Les infections urinaires - L'Infirmière Magazine n° 311 du 15/11/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 311 du 15/11/2012

 

DOSSIER

POINT SUR

NATHALIE BELIN*   DR GÉRALDINE PIGNOT**  

Les infections urinaires sont très fréquentes en médecine générale. Elles sont classées en deux grands groupes : les infections urinaires simples (sans facteur de risque de complication) et les infections urinaires compliquées.

LA PATHOLOGIE

Une infection urinaire correspond à une inflammation d’origine infectieuse des tissus des voies urinaires. Escherichia coli (d’origine fécale) est la bactérie la plus souvent isolée. La contamination se fait par voie ascendante (rarement par voie hématogène ou lymphatique). Les germes remontent le long de l’urètre et se multiplient dans la vessie : c’est la cystite. S’ils passent au niveau des uretères et contaminent le parenchyme rénal, on parle de pyélonéphrite.

→ On distingue 2 grands types d’infections urinaires :

– Les infections urinaires simples (cystite aiguë simple et pyélonéphrite aiguë simple) surviennent chez des patients qui ne présentent pas de facteurs de risque de complication de l’infection. La cystite aiguë de la femme adulte (plus de 15 ans), quel que soit son âge (mais sans comorbidité) est une cystite simple. C’est la forme d’infection urinaire la plus fréquente.

– Les infections urinaires compliquées (cystite aiguë compliquée et pyélonéphrite aiguë compliquée) surviennent chez des patients présentant au moins un facteur de risque de complication : diabète, immuno-dépression, insuffisance rénale, reflux vésical, grossesse… Chez l’homme, l’infection urinaire peut atteindre la glande prostatique et doit être considérée comme une prostatite (infection urinaire compliquée).

→ Les cystites récidivantes sont définies par la survenue d’au moins trois ou quatre épisodes de cystite par an, également lorsque le dernier épisode de cystite date de moins de 3 mois.

→ Des facteurs favorisent les infections urinaires : le sexe féminin (urètre court), toute stagnation ou gêne à la vidange de la vessie (miction incomplète, adénome de la prostate…), des mictions trop espacées, une hygiène intime excessive, certaines pathologies (anomalie de l’urètre), une constipation, des brides hyménales responsables de cystite post-coïtale, une atrophie vaginale de la femme ménopausée.

Signes cliniques

→ La cystite aiguë se manifeste par des brûlures à la miction, une pollakiurie (augmentation de la fréquence des mictions) et des mictions impérieuses. Il n’y a pas de fièvre ni de douleurs lombaires.

→ La pyélonéphrite aiguë est évoquée devant des signes de cystite associés à une fièvre, des frissons et, parfois, des douleurs lombaires. La prostatite se manifeste par des symptômes similaires.

→ Chez l’enfant, avant 2 ans, toute fièvre inexpliquée doit faire rechercher une infection urinaire et conduire à l’hospitalisation (l’infection urinaire est souvent une pyélonéphrite en lien avec un reflux vésico-urétéral).

→ Chez l’enfant plus grand, l’infection urinaire peut prendre la forme d’une cystite ou d’une pyélonéphrite. La cystite aiguë concerne surtout la petite fille de plus de 3 ans. Elle est favorisée par des troubles mictionnels (vidange incomplète…), une mauvaise hygiène ou une constipation.

Diagnostic

→ En cas de suspicion d’une cystite aiguë simple, une bandelette urinaire positive suffit à établir le diagnostic (leucocytes positif et/ou nitrites positif).

→ Dans toutes les autres situations (infection urinaire compliquée, prostatite, rechute d’une cystite simple ou persistance des symptômes malgré le traitement), un ECBU doit être effectué.

→ Des examens complémentaires sont réalisés en cas d’infection urinaire compliquée (échographie du rein et des voies urinaires, uroscanner…).

→ Chez la femme enceinte, les infections urinaires sont fréquentes, favorisées par les modifications anatomiques et hormonales. Un dépistage systématique est recommandé (voir infographie). En cas de positivité, un ECBU est réalisé.

LA PRISE EN CHARGE

Un prélèvement urinaire est réalisé avant toute antibiothérapie.

