette zone, lorsqu’elle est saine, présente un épiderme d’une couleur rouge-rosé, non desquamant.

Cicatrisation en milieu humide

La cicatrisation est plus rapide en milieu humide qu’en milieu sec.

→ Gérer le taux d’humidité de la plaie : son équilibre est essentiel pour favoriser l’activité cellulaire lors de la cicatrisation. Ce taux est lié à la quantité de l’exsudat qui est régulée par le choix de pansements qui hydratent la lésion ou qui absorbent l’exsudation. Contrairement à un a priori courant, l’humidité de la plaie n’augmente pas le taux d’infection.

→ Les pansements « humides » : démontrée pour la première fois en 1962, la théorie d’une optimisation de la cicatrisation en milieu humide a engendré le développement d’une large gamme de pansements dits « actifs ». Certains d’entre eux contrôlent le maintien d’un milieu humide en interagissant avec l’exsudat présent dans la plaie (hydrocellulaires, hydrocolloïdes), d’autres hydratent les plaies trop sèches (pansements interfaces, pansements vaselinés ou tulles). En l’absence de signes d’infection, les pansements actifs peuvent être laissés sur la plaie jusqu’à saturation, entre un et dix jours.

L’hyperbourgeonnement

L’évolution du bourgeon charnu vers une hypertrophie (granulome inflammatoire) doit être surveillée pour l’éviter. Mou, friable, œdémateux et hémorragique, le bourgeon hypertrophique correspond à la formation excessive du bourgeon charnu (hyperbourgeonnement) qui dépasse le plan cutané soit dans sa totalité avec un aspect bombé de la plaie (voir illustration ci-dessous), soit par îlots. Il concerne surtout les ulcères de jambe et est un obstacle à l’épidermisation. Le traitement vise à l’affaisser en utilisant :

– Un corticoïde local (Diprosone crème, Dermoval gel…), en couche épaisse sur les grandes surfaces. Sur prescription médicale, le traitement par corticothérapie locale est réévalué toutes les 24 heures et ne doit pas être systématique (en général, une ou deux applications) ;

– Le crayon de nitrate d’argent, ou sa solution, pour des bourgeons isolés dans la plaie cautérisée par contact.

Plaie atone

C’est une plaie dont le tissu de granulation inflammatoire est déficient, ce qui entraîne un bourgeon charnu atrophique pauvre en capillaires sanguins (atone : qui manque de vie, d’énergie). La cicatrisation est impossible. Les troubles de la micro-circulation locale liés au diabète en sont une cause fréquente. La lésion est souvent jaunâtre, sèche ou au contraire légèrement brillante avec des bords faiblement enroulés vers l’intérieur. Le dessèchement est nocif pour la cellule vivante et le retrait des pansements desséchés arrache les bourgeons nouvellement formés. Le maintien de l’humidité 24 heures sur 24 est essentiel. Les pansements hydrogels sont ainsi préconisés.

Peau périlésionnelle

→ Facteurs de fragilité : La peau en périphérie de la lésion peut être fragilisée par l’étiologie de la plaie comme la peau fine autour d’un ulcère artériel ou l’hyperkératose dans le cas d’un patient diabétique. L’âge du patient est aussi un critère, car la peau devient plus fine et plus fragile en vieillissant. Le traitement local peut être un facteur de fragilisation : macération au contact d’exsudats trop importants, dermabrasion avec les adhésifs traumatiques (certains pansements)… La macération (la peau se ramollit, blanchit et s’abîme) entraîne un agrandissement des plaies et/ou l’apparition d’ulcères satellites.

→ Précautions :

– Les pansements adhésifs ne sont utilisés que si la peau les tolère (vérifier les antécédents de réactions allergiques du patient) ;

– Favoriser un retrait atraumatique du pansement en respectant sa saturation, l’ajout d’eau ou de solvant (Remove, éther) peut être nécessaire ;

– Sont conseillés les pansements à bords adhésifs siliconés, pour leur retrait plus facile, ou les matériels non-adhésifs maintenus par des bandes cohésives type Peha-haft (en vérifiant la possibilité d’une compression, surtout sur les ulcères artériels).

– Pour prévenir la macération, augmenter la capacité d’absorption des pansements et/ou utiliser un protecteur cutané (Cavilon, Conveen Protact), y compris avec les pansements gras ou humides utilisés sur les plaies sèches.

