Les protocoles de soins d’urgence - L'Infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012

 

DOSSIER

FICHE TECHNIQUE

La mise en œuvre de protocoles de soins d’urgence est l’une des modalités de l’exercice professionnel infirmier. Elle permet, en l’absence d’un médecin, de gérer une situation de détresse.

Selon le ministère de la Santé, « les protocoles de soins constituent le descriptif de techniques à appliquer et/ou des consignes à observer dans certaines situations ou lors de la réalisation d'un soin. Ils permettent notamment aux infirmiers d'intervenir sans délai (…) et d'utiliser des procédures reconnues pour leur efficacité »(1).

DÉFINITIONS

• Il semble opportun de pointer les différences entre protocole, ordonnance et procédure. La lettre de la Fédération hospitalière de France précise la distinction entre protocole et ordonnance : « Le protocole se distingue de la prescription médicale en ce qu'il trouve application à une pluralité de patients. Au contraire, la prescription médicale est obligatoirement individuelle. »

• Un protocole ne fait donc pas office de prescription médicale stricto sensu. Le médecin signataire du protocole délègue des soins médicaux à l’IDE.

• Une procédure, quant à elle, relève de technique (s) et méthode (s) qui seront employées pour la mise en place « pratique » d’une action. Elle n’est pas obligatoirement d’origine médicale.

• Le protocole de soins d’urgence (PSU) entre dans le domaine decompétences des IDE, tel que le décrit l’article R4311-7 du Code de la santé publique (CSP) : « L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants [et énumérés dans l’article] soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin. »

L’infirmier sapeur-pompier (ISP) peut se retrouver seul aux côtés d’une victime en détresse. Médicamenteux ou non, les protocoles lui permettent de faire face, avant l’arrivée d’un médecin, à des situations d’urgence vitale, ou lors desquelles se manifeste une douleur. NB : l’acronyme POS (pour procédures opérationnelles standardisées) est parfois utilisé, notamment par la Société de réanimation de langue française, pour regrouper sous un même terme les procédures et protocoles – ceci reste interne à certains services.

CADRE RÉGLEMENTAIRE

• La mise en place de protocoles de soins d’urgence correspond à une modalité d’exercice professionnel des infirmières, prévue à l’article R4311-14 du CSP. Le voici in extenso.

« En l'absence d'un médecin, l'infirmier ou l’infirmière est habilité, après avoir reconnu une situation comme relevant de l'urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en œuvre des protocoles de soins d'urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable. Dans ce cas, l'infirmier accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin. Ces actes doivent obligatoirement faire l'objet de sa part d'un compte rendu écrit, daté, signé, remis au médecin et annexé au dossier du patient.

« En cas d'urgence, et en dehors de la mise en œuvre du protocole, l'infirmier décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il prend toutes mesures en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état. »

• Les soins relevant du rôle propre de l’IDE (décrit dans les articles R4311-3, 4 et 5 du CSP) ne doivent pas faire l’objet de protocoles.

NB : l’article R4311-8 du CSP codifiant le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 énonce les dispositions relatives aux protocoles d’analgésie : « L'infirmier ou l'infirmière est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers. »

MISE EN PLACE

Critères de rédaction

• Une rédaction collégiale des protocoles est recommandée. La Société européenne de médecine de sapeurs-pompiers(2) préconise « un comité de rédaction associant notamment des médecins, des pharmaciens, des cadres de santé et des infirmiers ».

• Les protocoles doivent répondre aux critères de conformité réglementaire, de conformité aux conférences de consensus et de contexte d'urgence vitale avérée, potentielle ou analgésie (voir les exemples ci-contre).

Les gestes de secourisme ou relevant du rôle propre de l’IDE n'ont besoin juridiquement d’être encadrés ni par une prescription, ni par un protocole.

NB : ces critères sont non exhaustifs.

Selon le domaine de mise en œuvre, chaque protocole prévoit des dispositions particulières.

• Dans ses recommandations, la Société européenne de médecine de sapeurs-pompiers préconise que figurent notamment les modalités de surveillance du patient, les limites d’utilisation ou de mise en œuvre du protocole et les principes de transmission de l’information. Elle prône également la rédaction d’un compte rendu daté, signé et annexé au dossier du patient. L’article R4311-14 du CSP rend obligatoire ce compte rendu.

