DES CONSULTATIONS À DISTANCE POUR LES DÉTENUS - L'Infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013

 

TÉLÉMÉDECINE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES … ÉTABLISSEMENTS

Certains patients du Pr Hervé Bouaziz, médecin anesthésiste au CHU de Nancy, sont des personnes incarcérées. Il conduit ses examens grâce à un service de téléconsultation.

Quels sont vos antécédents médicaux ? Vos traitements en cours ? Fumez-vous ? Avez-vous un tatouage ? » La consultation pré-anesthésique a tout ce qu’il y a de classique, à la différence près que médecin et patient ne sont pas physiquement l’un en face de l’autre. Le Pr Hervé Bouaziz, médecin anesthésiste au CHU de Nancy, se trouve dans l’enceinte de l’hôpital, au centre-ville, tandis que le patient est derrière les murs du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville, au sein de l’unité sanitaire(1). Caroline Fritsch et Denis Titah, respectivement médecin et cadre de santé, se tiennent à ses côtés. L’anesthésiste travaille face à deux écrans d’ordinateur : à gauche, l’image vidéo ; à droite, le dossier patient, qu’il remplit au fur et à mesure. Après l’interrogatoire clinique, le Pr Bouaziz réalise l’examen physique : fréquence cardiaque, état dentaire…

S’il peut effectuer lui-même certains gestes (faire des clichés qui seront associés au dossier du patient, des zooms x18, mesurer l’écart entre les incisives…), le médecin est assisté par l’équipe soignante de l’unité sanitaire, pour la mesure de la pression artérielle par exemple. La démarche est encore en phase de « rodage ». Sur les 56 téléconsultations menées en 2012, seulement quelque-unes ont été effectuées grâce à ce nouveau logiciel. Le projet Odys a été mis en place par le groupement de coopération sanitaire Télésanté Lorraine. « Nous avons réalisé les premières expérimentations dès 2009, mais avec un logiciel qui avait été pensé pour de la web-conférence entre médecins. Il n’était pas adapté aux téléconsultations, qui nécessitent, notamment, une excellente qualité vidéo et audio et le transfert d’imagerie médicale », explique Arnaud Vezain, chef de projets à Télésanté Lorraine. Le GCS lance donc un appel d’offres. « Notre projet étant orienté vers la santé des détenus, il s’inscrivait pleinement dans les priorités de la DGOS pour la télémédecine », précise Arnaud Vezain. Le dispositif a ainsi obtenu des financements de l’Asip Santé(2) et de l’ARS Lorraine.

Meilleur accès aux soins

Pour l’heure, les téléconsultations pré-anesthésiques en Lorraine se limitent à l’unité sanitaire du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville, qui compte 780 détenus. « Nous souhaitons exporter ce que nous faisons à Nancy, dans les dix unités sanitaires lorraines », indique Arnaud Vezain. Car les avantages de ce dispositif sont nombreux : « Il améliore significativement l’accès aux soins des détenus et la rapidité de la prise en charge. Il faut savoir qu’en moyenne, 30 % des détenus refusent de sortir pour une extraction médicale », explique, pour sa part, Denis Titah. « Beaucoup détestent être vus menottés en public. Ce sont des patients un peu particuliers, ils peuvent se montrer vindicatifs, et le fait qu’ils soient escortés par des personnes armées peut gêner les autres patients », ajoute le Dr Fritsch. « Le gain économique n’est pas négligeable, puisqu’une extraction coûte, en moyenne, 800 euros », poursuit le cadre de santé. Autre bénéfice : les téléconsultations permettent de réduire les délais pour obtenir un rendez-vous(3). « Le nombre d’extractions est limité à quatre par jour pour tout l’établissement pénitentiaire. C’est cruellement insuffisant. Il faut attendre environ deux mois pour avoir un créneau disponible », assure le Dr Fritsch.

Si les arguments ne manquent pas pour développer le logiciel de télémédecine Odys en milieu carcéral, Télésanté Lorraine le déploie également en neurologie pour le traitement des AVC (depuis 2009) et, depuis mars, en néphrologie dans des unités de dialyse médicalisée.

1– Anciennement appelée unité de consultation et de soins ambulatoires. Les huit équivalents temps plein IDE et le cadre de santé reçoivent 180 détenus par jour en moyenne.

2– Agence des systèmes d’information partagée de santé (Asip santé).

3– Les consultations qui nécessitent une extraction sont nombreuses : gynécologie, ophtalmologie, psychiatrie…