4. PHASE D’ÉPIDERMISATION

Dernière phase du processus cicatriciel, elle peut démarrer dès que le bourgeonnement a totalement comblé la perte de substance dans la plaie, pour générer un nouvel épiderme. Une zone périlésionnelle saine présente une peau d’une couleur rouge-rosé, non-desquamant. Le halo d’épidermisation, visible en périphérie de la plaie, se forme à partir des berges (liseré épithélial). Dans un premier temps, le liseré épithélial n’adhére pas au bourgeon, ce qui le rend très fragile avec un risque d’être arraché lors du retrait du pansement. À cette phase, le pansement doit donc être plutôt gras ou humide, non adhérent et son renouvellement doit être justifié. L’accrochage du nouvel épiderme au bourgeon sous-jacent ne se fait que lorsque ce dernier est entièrement recouvert.

5. PRÉVENIR LA SURINFECTION

Respecter le contexte bactériologique

Les bactéries sont présentes à la surface et à l’intérieur de toute plaie chronique, sans que cette présence soit constitutive d’une infection. La phase de détersion naturelle s’accompagne de pus (« détersion suppurée »), ce n’est pas non plus un signe d’infection. Le respect de cette flore bactérienne, qui participe à la détersion, contre-indique l’utilisation d’anti-inflammatoires et d’antiseptiques. Les antibiotiques sont contre-indiqués pour la même raison, en l’absence de signes avérés d’infection. Lorsque les bactéries s’organisent en biofilm (voir encadré ci-dessous), elles sont particulièrement résistantes aux antibiotiques et aux antiseptiques.

Évaluer l’inflammation

Une réaction inflammatoire modérée est fréquente et normale sur le pourtour, jusqu’à 1,5 cm autour de la plaie. Une inflammation excessive, qui se manifeste par une largeur et une épaisseur plus importante, ou par l’apparition d’une nécrose au niveau de la peau périlésionnelle doit être prise en compte. Elle est liée à une présence bactérienne trop importante ou située à une profondeur anormale et révèle le risque d’une extension généralisée de l’infection (via les lymphatiques ou le sang), voire d’un choc infectieux. Les plaies liées à une insuffisance veineuse sont fréquemment entourées de placards de peau inflammatoire rouge et douloureuse qui ne sont pas dus à une infection, ou d’un eczéma induit par les traitements locaux.

La surinfection

Le diagnostic repose sur une évaluation des signes cliniques de l’extension du phénomène inflammatoire : abcès, chaleur augmentée, douleur, écoulement important, fièvre, induration, œdème, lymphangite, adénite, odeur, plaie atone ou décolorée, pus, résurgence d’une seconde plaie en périphérie, retard de cicatrisation, rougeur, tissu de granulation friable (1). La colonisation bactérienne est plutôt traitée par détersion mécanique des tissus nécrotiques, la nécrose étant à la fois la conséquence de bactéries purulentes et d’un terrain favorable à leur expansion. Dans le cas d’une plaie avec purulence et réaction inflammatoire périlésionnelle, accompagnée de signes d’infection locale, la prise en charge doit être adaptée au stade de cette dernière.

Traitement

→ Au stade de la colonisation bactérienne : elle correspond à la présence de germes peu nombreux a la surface de la plaie dès qu’il y a effraction épidermique. Elle n’entraîne pas de réaction immunitaire locale ou générale et ne s’accompagne pas des manifestations cliniques de l’infection. Une légère odeur ou douleur et un exsudat peu abondant sont caractéristiques d’une cicatrisation progressant normalement. Le traitement repose sur des protocoles de pansements absorbant l’exsudat.

→ La colonisation critique correspond à une infection locale avec présence de germes dans les tissus et accompagnée de quelques signes cliniques (rougeur, chaleur et douleur) et d’une réaction inflammatoire modérée mais pas de fièvre, ni de signes biologiques. Le traitement consiste à contrôler les exsudats en débridant les zones nécrotiques et en renouvelant plus fréquemment les pansements. L’augmentation de l’odeur, de la douleur ou de l’exsudat indique une cicatrisation qui ne progresse plus normalement. Dans ces situations, les antiseptiques locaux peuvent être utilisés temporairement pour prévenir rapidement la survenue d’une infection manifeste.

→ Au stade de l’infection : elle est atteinte en présence d’une charge bactérienne supérieure ou égale à 105 CFU (Colony forming units) par gramme de tissu, associée à des signes cliniques et biologiques (fièvre, frissons, leucocytes augmentés…). Les choix thérapeutiques sont guidés par l’observation de la vitesse de cicatrisation et de ces manifestations. Dans le cas d’indices d’infection locale majeurs ou associés à des signes de septicémie, le traitement nécessite une antibiothérapie générale adaptée et un prélèvement peut être nécessaire. Des antiseptiques locaux peuvent être associés si le lit de la plaie nécessite également une intervention thérapeutique. Les révélateurs d’une infection locale sont (2) : écoulement de pus avec tuméfaction, douleur, érythème et chaleur locale ; lésion d’apparence non saine ou en dégradation (cellulite, lymphangite ou gangrène) ; signes possibles d’une atteinte des tissus environnants.

