VAINCRE LES RÉSISTANCES - L'Infirmière Magazine n° 333 du 15/11/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 333 du 15/11/2013

 

TUBERCULOSE

ACTUALITÉ

Une minorité de patients atteints de tuberculose multi-résistante dans le monde sont correctement diagnostiqués. Et le traitement, lourd et coûteux, n’est efficace qu’à 48 %.

Un cauchemar ». Phumeza Tisile, tout juste guérie d’une tuberculose multi-résistante, n’a pas d’autres mots pour qualifier ces trois dernières années. Trois ans durant lesquels cette étudiante sud-africaine de 23 ans a avalé une vingtaine de comprimés par jour, en supportant les importants effets secondaires : problèmes de peau, vomissements, pneumothorax et même surdité. En 2012, selon l’OMS, sur les 8,6 millions de cas de tuberculose qui se sont déclarés, 450 000 étaient des formes insensibles aux antibiotiques. À peine une tuberculose multi-résistante sur quatre a été correctement détectée, et seules 77 000 personnes ont pu démarrer un traitement. Quand il faut compter six mois pour guérir une simple tuberculose, deux ans, en moyenne, sont nécessaires pour venir à bout de la tuberculose multi-résistante. « Un traitement trop long, trop toxique, trop lourd », a dénoncé Sharonann Lynch, de Médecins sans frontières (MSF), lors d’une conférence de presse donnée au congrès de l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, qui s’est tenu à Paris fin octobre. Par ailleurs, cet arsenal thérapeutique n’est efficace qu’à 48 %. « 25 % des patients restants meurent, et 25 % abandonnent le traitement », a expliqué le Dr Cathy Hewison, spécialiste de la tuberculose à MSF. Quant au coût, il est faramineux : un seul comprimé de Linelozolid, l’antibiotique avec lequel a été traitée Phumeza, coûte 68 euros. Seuls 22 patients en Afrique du Sud ont pu en bénéficier, grâce à un programme de MSF. « L’Asie, l’Afrique, l’Europe de l’Est n’ont pas accès à ces nouvelles molécules », a déploré Cathy Hewison.

Coût prohibitif

En décembre 2012, l’enregistrement, aux États-Unis, de la bédaquiline « a mis fin à cinquante ans d’absence de recherche et de développement » de médicaments anti–tuberculeux. Ce nouveau traitement de six mois est « une chance », mais son coût est prohibitif : 3 000 dollars dans les pays à revenu intermédiaire(1), comme l’Inde, la Chine ou l’Europe de l’Est, pourtant durement frappés.

MSF appelle donc à « un changement radical dans la façon dont les médicaments antituberculeux sont développés et mis sur le marché ». « Il faut que la recherche se fasse de façon participative, au lieu d’avoir des sociétés qui travaillent chacune dans leur coin, a insisté Sharonann Lynch. Il faut développer des génériques, que les pays concernés se mobilisent, et que le financement du Fonds mondial soit accru. »

Mise en garde

La France ne doit pas ménager ses efforts. Le nombre de cas de tuberculose multi-résistante, notamment portée par des patients d’Europe de l’Est(2) en quête d’un meilleur traitement, a augmenté : 92 cas ont été recensés en 2012, contre 40 en 2010. « Si vous ou moi, en France(3), nous tombons malades, nous ne serons pas mieux soignés que Phumeza », a mis en garde Christophe Perrin, pharmacien à l’Union contre la tuberculose.

1 – Les prix des médicaments antituberculeux sont « adaptés au contexte » : la hauteur du financement est définie en fonction du niveau de revenu des pays.

2 – Voir L’Infirmière Magazine du 15/02/13.

3 – L’obligation de vaccination contre le BCG des enfants et adolescents a été suspendue en 2007 au profit d’une recommandation forte pour les plus exposés (résident en Ile–de-France ou originaire d’un pays à risque).