La sédation par midazolam - L'Infirmière Magazine n° 319 du 15/03/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 319 du 15/03/2013

 

FORMATION CONTINUE

IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN

1. DESCRIPTION DU CAS

Mme N., 72 ans, hospitalisée le 11/10 en unité de court séjour gériatrique pour altération majeure de l’état général, suspicion d’AVC depuis 48 heures, pneumopathie et escarres multiples avec antécédent essentiel de démence et grabatisation. Elle est adressée par les urgences avec une perfusion de G5 %, Rocéphine, Perfalgan et Topalgic. À l’entrée, le score de Glasgow est à 10, la patiente est grabataire avec rétraction des quatre membres, gémissements, communication impossible. Des escarres de stade 2 à 4 sont retrouvées au niveau du sacrum, des genoux, de la malléole et du talon.

Un traitement par morphine est instauré pour la douleur, en pousse-seringue électrique (PSE), à raison de 10 mg/24 h avec des interdoses de 5 mg/4 h. Le traitement est arrêté le lendemain matin à cause d’une bradypnée à 6/min. Le traitement morphinique est repris l’après-midi, poursuivi jusqu’au 15/10 à 24 mg/24 h, puis survient une seconde bradypnée. Le traitement morphinique est réinstauré le lendemain.

Le 17/10, la patiente n’est pas soulagée, une sédation par midazolam est prévue à la dose de 12 mg/48 h en PSE. Sur la prescription informatisée, l’administration est écrite pour 24 heures.

5 h 30 après la pose, la seringue est retrouvée vide sur le PSE bien programmé, sans alarme déclenchée. La patiente est somnolente, avec une fréquence respiratoire à 8/min. Le traitement par morphine et midazolam est arrêté, et repris 48 heures plus tard. Le 22/10, la patiente est réactive, et transférée en unité de soins palliatifs. Elle décède le 8/11.

QUE S’EST-IL PASSÉ ?

La dose de midazolam prescrite pour 48 heures a été programmée pour 24 heures, et administrée en 5 h 30. Une analyse des causes a été réalisée lors d’une revue de morbi-mortalité (RMM) et a fait ressortir plusieurs hypothèses. La seule certitude est la succession de circonstances qui a conduit à l’erreur de dose.

La prescription n’est pas explicite pour l’IDE. La dose a été définie sans titration préalable(1). Le midazolam a deux présentations possibles : 5 mg/5 ml ou 5 mg/1 ml. Seule la forme à 5 mg/5 ml était disponible dans le service. La charge de travail de l’IDE était importante. Deux patients bénéficiaient du même traitement. La conformité du PSE a été évaluée. Aucune alarme ne s’est déclenchée, le PSE était bien programmé, le matériel adapté. Aucune traçabilité des actions n’a été retrouvée, et la seringue ne portait pas les mentions de volume, dose et concentration de produits présents.

2. MIDAZOLAM (HYPNOVEL®) : RAPPELS

Le midazolam fait partie de la famille des benzodiazé­pines, dont les caractéristiques communes sont les propriétés anxiolytiques, hypnotiques, amnésiantes et myorelaxantes. Pour le midazolam, les activités sédatives et hypnotiques sont les plus marquées. Le flumazenil (Anexate®) est l’antidote des benzodiazépines utilisable en cas de surdosage de midazolam. Cette molécule est privilégiée dans la sédation car elle dispose d’une demi-vie courte (2 à 4 heures) ce qui explique sa courte durée d’action (20 à 60 min selon la posologie de 0,05 à 0,15 mg/kg) et d’un effet sédatif dose-dépendant. De plus, après une administration par voie IV ou IM, une amnésie antérograde de courte durée apparaît (le patient ne se souvient plus des événements qui se sont produits lors de l’activité maximale du produit).

Cet effet pourrait paraître indésirable, mais, dans la sédation consciente, il constitue un avantage de ce médicament face aux suffocations et phénomènes douloureux rencontrés en soins palliatifs, par exemple. Dans la pratique, le caractère hydrosoluble du sel utilisé donne une solution pour injection stable et bien tolérée permettant un choix dans les voies d’administration.

Indications

Les indications sont la sédation vigile et en soins intensifs chez l’adulte et l’enfant, avant et pendant les procédures à visée diagnostique ou thérapeutique, avec ou sans anesthésie locale. Le midazolam est également indiqué en anesthésie, chez l’enfant et l’adulte, pour la prémédication avant et pendant l’induction de l’anesthésie.

