La gale - L'Infirmière Magazine n° 325 du 15/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 325 du 15/06/2013

 

FORMATION CONTINUE

LE POINT SUR

Très contagieuse, la gale est une affection parasitaire susceptible de concerner les individus de tout âge et de tout milieu social. Elle se caractérise essentiellement par un intense prurit nocturne. Son traitement, systémique ou/et local, impose beaucoup de rigueur.

PATHOLOGIE

Épidémiologie

→ La gale est une dermatose parasitaire superficielle (d’où son nom d’« ectoparasitose ») due à un acarien : Sarcoptes scabiei hominis. Elle n’est en rien propre aux milieux défavorisés ou aux individus marginalisés, même si sa transmission est facilitée par le non-respect des règles d’hygiène. La gale peut donner lieu à de véritables « épidémies » dans les collectivités et les milieux sociaux ayant peu accès aux soins. Elle est inscrite au tableau n°? 76 des maladies professionnelles en milieu hospitalier (décret n° 99-95 du 15 fév. 1999).

→ L’infection se transmet rapidement par contact direct, souvent sexuel (elle est considérée comme une maladie sexuellement transmissible). Plus rarement, le sarcopte résistant mal au milieu extérieur, elle l’est par contact indirect (vêtements, literie, serviettes, exceptionnellement animaux de compagnie, vecteurs passifs du parasite, qui ne peut pas les infester).

Histoire naturelle

→ Le sarcopte scabieux hominis est un parasite inféodé à l’espèce humaine : il ne peut survivre plus de 2 à 5 jours hors de son hôte et s’immobilise puis meurt dès que la température chute en dessous de 20 °C ou s’élève au-dessus de 55 °C.

→ Après accouplement sur la peau, la femelle, qui mesure environ 0,4 mm, creuse une galerie dans l’épiderme pour y protéger ses œufs (le mâle ne survit guère à l’accouplement). Cette galerie constitue un « sillon » superficiel. Sinueuse, blanc-gris, elle se caractérise à l’une de ses extrémités par une petite surélévation ressemblant à une tête d’épingle : cette « éminence acarienne » signe la présence du parasite. Les lésions de grattage rendent parfois difficile l’observation du sillon scabieux, qui peut ne pas être retrouvé.

→ Le prurit (voir ci-dessous) est induit par la réaction immunologique que suscitent les déjections du parasite et sa ponte dans la galerie.

→ Les larves éclosent en 4 jours lorsque les conditions sont favorables. Elles deviennent adultes en 2 à 3 semaines, et le cycle recommence. Les œufs ne survivent pas plus de 10 jours hors des sillons.

→ La transmission est le fait des femelles récemment fécondées, qui n’ont pas encore pénétré dans l’épiderme, également des larves vivant à la surface de la peau.

→ L’infestation de gale commune est limitée à une dizaine de parasites actifs, mais ce nombre, considérablement plus élevé en cas de gale profuse, peut alors atteindre des milliers.

Signes cliniques

→ Présentation typique : la gale se traduit par un signe constant : un prurit intense, signant l’infestation chez l’adulte. Les autres signes sont plus inconstants, voire rares. La mise en évidence directe de l’acarien est difficile. Caractéristiques :

– Le prurit se manifeste avant tout la nuit et apparaît après une incubation durant 2 à 3 semaines au minimum, souvent 4 à 6. L’atteinte, bilatérale, affecte certaines parties du corps et des membres (voir infographie p. 36). Chez l’adulte, le sarcopte épargne généralement le visage, le cuir chevelu, le cou et le haut du dos. Ce prurit est rapidement à l’origine de lésions de grattage, eczématiformes, qui évoluent parfois vers l’impétigo.

– Les sillons scabieux ne sont pas toujours visibles : ils le sont plus facilement entre les doigts et sur la face antérieure des poignets.

– Les chancres scabieux forment des papules érythémateuses et excoriées sur le pénis et le gland.

– Les vésicules perlées, translucides, s’observent dans les espaces interdigitaux : elles ne contiennent pas de parasites.

– Les signes d’infection scabieuse restent discrets lorsque l’hygiène est satisfaisante.

– Une fois l’infection traitée, des nodules post-scabieux d’origine immuno-allergique, atteignant parfois un centimètre de diamètre, peuvent apparaître en diverses zones : aisselles, région péri-ombilicale, périnée, scrotum. Ils ne contiennent pas de parasites.

