Sur les routes du soin - L'Infirmière Magazine n° 344 du 01/05/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 344 du 01/05/2014

 

SUR LE TERRAIN

RENCONTRE AVEC

MARIE-CAPUCINE DISS  

Depuis onze ans, une caravane médicale prodigue des soins dans les villages situés à proximité du parcours du rallye « Aïcha des Gazelles ». Gilles Garcia, infirmier, rentre de dix jours menés tambour battant au Maroc, sous le signe de la solidarité.

Un large sourire aux lèvres, il a gardé dans le regard l’infini du désert et la richesse des rencontres. Avec une cinquantaine de bénévoles de l’association Cœur de Gazelles (1), Gilles Garcia est allé à la rencontre de villageois marocains ayant difficilement accès à des soins. Pendant dix jours, l’infirmier marseillais a coordonné l’action et la logistique de la caravane médicale. « Chaque matin, je partais à la pêche aux personnes qui avaient tendance à traîner, s’amuse-t-il, pour les mettre dans les voitures et démarrer le plus vite possible. Nous devions commencer les soins dans les villages à 8 h 30. Faire partir en un seul convoi 13 véhicules réunissant 53 personnes, ce n’est pas une mince affaire. Cela demande du respect de la part de chacun. »

De ses compétences d’ancien cadre de santé, Gilles Garcia a puisé une certaine fermeté et un fort enthousiasme, utiles pour faire suivre à son équipe un emploi du temps serré. Lever à 6 h 30, après une nuit passée sous la tente, dans l’aire de bivouac du rallye. Après un trajet d’une trentaine de minutes, installation du dispensaire d’un jour dans l’un des neuf villages-étape de la caravane. Au programme : consultations avec un dentiste, un pédiatre, une gynécologue, un ophtalmologue, sans oublier la médecine générale, l’optique et la pharmacie. En fin de journée, la caravane remballe le matériel, les médicaments et les dons, avant de reprendre la route vers la prochaine aire de bivouac. Un rythme dense pour l’équipe médicale franco-marocaine.

L’aventure de Gilles commence l’an dernier lorsqu’il est sollicité pour ses qualités d’encadrement, par la présidente de l’association, qui lui demande d’effectuer un audit du fonctionnement de la caravane médicale. Un point retient particulièrement l’attention de l’infirmier : la nécessité de fusionner le convoi médical et celui de la caravane de dons qui, jusque-là, suivaient des parcours différents. Rassemblés place du Trocadéro quelques jours avant le lancement du rallye, les dons recueillis par les bénévoles de l’association et ses partenaires ont été convoyés vers le Maroc grâce à deux semi-remorques qui suivaient le parcours des équipages. Pour l’édition 2014, une prise en charge globale a été proposée aux villageois : une distribution de vêtements, de produits d’hygiène et de jouets ainsi que des séances d’information autour de la santé et de l’écologie ont complété les consultations médicales.

Les villages visités par Cœur de Gazelles ont été soigneusement sélectionnés. Situés non loin du parcours du rallye Aïcha, ils ne devaient pas être trop importants, pour éviter que l’équipe médicale ne soit débordée par le nombre de patients à prendre en charge. À l’automne, le logisticien de Cœur de Gazelles est parti à la rencontre des chefs de villages, maîtres d’écoles ou présidents d’associations. Pour effectuer les soins dans les meilleures conditions, les praticiens ont besoin d’eau, d’électricité et d’un local. La collaboration en amont avec le milieu associatif local était donc essentielle pour préparer au mieux la visite de la caravane. À son arrivée, les patients ont déjà été repérés, prévenus et, parfois, un ordre d’entrée leur a été donné.

700 consultations par jour

Chaque jour, la caravane doit s’adapter aux nouvelles conditions d’accueil qui l’attendent. « Nous faisions toujours en sorte d’avoir un espace isolé pour les consultations de gynécologie, explique Gilles Garcia. Si nous ne disposions pas d’une salle propre, nous utilisions des paravents ou des tentes marabouts pour assurer aux patientes une certaine intimité. Nous faisions en sorte d’isoler au maximum les espaces de consultation, de manière à offrir aux soignants et aux patients le plus de calme possible, de les protéger de l’effervescence que suscitait notre passage. » Un abri souvent offert par l’école du village ou un local associatif. À quelques reprises, c’est l’imam du village qui offre sa participation. Une mosquée a même ouvert ses portes pour abriter la pharmacie de la caravane. Et pour faire face à une éventuelle défaillance du réseau électrique, le convoi des Gazelles se déplaçait toujours avec un groupe électrogène.

