AVC : l’infirmière face à l’urgence - L'Infirmière Magazine n° 329 du 15/09/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 329 du 15/09/2013

 

FORMATION CONTINUE

FICHE TECHNIQUE

Survenant fréquemment sans signes avant-coureurs, l’AVC entraîne des séquelles graves, parfois le décès de la victime. La rapidité de la prise en charge est décisive. Un premier bilan s’impose avant la réalisation des gestes d’urgence.

Dans les pays industrialisés, l’accident vasculaire cérébral (AVC) est la première cause de handicap acquis de l’adulte, la deuxième cause de démence après la maladie d’Alzheimer et la troisième cause de mortalité. En France, on compte, tous âges confondus, 100 000 à 145 000 AVC par an, avec 15 à 20 % de décès au terme du premier mois et 75 % de patients survivant avec des séquelles. L’âge moyen de survenue de l’AVC est de 71,4 ans chez l’homme et de 76,5 ans chez la femme.

DÉFINITIONS

• L’AVC constitué se définit comme l’installation soudaine de troubles neurologiques focaux, éventuellement associés à des troubles de la vigilance, durant plus de 24 heures, sans autre cause apparente qu’une origine vasculaire. L’évolution ultérieure se fait vers une récupération plus ou moins complète ou vers le décès.

• L’accident ischémique transitoire (AIT), quant à lui, se définit comme la perte brutale d’une fonction cérébrale ou oculaire durant moins de 24 heures, que l’on suppose due à une embolie ou à une thrombose vasculaire.

SIGNES DE SURVENUE D’UN AVC CONSTITUÉ

• Les circonstances évocatrices d’un AVC sont une paralysie partielle ou généralisée, un trouble de la parole ou un trouble neurologique aigu, même discret (céphalées, paresthésies…) d’apparition nouvelle et en l’absence de traumatisme. Notons que 80 % des AVC sont ischémiques et 20 % sont hémorragiques. Aucun signe clinique isolé ou associé à d’autres ne peut présager un mécanisme ischémique ou hémorragique.

• Si le début d’un AVC est souvent soudain, certaines formes s’installent progressivement, en quelques jours ou quelques heures. Il en est de même pour la régression des symptômes. Certains sont transitoires, avec une récupération complète d’autonomie en moins de 30 minutes (AIT) ; d’autres sont, d’emblée, graves et définitifs. Parmi les signes, on retrouve :

Les déficits sensitivo-moteurs :

- une hémiplégie (paralysie d’un hémicorps) ou une hémiparésie (faiblesse musculaire d’un hémicorps) ;

- une paresthésie (engourdissement d’une partie du corps) ;

- une ataxie (perte de l’équilibre ou de la coordination des mouvements des membres).

Les déficits du langage :

- une dysarthrie (gêne pour articuler/ déformation de la bouche) ;

- une aphasie (mutisme) ;

- une dysphasie (difficulté à trouver les mots ou jargon avec mots inintelligibles) ;

- un déficit pouvant être associé à des difficultés de compréhension.

Les déficits oculaires :

- une cécité unilatérale ;

- une hémianopsie (perte de la vision de la moitié du champ visuel des deux yeux en même temps) ;

- une diplopie.

D’autres symptômes peuvent survenir :

- des troubles de la conscience pouvant aller de la somnolence au coma ;

- des céphalées d’apparition brutale, inhabituelles et très intenses.

PRISE EN CHARGE INFIRMIÈRE

On choisit ici de ne parler que de la prise en charge par un infirmier isolé ou en structure autre que les unités d’urgences neuro-vasculaires.

• Les objectifs prioritaires sont :

- assurer le maintien des fonctions vitales ;

- recueillir le plus de renseignements possibles et prendre contact sans délai avec la régulation médicale en appelant le 15, cela afin de faciliter l’orientation de la victime vers une structure de soins adaptée, dans le délai le plus court possible (3 heures après le début des signes), pour éventuellement bénéficier d’une thrombolyse (AVC ischémiques).

• Les étapes de la démarche :

Effectuez un premier bilan, qui consiste à mener une évaluation systématisée de la victime comprenant :

- une évaluation neurologique : cons­cience, pupilles, déficit moteur et/ou sensitif (méthode FAST)(image1) ;

- une évaluation hémodynamique : FC (fréquence cardiaque), TA (tension artérielle) ;

- une évaluation respiratoire : FR (fréquance respiratoire, SpO2 (oxymétrie de pouls), amplitude, dyspnée, cyanose ;

- une glycémie capillaire, une prise de température.