Posologie

Le midazolam est un agent sédatif puissant qui nécessite d’être administré lentement et en appliquant la méthode de titration. Celle-ci est fortement recommandée pour obtenir le niveau de sédation recherché en fonction du besoin clinique, de l’état physique, de l’âge et des médicaments associés. L’échelle habituellement utilisée pour mesurer la sédation est celle de Rudkin. Pour la titration chez l’adulte, la molécule est préparée par une dilution dans du sérum physiologique pour obtenir une concentration de 1 mg/ml. La titration débute par une injection de 1 mg toutes les 2 à 3 min jusqu’à l’obtention d’un score de 4 sur l’échelle de Rudkin modifiée. Chez le sujet très âgé ou fragilisé, la titration débute par une injection de 1 mg toutes les 5 à 6 min jusqu’à l’obtention d’un score de 4 sur l’échelle de Rudkin modifiée.

Il est recommandé de noter, dans le dossier du patient, la dose totale qui a été nécessaire pour entraîner la sédation. L’injection IV doit être administrée lentement, à une vitesse d’environ 1 mg en 30 secondes.

L’évaluation est faite en mesurant le degré de soulagement du patient et la profondeur de la sédation par un score supérieur ou égal à 4 sur l’échelle de Rudkin chez l’adulte.

Effets secondaires

Ils sont très nombreux mais rares, voire très rares, et souvent dose-dépendants. Les plus redoutés sont : la dépression respiratoire, l’apnée et l’arrêt cardiaque, qui surviennent après des doses élevées, lorsque l’injection est trop rapide, en cas d’insuffisance cardiaque, respiratoire, ou chez le sujet âgé.

Surdosage

En cas de surdosage, les effets secondaires sont majorés et, en particulier, l’apnée, la confusion mentale, la léthargie, la dépression myocardique et respiratoire. En général, les effets indésirables étant dosedépendants, la durée d’action courte et l’élimination rapide, il n’est pas nécessaire de recourir systématiquement à l’antidote. Une surveillance renforcée est suffisante. Cependant, l’administration de flumazenil est possible, si l’on respecte bien les règles habituelles d’utilisation de ce médicament.

Contre-indications

Les contre-indications habituelles sont l’hypersensibilité aux benzodiazépines ou à l’un des composants, et l’insuffisance respiratoire sévère.

Interactions médicamenteuses

Le midazolam interagit avec plusieurs médicaments métabolisés par le foie, en particulier : itraconazole, fluconazole, kétoconazole ; vérapamil et diltiazem ; érythromycine et clarithromycine ; cimétidine et ranitidine ; saquinavir, ritonavir, indinavir, nelfinavir et amprénavir ; les dépresseurs du système nerveux central comme les morphiniques, les anti­psychotiques, les autres benzodiazépines, le phénobarbital, les antidépresseurs sédatifs, les antihistaminiques et les antihypertenseurs centraux.

L’instauration d’un traitement par midazolam doit donc inciter à réévaluer les traitements associés afin de ne pas exposer le patient à des problèmes iatrogéniques.

3. EN PRATIQUE

Suite à cet incident, il a été décidé de mettre en place des recommandations d’utilisation des PSE.

Les bonnes pratiques pour la préparation d’une injection commencent par une prescription claire et facilement compréhensible par l’IDE.

→ Les mentions suivantes doivent être impérativement précisées dans le cas de l’utilisation d’un PSE :

– le nom et la quantité de produit ;

– la nature et la quantité de diluant ;

– le débit (mg/h ou µg/h) et ml/h ;

– heure de mise en route ;

– bolus/la période réfractaire.

→ Le matériel utilisé doit être adapté au pousse-seringue : seringue compatible avec une graduation précise pour la dilution du médicament ; prolongateurs et tubulures spécifiques.

→ L’IDE doit vérifier que la prescription médicale comporte tous les paramètres nécessaires à la programmation du pousse-seringue. La même personne prépare la seringue et programme le pousse-seringue.

Outre les conditions habituellement requises pour la préparation de toute perfusion intraveineuse, l’IDE doit avoir été formée à la manipulation du PSE.

L’identité du patient, le nom du médicament, la concentration présente dans la seringue, le débit, la possibilité de bolus, ainsi que la date et l’heure de début de perfusion sont indiqués sur la seringue.

VIGILANCE !

La surveillance doit être systématiquement tracée sur un document prévu à cet effet, afin de pouvoir détecter précocement ou a posteriori tout dysfonctionnement ou erreur.

ÉVALUATION DE LA SÉDATION

Échelle de Rudkin

1. Patient complètement éveillé et orienté

2. Patient somnolent

3. Patient avec les yeux fermés, mais répondant à l’appel

4. Patient avec les yeux fermés, mais répondant à une stimulation tactile légère (traction sur le lobe de l’oreille)

5. Patient avec les yeux fermés et ne répondant pas à une stimulation tactile légère.

1- Lire la Fiche sur Le titrage morphinique dans le numéro 321 de L’infirmière magazine, à paraître en avril.