Utilisation raisonnée des antiseptiques

Les antiseptiques agissent après un temps de contact défini, certains sont bactériostatiques et inhibent la multiplication des bactéries, d’autres sont bactéricides et les tuent. L’efficacité des antiseptiques est délimitée par leur spectre d’action. Les produits à large spectre (chlorexidine, dérivés chlorés, dérivés iodés) sont souvent préconisés. Leur usage systématique sur les plaies chroniques est fortement déconseillé.

→ En cas d’infection : « Après les avoir totalement proscrits, on revient vers un usage adapté des antiseptiques sans qu’il y ait de recommandations établies ni de consensus sur leur bon usage », explique Sylvie Palmier, infirmière experte Plaies et cicatrisation au CHRU de Montpellier (Hérault). « Les antiseptiques sont délétères à la cicatrisation à cause de leur cytotoxicité envers des éléments cellulaires et peuvent provoquer des résistances bactériennes locales. Ils ont aussi des effets allergisants et irritants », complète sa collègue Cécile Peignier. « Ils sont préconisés sur des temps courts, quinze jours maximum, pendant une phase critique, face à un problème infectieux local identifié par des signes cliniques et sur prescription médicale. » Lorsqu’une antibiothérapie est engagée et que les manifestations cliniques s’améliorent au bout de huit à dix jours (délai d’action), les antiseptiques ne sont plus indiqués, l’infirmière peut revenir à des lavages simples à l’eau et au savon (voir encadré ci-contre).

→ Dans certaines situations : « Une détersion dans une escarre sacrée malodorante, qui coule, avec un abcès, impose un lavage avec un antiseptique pour éliminer les bactéries sur une large zone avant d’intervenir avec un bistouri pour déterger les tissus. Il y a un risque de déclencher une bactériémie », fait remarquer Sylvie Palmier. L’infection est en même temps signalée au médecin qui décide de l’opportunité d’une antibiothérapie. De même, certaines infirmières utilisent plus fréquemment les antiseptiques dans les plaies du pied diabétique plus sujettes à surinfection. Attention, l’association de certains produits avec certains matériels de pansement sont contre-indiqués (exemple : eau oxygénée et mousse de polyuréthane). Dans le cas où ils seraient prescrits ensembles, il est nécessaire de bien rincer la plaie après l’asepsie et avant de poser le pansement.

1- Les pansements des plaies, collection « Les Guides de Pharmathèmes », Édition Communication Santé, 2008.

2- Prise en charge de l’infection des plaies, European Wound Management Association (EWMA), Medical Education Partnership Ltd, 2006.

Préparation du lit de la plaie*

La préparation du lit de la plaie se présente comme une approche d’ensemble visant à lever les obstacles à la cicatrisation et à accélérer son processus. Cette méthode, élaborée par des spécialistes, consiste à envisager des mesures pratiques qui donnent un cadre général dans lequel une stratégie de soin spécifique est appliquée à chaque type de lésion. Ces mesures sont regroupées sous l’acronyme « TIME » :

→ Tissus nécrosés sous contrôle : la détersion supprime les tissus non vascularisés, les bactéries et les cellules gênant le processus de cicatrisation et laisse ainsi la place à un milieu favorable à la prolifération de tissus sains.

→ Inflammation et infection sous contrôle : les plaies chroniques sont souvent lourdement colonisées par des organismes bactériens ou fongiques. Une infection clinique identifiée, qui remet en cause la cicatrisation, doit être traitée le plus tôt possible.

→ Maintien du taux d’humidité : le fait de préserver l’humidité de la plaie accélère la cicatrisation (voir partie Prise en charge).

→ Épidermisation à partir des berges : le traitement doit assurer des berges saines à partir desquelles se développe l’épidermisation.

* D’après La préparation du lit de la plaie en pratique, European Wound Management Association (EWMA), Medical Education Partnership Ltd, 2004.

