LES INFIRMIERS AUSSI ONT LE COMPAS DANS L’œIL - L'Infirmière Magazine n° 324 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 324 du 01/06/2013

 

PROTOCOLE DE COOPÉRATION

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS

Au centre hospitalier William-Morey, à Chalon-sur-Saône, des infirmiers peuvent désormais effectuer des prélèvements de cornée sur les patients décédés.

C’est une première en France. Fin janvier, l’ARS de Bourgogne a autorisé un protocole de coopération qui permet aux infirmiers volontaires du service de coordination hospitalière des prélèvements d’organes et de tissus (CHPOT) du CH William-Morey, à Chalon-sur-Saône, d’effectuer un prélèvement de cornée sur les patients décédés. Un an et demi de travail a été nécessaire pour élaborer le protocole. Ce transfert encadré, conçu en coopération avec le CHU de Brest, est qualifié d’« évolution nécessaire » par le Dr Alain Gaudray, médecin référent CHPOT. En effet, la pénurie croissante de médecins risque de faire chuter le nombre de prélèvements en France. « En ajoutant Rémy Tentoni, Céline Bravais et Michaël Senneville aux médecins préleveurs, nous espérons augmenter d’environ 25 % lesdits prélèvements au CH William-Morey, tout en accroissant leur qualité », calcule Alain Gaudray. Faire davantage mais, également, mieux ? « Plus disponibles que les médecins, les infirmiers interviennent dans des délais plus courts, ce qui permet de réduire la mort cellulaire. Bien formés et motivés, ils ont aussi davantage de temps à consacrer à cet acte technique. La coopération devrait logiquement aboutir à une meilleure efficacité. » Cette analyse est partagée par les trois infirmiers coordinateurs de la CHPOT, dont Rémy Tentoni, qui a travaillé à la conception du dossier de demande. Ils se disent prêts à assumer cette responsabilité supplémentaire, permettant de garantir aux familles que les prélèvements seront effectués et que les corps leur seront rendus dans de plus brefs délais.

Maîtrise de l’asepsie

Les soignants ont suivi un cours théorique sur l’anatomie de l’œil puis se sont exercés sur des corps donnés à la science. « On a aussi beaucoup appris en observant les interventions des chirurgiens au bloc opératoire du CH, ajoute Rémy Tentoni. Le plus difficile est la maîtrise rigoureuse de l’asepsie. » En revanche, si « la découpe circulaire régulière est un travail au millimètre près qui nécessite de la concentration et de la minutie », tous trois jugent que « les infirmiers exécutent déjà d’autres actes techniques tout aussi compliqués ». Quant à la restitution tégumentaire, qui consiste à reconstituer le galbe de l’œil en positionnant un conformateur sous les paupières avant leur occlusion par colle ou microsuture, elle ne leur pose pas non plus problème.

Pour le suivi de cette délégation de compétence, l’ARS demande à l’équipe de renseigner 22 critères à chaque opération. Ce qui permettra de comparer le nombre de cornées prélevées, avant et après application du protocole(1). Seront également mesurés les écarts d’actes entre délégués et délégants, notamment en termes de délais d’intervention et de qualité obtenue (niveau de contamination bactérienne, qualité endothéliale…).

« Les demandes des comités de suivi, estime Alain Gaudray, devraient certainement s’alléger dans les années à venir, tant pour les infirmiers de coordination que pour les Ibode et les infirmiers d’ophtalmologie, qui sont eux aussi autorisés à adhérer au protocole. À terme, on peut même imaginer que ces actes tomberont dans leur rôle propre, comme cela a été le cas pour la ventilation artificielle avec matériel. » Quid de la valorisation salariale ? « Dans la période de transition actuelle, elle ne me semble pas envisageable. En revanche, je pense qu’elle deviendra possible quand ces délégations seront intégrées dans les actes infirmiers. »

1– Une cinquantaine de paires de cornées par an sont actuellement prélevées au CHPOT.