→ Gale profuse : elle peut s’étendre à tout le corps, si elle évolue depuis longtemps, chez un sujet âgé, ou infecté par le VIH au stade de sida ou en cas de traitement dermatologique inadapté (corticothérapie). Elle peut être à l’origine d’une hyperkératose et d’une érythrodermie généralisée (forme dite « norvégienne »).

→ Chez le sujet âgé, les lésions peuvent être plus atypiques, se traduisant par une éruption de papules et de vésicules disséminées sur le tronc, les membres, voire le dos, sans que les sillons soient visibles.

→ Chez le nourrisson et le très jeune enfant, la gale entraîne une symptomatologie dominée par l’agitation, les pleurs et le refus de nourriture. Les lésions, formant souvent des vésicules et des pustules fréquemment infectées ou eczématiformes, peuvent s’étendre à l’ensemble du corps, y compris visage et cuir chevelu.

TRAITEMENT

Les recommandations du Conseil supérieur d’hygiène publique (juin 2003 ; en cours d’actualisation) placent les traitements oraux et locaux sur un même plan. Une infection mal traitée peut se traduire par une réinfestation.

Traitement local

Il repose sur deux médicaments topiques :

– L’association sulfirame et benzoate de benzyle, (Ascabiol), utilisée avec précautions chez l’enfant de moins de 2 ans.

– L’association esdépalléthrine/butoxyde de pipéronyle (Sprégal, lotion en flacon pressurisé), contre-indiquée chez le sujet asthmatique ainsi que chez le nourrisson ou le jeune enfant ayant des antécédents de bronchite dyspnéisante avec sibillances.

Traitement oral

Reposant sur l’administration d’ivermectine (Stromectol 200 µg/kg en une prise unique), le traitement oral est plus commode que le traitement local. Il n’est pas indiqué chez l’enfant < 15 kg (absence de données). Il n’est utilisé que si nécessaire chez une femme enceinte ; il est administré à une femme allaitante si le bénéfice est supérieur au risque potentiel encouru par le nourrisson. Comme il n’est pas actif sur les œufs, une seconde administration 2 semaines après la première sera envisagée si de nouvelles lésions apparaissent ou si l’examen parasitologique reste positif. Ce traitement ne donne pas lieu à des résistances connues et n’est pas toxique aux doses préconisées. Un impétigo peut justifier une antibiothérapie systémique.

Savoir plus

→ Collège national des enseignants de dermatologie (2010-2011) Ectoparasitoses cutanées. Cours en ligne sur le site www.umvf.univ-nantes.fr/dermatologie/enseignement/

→ (InVS), « Epidémie de gale communautaire : guide d’investigation et d’aide à la gestion ». www.invs.sante.fr/ (lien : http://bit.ly/11iKZMG)

→ Lajarthe S. (2011), « La gale sarcoptique humaine ».

Thèse de doctorat en pharmacie, université de Limoges. En ligne : http://bit.ly/Z5qelf

RECOMMANDATIONS

Des mesures préventives

→ Entourage : il est indispensable de traiter toutes les personnes ayant pu être au contact du parasite (famille, colocataires, partenaires sexuels, collègues de travail, camarades de classe…) et de les prévenir afin qu’elles puissent consulter un médecin. Un enfant atteint de gale commune devrait rester éloigné de la collectivité pendant 3 jours après son traitement. Un sujet victime de gale profuse doit être isolé et bénéficier d’un traitement à la fois local et systémique.

→ Mesures environnementales : le parasite ne résiste pas à une température > 55 °C. Il est éliminé par lavage des vêtements, des draps et du linge de lit, des gants et des serviettes à 60 °C, avec repassage à fer très chaud (sujet contaminé mais aussi entourage). S’il est impossible de traiter des articles à la chaleur, pulvériser une solution scabicide (A-Par) sur tout ce qui a été en contact avec le sarcopte (matelas, casque de moto ou de chantier, chaussures, tissu de fauteuils…). Laisser agir pendant 4 heures. Le linge ne doit pas utilisé dans les 12 heures suivant le traitement. S’il n’y a pas lieu de « désinfecter » l’environnement, une décontamination des lieux de vie pourra être envisagée en cas de gale profuse.