Détersion mécanique et risque infectieux

Lorsque la colonisation bactérienne approche du seuil critique, les plaies présentent un taux important de fibrine et une mauvaise odeur. À ce stade, un curetage très appuyé peut toucher les bourgeons sous-jacents et faire passer des bactéries dans la circulation générale provoquant une bactériémie transitoire avec fièvre, qui ne porte pas forcément à conséquence, mais qui impose la prudence chez les patients fragiles et chez les plus âgés, quand les plaies sont très inflammatoires. Il faut privilégier une détersion moins intensive, fréquente, qui combine les lavages et les pansements.

Contrôle de l’exsudation

L’exsudat correspond à l’ensemble des sécrétions produites par les plaies (aiguës ou chroniques). Il résulte de l’ensemble des éléments moléculaires et cellulaires qui traversent la paroi vasculaire au cours de l’inflammation et qui s’accumulent dans les tissus interstitiels. Ce volume diminue normalement au fur et à mesure mais, lorsque les lésions ne cicatrisent pas et sont bloquées au stade inflammatoire, l’exsudation peut rester importante.

→ Évaluer l’exsudation :

Elle guide le choix du pansement. En principe, le fond de la plaie doit rester juste assez humide pour ne pas se ramollir. La quantité d’exsudat est notée :

Lors d’une phase de bourgeonnement correcte, le pansement est refait à peu près deux fois par semaine, ce qui reflète une exsudation normale. Lorsque les changements deviennent plus fréquents, l’infirmière doit s’interroger sur cette augmentation et peut faire appel à un médecin ou une infirmière référente en « Plaies et cicatrisation ».

L’HYPERBOURGEONNEMENT BLOQUE LE PROCESSUS DE CICATRISATION

Notion de biofilm

Les biofilms sont composés de bactéries et de champignons englobés dans une matrice fine, visqueuse et brillante (invisible à l’œil nu). Leur développement serait favorisé par une ischémie ou une nécrose des tissus, une malnutrition et une altération de la fonction immunitaire. Les biofilms seraient présents sur la quasi-totalité des plaies chroniques, au moins sur une partie du lit de la plaie. Ils retarderaient la cicatrisation en stimulant l’inflammation, la production d’exsudat et le développement de tissu fibrineux.

→ Prise en charge : c’est la matrice du biofilm qui protège les micro-organismes contre le système immunitaire, les agents antimicrobiens et les stress environnementaux comme, par exemple, les restrictions nutritionnelles ou en oxygène. Un biofilm étant susceptible de se régénérer en quelques jours, il est préconisé de procéder à un débridement et un nettoyage réguliers de la plaie. Si aucune amélioration n’est observée, comme la réduction de la production d’exsudat et de nécrose humide, il est impératif d’envisager l’orientation vers un spécialiste pour un débridement plus intensif*.

→ Les couleurs de la plaie : en 1983, la Wound Care Consultant Society (Académie spécialisée dans les soins de plaies) propose un classement des plaies en fonction de leur couleur. La classification « Noir-Jaune-Rouge » est utilisable pour toutes les plaies sauf les brûlures. La couleur indique la phase d’évolution de la cicatrisation et oriente le traitement. Dans le cas d’une plaie « mixte » présentant plus d’une couleur, le facteur le plus dérangeant est traité en premier en éliminant les tissus nécrosés (noir) et la fibrine (jaune).

* D’après Biofilms Made Easy, Wounds International, 2010.

AVIS D’EXPERT

Lavage « à grande eau »

DR BRIGITTE FAIVRE

DERMATOLOGUE AU CENTRE DE TRAITEMENT AMBULATOIRE DES PLAIES CHRONIQUES (CTAPC) DU CHRU JEAN-MINJOZ DE BESANÇON (25)

Le lavage permet de réduire le nombre de germes présents sur les plaies chroniques. Il consiste le plus souvent en des lavages fréquents à l’eau savonneuse. Le but est de contenir la colonisation en dessous du seuil critique par des mesures locales, c’est notamment le cas pour les ulcères de jambe très exsudatifs. Le rôle des infirmières est primordial. Dans la mesure du possible, il est préférable de savonner toute la jambe et la plaie avec un savon doux, liquide, sans parfum et sans conservateur, et d’éviter les savonnettes et le savon de Marseille. Il faut ensuite rincer abondamment pour casser le film bactérien. Si le patient est assez autonome, l’infirmière peut lui proposer de défaire son pansement et de laver sa plaie sous un faible jet d’eau tiède avant le soin. Ce rinçage peut durer une demi-heure, une heure c’est encore mieux. Si le patient ne peut se déplacer sous la douche, un lavage à l’eau savonneuse avec une bassine est beaucoup plus efficace qu’un peu de sérum physiologique distillé à la seringue.