→ Pour une bandelette urinaire : il se fait sur le 2e jet d’urine, sans toilette périnéale préalable, dans un récipient propre (mais pas nécessairement stérile).

→ Pour un ECBU : il se fait sur le 2e jet d’urine dans un récipient stérile après une toilette soigneuse (gel nettoyant doux ou Dakin…) de la vulve ou du gland.

Le recueil peut également se faire par sondage urinaire (ou étui pénien) ou par ponction sus-pubienne.

→ Chez le petit enfant, le recueil des urines peut s’effectuer au moyen d’une poche stérile (type Urinocol), après désinfection au Dakin. À remplacer au bout d’une demi-heure en l’absence d’émission d’urine.

Traitement

→ Cystite aiguë simple : une antibiothérapie courte, en dose unique, constitue le traitement de première intention : fosfomycine-trométamol (Monuril, à prendre à 2 ou 3 heures de distance des repas). Une fluoroquinolone peut être proposée en deuxième intention, sur 3 jours (pour éviter les résistances bactériennes) ou en traitement monodose (Uniflox, Monoflocet…). La nitrofurantoïne est proposée en dernière intention, du fait de son rapport bénéfice/risque défavorable.

→ Cystite aiguë compliquée : l’antibiothérapie (céfixime ou une fluoroquinolone en traitement probabiliste pendant au moins 5 jours) est adaptée aux résultats de l’antibiogramme. Chez l’enfant, on utilise le cotrimoxazole (Bactrim) ou le céfixime (Oroken) pendant 3 à 5 jours.

→ Cystites récidivantes : outre la correction des facteurs favorisants, chaque épisode de cystite peut être traité comme une cystite simple. La mise en route d’une antibiothérapie préventive au long court est évaluée au cas par cas. Les compléments alimentaires à base de canneberge sont parfois proposés.

→ En cas de pyélonéphrite ou de prostatite, l’antibiothérapie (fluoroquinolone ou ceftriaxone injectable, Rocephine) est adaptée aux résultats de l’antibiogramme. Sa durée va de 10 à 14 jours, en cas de pyélonéphrite simple, à 21 jours ou plus, en cas de pyélonéphrite compliquée.

→ Chez la femme enceinte, une antibiothérapie adaptée aux résultats de l’antibiogramme est systématique, même en cas de bactériurie asymptomatique. Une hospitalisation initiale est recommandée en cas de pyélonéphrite.

Prévention

Les apports hydriques doivent être suffisants. Il faut que les mictions soient régulières et complètes, afin d’éviter la stagnation des urines (et la prolifération des bactéries). Il convient de lutter, également, contre la constipation.

On apprendra aux enfants à ne pas se retenir, aux petites filles à s’essuyer d’avant en arrière. Enfin, en cas de cystite post-coïtale, il faut recommander une miction après les rapports.

SOURCES UTILES

→ Association française d’urologie www.urofrance.org, onglet « Outils et recommandations ».

→ Société de pathologie infectieuse de langue française www.infectiologie.com, onglet « Documents ».

INFECTIONS URINAIRES NOSOCOMIALES

Chez le patient sondé

→ Elles sont très fréquentes chez le patient sondé. Dans cette situation, il faut distinguer la colonisation de la sonde d’une « véritable » infection urinaire. La colonisation de la sonde est fréquente, et même systématique en cas de sonde à demeure. L’antibiothérapie n’est pas recommandée, sauf cas particulier (patient immunodéprimé, en post-opératoire…). Une infection urinaire survenant rapidement après la pose d’une sonde vésicale doit faire suspecter une infection nosocomiale liée au geste médical. Dans cette situation, les souches bactériennes isolées sont souvent multirésistantes aux antibiotiques. Seuls les patients symptomatiques sont traités par antibiotique, adapté aux résultats de l’antibiogramme. Mesures de prévention : limitation de la durée du sondage vésical ; désinfection des mains avant et après chaque manipulation de la sonde ; mise en place de la sonde et du sac de recueil dans des conditions d'asepsie ; isolement géographique des patients sondés, infectés ou colonisés.