DOSSIER
QUESTIONS SUR
Longtemps utilisé par les Mayas et les Aborigènes, puis pendant la guerre de sécession, le traitement des plaies par les larves de la mouche verte fut supplanté avec l’avènement de la pénicilline. Mais l’évolution des bactéries le fit revenir sur le devant de la scène.
Les larves de la mouche verte Lucilia sericata sont capables de guérir des plaies et sont spécifiquement utilisées pour une détersion efficace
Il y a des siècles, les Indiens mayas du Pérou et les aborigènes d’Australie découvraient l’effet médical des asticots
En 1929, William Baer, orthopédiste à l’hôpital John– Hopkins de Baltimore, dans le Maryland (États-Unis), utilisait les larves pour le traitement d’ostéomyélite chez des enfants
Malgré les résultats satisfaisant, cette technique a été abandonnée après la Seconde Guerre mondiale. Une découverte importante en est à l’origine : l’activité antibactérienne du champignon Penicillium par Alexander Fleming
Ainsi, en quatre ans, la majorité des staphylococcus aureus sont devenus résistants à la pénicilline. Cinquante ans plus tard, après la découverte de plusieurs sortes d’antibiotiques, il est avéré que la résistance aux antibiotiques augmente et qu’elle rend difficile le traitement des infections. La larvothérapie revient donc dans la clinique, comme une thérapie alternative dans le cas de plaies infectées
Dans les années 1980 à 1990, l’asticothérapie fut réintroduite dans une centaine de cliniques aux États-Unis et en Europe
L’asticothérapie peut être utilisée pour le traitement de plaies infectieuses aiguës et chroniques. Le pourcentage de réussite est important puisqu’il atteint 80 %. Selon la FDA, la larvothérapie est indiquée « pour la détersion des plaies infectieuses nécrotiques incurables et blessures des tissus mous, dont escarres, ulcères de stase veineuse, ulcères neuropathiques des pieds, et traumatismes non curables ou plaies post-chirurgicales »
Il existe deux façons de pratiquer la larvothérapie : soit sous forme libre, soit sous la forme la plus répandue, qui est le sachet de gaze (le Biobag®). Les deux méthodes présentent la même efficacité
Autour de la plaie il est conseillé d’appliquer un pansement hydrocolloide pour éviter l’ epidermiolyse causée par les excrétions et sécrétions (ES) des larves. Un simple bandage suffit à recouvrir l’ensemble (ajouter une gaze dans le cas des larves libres). Le pansement doit être non occlusif, pour permettre aux larves d’être oxygenées, et doit être renouvelé quotidiennement afin d’éviter les odeurs désagréables. Il suffit d’une pince pour enlever les vieilles larves qu’elles soient libres ou en sachet. Si des larves sont supprimées après trois ou quatre jours de traitement, elles peuvent être congelées et jetées. Si nécessaire, de nouveaux asticots peuvent être appliqués. Avant chaque changement de larves, la plaie est nettoyée par l’application de sérum physiologique et, si nécessaire, une détersion chirurgicale. La thérapie peut être interrompue dès lors que les effets recherchés sont atteints.
L’idée d’appliquer des larves sur le corps humain peut paraître déplaisante. Pourtant, les bénéfices sont grands. Face à des plaies incurables par les traitements médicaux traditionnels et indication d’amputation, le patient est souvent satisfait lorsqu’une nouvelle possibilité thérapeutique s’offre à lui
Il serait plus confortable de ne pas utiliser de larves vivantes, s’il était possible d’identifier et d’isoler des substrats pharmacologiques afin de les utiliser comme un médicament local ou général. C’est pourquoi la recherche des mécanismes d’action doit se développer dans ce domaine.
