La titration morphinique - L'Infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013

 

FORMATION CONTINUE

FICHE TECHNIQUE

Méthode d’ajustement de la posologie d’un produit morphinique, la titration permet d’initier ou de poursuivre en toute sécurité un traitement efficace pour soulager la douleur du patient.

La titration consiste, chez un patient algique, à soulager la douleur, rapidement et en sécurité, par l’administration répétée de doses limitées et cumulatives de morphine à action rapide.

OBJECTIF

• La titration de la douleur par un morphinique a pour objectif de : « S’adapter aux besoins du patient en morphine (ni trop, ni trop peu) en atteignant rapidement la concentration plasmatique minimale efficace analgésique (concentration pour laquelle les effets analgésiques attendus sont observés). »(1)

• L’adaptation individuelle de la dose initiale de morphine réduit les effets secondaires dus au surdosage et l’inefficacité thérapeutique entraînée par un sous-dosage.

MISE EN ŒUVRE

• Cette titration s’effectue sous surveillance clinique, avant chaque prise de morphine à action rapide et après la prise pour évaluer l’effet sur la douleur.

Les éléments clés à retenir :

– lorsqu’un traitement est débuté par la morphine, il faut déterminer la dose nécessaire efficace pour soulager la douleur aiguë du patient. La titration est une méthode d’ajustement des posologies d’un médicament. Cette titration s’applique soit au début d’un traitement (titration initiale) soit au cours d’un traitement (titration ultérieure ou réajustement posologique) ;

– idéalement, un taux stable d’antalgie est obtenu sur 24 à 48 heures de titrage bien conduit. Pour cela, le médecin prescrit une posologie initiale d’un morphinique à libération immédiate (LI) toutes les 4 heures. Une prescription d’interdoses, données si nécessaire en cas de douleurs aiguës mal soulagées, permettra d’atteindre plus rapidement une antalgie plus efficace.

SURVEILLANCE (voir p. 44)

• La titration morphinique repose sur trois règles de sécurité impératives :

– l’évaluation répétée par une échelle adaptée et validée : échelle visuelle analogique (EVA), échelle numérique (EN), échelle verbale simple (EVS ) ;

– l’évaluation de la sédation (échelle de sédation : 0 = éveillé à 3 = somnolent la plupart du temps, éveillable par stimulation tactile) ;

– la mesure de la fréquence respiratoire.

• Le non-respect de ces règles de sécurité risque de conduire à un surdosage.

MORPHINIQUES UTILISÉS

• En intraveineuse, on utilise du chlorhydrate de morphine (1 mg / 1 ml) : 1 ampoule de 10 mg ramenée à 10 ml dans une seringue de 10 ml. Le pic d’efficacité est proche de 5 minutes, soit un délai dix fois plus court que par voie sous-cutanée.

• En per os, les morphines « LI », à libération immédiate. L’efficacité se fait sentir au bout de 30 à 60 minutes et dure environ 4 heures. Il existe :

– des gélules dosées à 0,5 ; 1 ; 2 ; 3 ; 4 mg. Les pharmaciens préparent des contenus adaptés au poids d’un enfant (moins de 0,5 mg, notamment, pour les services de néonatalogie) ;

– Sevredol® : cp sécables de 10, 20 mg ;

– Actiskénan® : des gélules ouvrables de 5, 10, 20 mg ;

– Oramorph® : solution de 20 mg/ml avec un compte-gouttes (1 goutte = 1,25 mg, donc 4 gouttes = 5 mg), et unidoses 10, 30 et 100 mg.

À RETENIR

• La titration en morphine, fondée sur la variabilité importante inter et intra-individuelle des besoins en morphine, est une méthode simple qui permet un soulagement rapide et efficace de nombreuses douleurs, en particulier en péri-opératoire et en situation d’urgence.

• Les points importants pour obtenir un soulagement efficace et rapide sont le respect des doses préconisées et le délai entre les ré-injections.

• Les effets indésirables existent, mais lorsque les protocoles de titration recommandés par les sociétés savantes sont respectés, ils sont limités.

• La démarche de titration morphinique repose sur l’évaluation systématique de la douleur du patient dès son arrivée, que ce soit aux urgences, au retour de bloc opératoire en SSPI ou lors de soins douloureux nécessitant la mise en place, le plus rapidement possible, du protocole thérapeutique, puis la réévaluation de la douleur afin de vérifier l’efficacité du traitement.