Pour Gilles Garcia, la plus grande difficulté était de canaliser l’enthousiasme des villageois. Environ le tiers des personnes prises en charge par la caravane n’a jamais consulté de médecin. Le passage de l’équipe des Gazelles représente donc une occasion inespérée pour les villageois. D’où l’importance de baliser le parcours des patients et de veiller à ce que les entrées dans le dispensaire improvisé se fassent dans les meilleures conditions. Avec une moyenne de 700 consultations par jour, il faut éviter toute perte de temps. L’orientation des patients est donc un moment essentiel. Quatre infirmières marocaines accueillent les villageois. Elles notent leur nom, prennent leur température, s’enquièrent de leurs besoins et les dirigent ensuite vers les consultations appropriées. « Nous mettions à contribution les chauffeurs de la caravane qui parlaient le marocain et le berbère, souligne Gilles Garcia. Les Marocains faisant partie de l’équipe médicale assistaient les médecins francophones. Ils m’aidaient également à réguler les passages pour les consultations. Ils guidaient les patients, quitte à les prendre par la main et les amener jusqu’à l’entrée de leur consultation. Ils jouaient un rôle capital dans la communication avec le patient, les rassurant également, ce qui était particulièrement important avec les enfants. » Ces derniers sont toujours dirigés vers les consultations d’ophtalmologie et, à partir d’un certain âge, vers l’équipe des dentistes. Un dépistage systématique du diabète, l’un des grands maux du pays, est réalisé, en priorité auprès des femmes enceintes et celles de plus de 45 ans. Et les personnes présentant une cataracte ont été opérées grâce à la collaboration d’une association marocaine, Albassar.

Dérogations de dernière minute

« Des fissions à répétition », c’est ainsi que l’infirmier résume sa participation à la caravane médicale. « Nous venions pour donner, sans rien attendre en retour. Et nous avons reçu tellement que nous avions envie de donner encore plus. » Les sourires, les remerciements simples et sincères, compensent la fatigue et la tension quotidienne. Comme à la fermeture de chaque dispensaire, un moment particulièrement délicat à vivre. Mais la caravane doit reprendre sa route et n’est pas en mesure de soigner la totalité des patients qui se présentent. Il faut alors faire preuve de pédagogie et de diplomatie auprès des villageois et des représentants des associations locales : « Il s’agit de faire comprendre ce que nous faisons et des contraintes qui étaient les nôtres », explique Gilles. Pour cela, l’aide des chauffeurs-traducteurs marocains s’est également avérée primordiale.

À la fin de la journée, la fermeture du centre de soin est annoncée une heure avant les dernières consultations. Gilles veille à ce que les patients n’entrent plus dans l’enceinte. Mais parmi les personnes qui tentent malgré tout d’avoir accès aux soins, il repère celles dont l’état de santé nécessite une dérogation de dernière minute et les dirige discrètement vers le professionnel adapté. À l’issue des visites, les patients se rendent à la pharmacie de la caravane, tenue par deux Marocains qui leur distribuent les médicaments indiqués par les médecins. Toutes les prescriptions sont consignées sur une même fiche, remise au patient lors de son accueil, ce qui évite redondances et contre-indications.

Pour les patients dont l’état de santé nécessite une prise en charge plus longue, le relais est transmis à une association franco-marocaine, l’Association médicale d’aide au développement entre l’Auvergne et le Maroc (Amdam). Cette année, un garçon atteint d’une maladie hépatique pour laquelle son pays ne dispose pas des médicaments nécessaires, a été envoyé en consultation auprès d’un professeur de médecine à Rabat. Une fois le diagnostic posé, il bénéficiera à vie de l’envoi de médicaments adaptés en provenance de la France.

1- Site web : coeurdegazelles.org

MOMENTS CLÉS

1993 Études d’infirmier à l’École des Flamants, IFSI Saint-Jacques, à Marseille

1996 Ibode à l’hôpital privé Clairval, à Marseille

2002 Cadre de santé en bloc opératoire puis en réanimation, à l’hôpital Clairval

2006 Infirmier libéral à Aubagne

2013 Effectue un audit des caravanes de l’association Cœur de Gazelles

2014 Responsable de la caravane médicale du rallye « Aïcha des Gazelles » (Maroc)

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