Les observations cliniques montrent que les larves empaquetées dans les sachets sont aussi efficaces que celles placées sous la forme libre
Outre le fait que le bio-film maintient les infections de plaies, il cause aussi des infections lors de présence de prothèses
D’autres recherches ont confirmé l’inhibition de bio-films par les ES
La présence d’un corps étranger, comme une écharde de bois ou une tique infectée, met notre système immunitaire en action du fait de l’inflammation voire de l’infection. La tolérance à la présence des asticots pour l’organisme humain est médicalement intéressante car durant la larvothérapie quelque chose opère au niveau du système immunitaire. Des expériences ont été menées avec le sang de deux groupes de patients : le sang de patients sains et le sang de patients qui venaient de subir une intervention chirurgicale (système immunitaire actif). Des ES ont été ajoutés dans les deux cas afin d’observer l’activité immunitaire. Dans cette étude, le constat est fait en faveur de la découverte d’un immunosuppresseur dans ce substrat (montré dans les deux groupes)
La première phase de guérison des plaies est la phase inflammatoire, laquelle est essentielle pour le processus. Elle est suivie par la phase de prolifération et la phase de ré-épithélialisation puis, enfin, celle de maturation. Dans le processus physiologique, la phase inflammatoire dure au maximum cinq jours, mais dans le cas de plaies chroniques et infectées, l’inflammation peut durer bien plus longtemps. Elle génère de ce fait la destruction des tissus et non leur guérison
Pour résumer, les asticots ne tuent pas des bactéries mais leurs ES inhibent les bio-films résistants aux antibiotiques produits par certaines bactéries et réduisent l’activité des défenses immunitaires acquises. Cependant, les connaissances scientifiques actuelles ne peuvent pas encore expliquer totalement le processus de guérison des plaies par les larves. Les avancées actuelles les plus importantes dans le traitement des plaies concernent la désinfection et l’utilisation de médicaments antibactériens. Pourquoi les larves peuvent-elles guérir les plaies si les bactéries sont toujours présentes ? Probablement, l’hypothèse est que les bactéries ne sont plus nuisibles. Les asticots en causant l’inhibition des défenses immunitaires et de l’inflammation, témoignent de l’importance de leurs propriétés d’action antibactérienne. Dans ce cas, la plaie peut guérir malgré la présence des bactéries (les plaies sont contaminées mais non infectées).
On commence à mieux connaître les mécanismes d’action des larves dans le processus de guérison des plaies. Cliniquement, l’utilisation des ES sans larves vivantes serait plus aisée. Des études sont actuellement menées dans ce sens. De surcroît, les substrats anti-biofilms et anti-immunologiques dans les ES des asticots sont très intéressants et peuvent constituer une indication de traitement pour certaines maladies infectieuses et immunitaires. L’objet de la recherche actuelle concerne l’identification et le développement d’un nouveau substrat pharmacologique efficace en isolant des ES des larves de Lucilia sericata.
REMERCIEMENTS À MME MARIE-LINE PIRAUDEAU, PSYCHOLOGUE, POUR SES CONTRIBUTIONS À LA TRADUCTION DE CET ARTICLE.
PHOTOS REPRODUITES AVEC L’AIMABLE AUTORISATION DU JOURNAL OF WOUND TECHNOLOGY, JULY 2009, N° 5, MAGGOT THERAPY FOR WOUND HEALING : CLINICAL RELEVANCE, MECHANISMS OF ACTION AND FUTURE PROSPECTS. G. CAZANDER, F. GOTTRUP, G.N. JUKEMA.
« Est-il vrai que les larves détruisent les bactéries ? »
→ L’hypothèse la plus répandue concerne l’activité antibactérienne des asticots. Mais il s’agit d’une idée fausse. Les larves ne tuent pas les bactéries. Ces dernières années, plusieurs groupes de recherche dans le monde ont réalisé des expériences pour évaluer l’effet antibactérien des larves et leurs excrétions/sécrétions (ES). La publication des articles « Découverte d’un nouvel antibiotique à base de larves », ou encore « La composition de substrat antibactérien des sécrétions des asticots est prouvée » ne permet pas de prouver de manière convaincante et cohérente que les larves ont un effet antibactérien aux concentrations thérapeutiques
→ La plupart des expériences menées autour de l’hypothèse d’activité antibactérienne des larves ont été répétées et certaines ont permis des précisions. Il s’agit de comparer des tubes stériles contenant des bactéries, un milieu nutritif avec des asticots à des tubes identiques sans asticots.
Après une nuit d’incubation, la quantité de bactéries n’était pas véritablement différente
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