PARAMÈTRES DE SURVEILLANCE

SURVEILLANCE DE L’ÉTAT DE CONSCIENCE

• La titration ne peut débuter que si le patient est totalement conscient (en dehors de la titration per-opératoire).

• La somnolence précède souvent l’analgésie mais aussi la dépression respiratoire. Elle traduit le soulagement mais correspond surtout à un effet secondaire de la morphine.

• Il est conseillé d’arrêter la titration chez un patient qui somnole et/ou à une bradypnée, quitte à le reprendre si le patient est algique à son réveil.

• Évaluation par le score de Ramsay ou le score de sédation simplifié.

SCORE DE RAMSAY

C’est l’échelle de sédation la plus utilisée. Ce score décrit la façon dont un patient est réveillable. Il comporte 6 stades côtés de 1 (patient agité) à 6 (patient non réveillable). Ce n’est pas un score d’évaluation de l’intensité douloureuse. Il ne prend pas en compte le confort du patient, et repose sur la capacité de celui-ci à répondre à un stimulus auditif ou tactile.

→ Arrêt de la titration lorsque le patient est > R2.

SCORE DE SÉDATION SIMPLIFIÉE

S0 = éveillé

S1 = somnolent par intermittence, facilement éveillable

S2 = somnolent la plupart du temps, éveillable par stimulation verbale

S3 = somnolent la plupart du temps, éveillable par stimulation tactile

→ Arrêt de la titration lorsque le patient est > S1.

L’appréciation des scores reste un élément majeur d’arrêt ou de poursuite du traitement morphinique.

SURVEILLANCE HÉMODYNAMIQUE

• Pression artérielle et fréquence cardiaque.

• Précautions à prendre chez les patients hypovolémiques et hypotendus : diminuer les doses, voire arrêter la titration.

SURVEILLANCE RESPIRATOIRE

SCORE DE RESPIRATION

R0 = respiration régulière et FR ≥ 10/min

R1 = ronflements et FR ≥ 10/min

R2 = respiration irrégulière, obstruction, tirage, et/ou FR < 10/min

R3 = pauses, apnées

→ Arrêt de la titration lorsque le patient est > R2.

1– Procédures pour la prise en charge de la douleur postopératoire (Procedol) – Institut Upsa de la douleur – www.institut-upsa-douleur.org

À SAVOIR

L’antidote de la morphine est la Naloxone : 1 ampoule de 0,4 mg à diluer dans une seringue de 10 ml (0,04 mg/ml) permet d’injecter ml par ml (selon le protocole médical du service et la prescription du médecin), toutes les 3 minutes jusqu’à lever la dépression respiratoire sans réveiller la douleur.

SOURCES

Recommandations de bonnes pratiques

La titration est apparue en France dans les années 1980-1990.La titration de la douleur par un morphinique s’est d’abord développée dans le cadre de la prise en charge de la douleur postopératoire, dont elle constitue la première étape.

En 1997, une conférence de consensus d’experts de la Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) a établi des recommandations pour la « Prise en charge de la douleur post-opératoire chez l’adulte et l’enfant », validées par l’Anaes en 1999, qui a permis de diffuser la technique de titration de la douleur par un morphinique dans l’ensemble des salles de surveillance post-interventionnelle (SSPI).

Des « Standards, options et recommandations (SOR) pour les traitements médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l’adulte » sont publiés en 2002 par la FNLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer).

En 2010, la Sfar et la Société française de médecine d’urgence (SFMU) publient les « Recommandations formalisées d’experts – Sédation et analgésie en structure d’urgence ».

Textes réglementaires

Décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.

Circulaire DHOS/E2 n° 266 du 30 avril 2002, relative à la mise en œuvre du programme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissements de santé.

Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à l’administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans les établissements de santé.

Circulaire DGS/DH/DAS n° 99/84 du 11 février 1999 relative à la mise en place de protocoles de prise en charge de la douleur aiguë par des équipes pluridisciplinaires médicales et soignantes dans les établissements de santé.

Normes

Guide du service de soins infirmiers 2e édition (septembre 2001) : www.sante.gouv.fr/soins-infirmiers-normes-de-qualite.html