À ce stade, en cas de détresse vitale, réalisez des gestes d’urgence tels que la mise en PLS, l’administration d’oxygène, la libération des voies aériennes supérieures…

Caractérisez l’épisode neurologique, soit directement auprès de la victime, soit, plus souvent, auprès de la famille ou des témoins. Il s’agit d’explorer plus finement l’épisode neurologique en questionnant sur :

- l’heure de début des signes, le mode d’installation (rapide/progressive), l’absence de traumatisme crânien à l’origine des troubles ;

- l’intensité et l’évolution des symptômes : amélioration, aggravation, reprise de conscience… ;

- l’évaluation neurologique la plus précise possible : conservation de la parole, état de conscience (score de Glasgow), signes oculaires, motricité et sensibilité ;

- la recherche de complications éventuelles : convulsions, vomissements, chutes et traumatismes.

Recherchez des informations précises sur l’âge, les antécédents médico-chirurgicaux et les traitements en cours.

Transmettez votre bilan au médecin référent de votre structure ou au médecin régulateur du centre 15. Les informations que vous allez lui donner vont lui permettre de juger de la pertinence d’envoyer une équipe médicale (Smur) ou d’effectuer un transport en ambulance simple vers un service d’urgence classique ou un centre référent d’urgence neuro-vasculaire. La décision est orientée par les informations que vous lui transmettez. Soyez donc le plus précis possible.

Dans l’attente d’un transfert vers un établissement adéquat, il convient d’installer le patient et d’assurer sa surveillance :

- lui mettre un bracelet d’identification, s’assurer qu’il ait un moyen de communication (sonnette, feuille et crayon…) ;

- l’installer en position demi-assise ou PLS, caler les membres atteints ;

- surveiller l’état de conscience, les signes neurologiques ;

- contrôler la FC, la TA ;

- vérifier la SpO2, la FR ;

- surveiller les vomissements.

Toute évolution d’aggravation implique de rappeler la régulation médicale afin de réévaluer la pertinence de l’envoi d’un moyen médicalisé (type Smur) et le changement de destination du patient.

Parfois, il sera demandé à l’infirmière, dans le cadre d’un protocole ou d’une prescription, d’administrer de l’oxygène, de poser une voie veineuse périphérique de sécurité (NaCl 0,9 %), si possible du côté du membre sain, ou de préparer du matériel de réanimation (chariot d’urgence, BAVU, aspirateur de mucosité).

RAPPEL DU CADRE JURIDIQUE DE L’EXERCICE INFIRMIER

• On le voit, cette prise en charge de l’AVC concerne essentiellement la recherche de symptômes, de signes évocateurs, et le recueil de données. L’infirmière se trouve donc pleinement dans son rôle propre (article R. 4311-1,-2, -3 et -5 du CSP).

• Dans le cadre de structures où un protocole infirmier de soins d’urgence a été mis en œuvre, les actions à mener relèvent des articles R. 4311-8 et -14 du CSP. Ce dernier alinéa stipule : « En l’absence d’un médecin, l’infirmier ou l’infirmière est habilité, après avoir reconnu une situation comme relevant de l’urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en œuvre des protocoles de soins d’urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable.(…) En cas d’urgence et en dehors de la mise en œuvre du protocole, l’infirmier ou l’infirmière décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. »

L’accident vasculaire cérébral est une vraie urgence, le temps compte plus que la mise en condition paramédicale et médicale du patient. Trois heures, c’est long mais, en tenant compte des retards de prise en charge et des délais d’acheminement, une marge existe pour réduire ce temps de façon considérable. Il est donc essentiel de ne pas en perdre pour alerter et conditionner la victime. Préférez le « scoop and run » au « stay and play ».

1- Registre dijonnais des AVC de 1985 à 2004.

Sources utiles

> « Prise en charge initiale des patients adultes atteints d’accident vasculaire cérébral » - Aspects paramédicaux, juin 2002, Anaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé).

> « Les accidents vasculaires cérébraux dans les services d’accueil et d’urgence » - Conférence de consensus, avril 1997 SFMU (Société française de médecine d’urgence).

> « Accident vasculaire cérébral : prise en charge précoce (alerte, phase pré-hospitalière, phase hospitalière initiale, indications de la thrombolyse) » - Recommandations et bonnes pratiques, mai 2009, HAS (Haute Autorité de santé).