Évaluation des protocoles

L’évaluation des protocoles doit être régulière, dans le cadre de la démarche qualité des établissements publics.

Recommandations professionnelles

• Le Samu de France a décrit sa position dans un article publié le 4 décembre 2006 sur le rôle de l’infirmière dans l’aide médicale urgente hors présence médicale.

• La Société française de médecine d’urgence a publié en décembre 2011 des recommandations professionnelles pour l’IDE seule devant une situation de détresse médicale.

Atouts nécessaires

La mise en œuvre des soins et gestes définis par protocole nécessite :

– la maîtrise du secourisme et des gestes d’urgence,

– des compétences concernant les gestes techniques en urgence,

– une formation continue permettant de maintenir ces compétences.

Maintien des acquis

Pour maintenir une compétence, il est fréquemment demandé de suivre une formation continue qui valide et confirme la qualification de l’IDE pour l’action à mener. Ces points doivent être clairement stipulés. à la suite de ces validations et formations continues, est établie une liste d’IDE habilitées. Les journées de formation avec simulation permettent l’acquisition des gestes inhérents aux protocoles. Des ajouts y sont parfois faits à la suite de références, consensus et problèmes rencontrés.

En cas de mise en œuvre de protocoles infirmiers de soins d’urgence et d’antalgie (Pisua), ces formations per­mettent de limiter le stress lié à l’urgence vitale, en optimisant les automatismes et la gestuelle.

Dans la plupart des départements avec des ISP opérationnels, ceux-ci sont évalués annuellement via des simulations et des mises en situation pratique.Une liste d’aptitude opérationnelle est dressée par le médecin-chef départemental et soumise au directeur départemental des services d’incendie et de secours.

PLUS-VALUE

Pour conclure, les actes de secourisme sont à prioriser avant toute mise en place de protocoles de soins d’urgence. Ceux-ci permettent ensuite d’apporter une plus-value à l’action secouriste initiale, et de gagner un temps précieux dans la prise en charge de la victime en état critique.

Les protocoles de soins d’urgence représentent une action maîtrisée et connue permettant de stabiliser voire d’améliorer le devenir de la victime.

1- Voir la fiche sur « le traitement médicamenteux de la douleur » du Guide pour la mise en placed'un programme de lutte contre la douleur dans les établissements de santé, mai 2002 (bit.ly/QIPXhI).

2- Recommandations pour la rédaction et la mise en œuvre de protocoles de soins à destination de sapeurs-pompiers.

ZOOM SUR

→ Les spécificitésdes protocoles de soins d’urgence (PSU) pour sapeurs-pompiers

Les ISP (infirmiers sapeurs-pompiers) réalisent des secours d’urgence et participent à l’aide médicale urgente.

Selon la circulaire DSC/10/DC/00356 du 6 juillet 2000, « l’ISP est autorisé par le médecin-chef du Sdis [Service départemental d’incendie et de secours] à mettre en œuvre des gestes techniques définis par protocole ».

Le directeur départemental des services d’incendie etde secours (DDSIS) doit donner son accordsur le dispositif globaldes protocoles.

Le médecin-chef du Sdis ne peut autoriser l’application des Pisu hors de son département. Certains départements distinguent le sigle Pisu du terme de « procédure » quand cela ne concerne pas une thérapeutique (par exemple,une « procédure » de pose de cathéter intra-osseux).

Le médecin-chef du Sdis signe/valideun protocole/une procédure ; l’ensemble reste sous sa responsabilitéet celle du DDSIS.

REPÈRES

→ Les Pisua (pour protocolesinfirmiers des soins d’urgence et d’antalgie) décrivent les situations devant lesquelles l’infirmière décidera de mettre en œuvreun protocole en fonction de critères d’inclusion et d’exclusion.

→ Quelques exemples de Pisua

• Arrêt cardiaque d’un adulte,d’un enfant ou d’un nourrisson.

• Douleur.

• Hypoglycémie.

• Dyspnée expiratoire (asthme aigu grave).

• Douleur thoracique non traumatique d’un adulte.

• Réaction anaphylactique sévère d’un adulte, d’un enfantou d’un nourrisson.

• Antalgie pour adulte, enfantou nourrisson.

• Brulûres graves adulte et enfant.