« Il faut être crédible aux yeux des soignants » - L'Infirmière Magazine n° 309 du 15/10/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 309 du 15/10/2012

 

INTERVIEW : CLAUDE RAMBAUD PRÉSIDENTE DU LIEN & VICE-PRESIDENTE DU CISS

DOSSIER

Le Lien est une association d’aide aux victimes d’infections nosocomiales et d’accidents médicaux. Claude Rambaud, sa présidente, est aussi vice-présidente du Ciss, le Collectif inter-associatif sur la santé, qui regroupe 38 associa-tions de malades et d’usagers de la santé.

L’INFIRMIERE MAGAZINE : Le rôle des associations de patients et d’usagers de la santé est aujourd’hui reconnu, y compris par la loi. Cette reconnaissance n’est-elle pas synonyme de nouvelles exigences ?

CLAUDE RAMBAUD : Si, bien sûr. Et la première d’entre elles c’est le besoin de formation. Les besoins sont énormes. Les associations en ont d’ailleurs largement pris conscience. Même si elles l’ont, pour le moment, développé de façon très inégale. Sur le plan individuel, c’est moins évident ! En un sens, c’est légitime : le sens de l’engagement associatif est propre à chacun. Concernant les associations de patients, notamment, certains y adhèrent avant tout pour rompre l’isolement, être entouré par des pairs… Reste que si l’on veut s’engager plus avant au sein d’une structure se positionnant comme acteur du monde de la santé, la formation est essentielle.

L’I. M. : Se former, oui. Mais, à quoi Et comment ?

C. R. : Le champ est vaste ! Reflet tout à la fois de l’hétérogénéité du monde associatif et du rôle qu’elles entendent jouer aujourd’hui. Un des critères de la capacité, pour une association, de s’engager dans la voie de la formation, est sa taille. Entre une grande association comme l’Association française des diabétiques – qui compte 130 000 membres, dont quelque 1 500 bénévoles permanents, 22 salariés, et a un budget de quatre millions d’euros – et une structure regroupant une poignée de malades bénévoles, les moyens ne sont pas les mêmes. Mais tout n’est pas question de moyens. La formation est aussi question de volonté associative, et il existe de petites structures où ce domaine est particulièrement développé… À chacune de s’interroger sur les missions qui sont les siennes.

L’I. M. : Justement, le champ potentiel d’action est vaste !

C. R. : Certes. Il existe, avant tout, des besoins en formation propre à chaque association, comme la formation à une maladie donnée, développée inégalement par les associations de patients. Elle permet aussi bien à chacun de vivre avec sa pathologie que d’organiser l’accompagnement entre pairs, et d’être un interlocuteur crédible pour les partenaires, les professionnels de santé et les instances publiques.

Des grandes tendances transversales font ressortir les besoins de formation. En tête aujourd’hui, le rôle de représentation des usagers confié aux associations. Siéger à l’hôpital, à la Commission de relation avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, au Clin, ou au conseil de surveillance, c’est, en effet, se retrouver assis à la même table que des « spécialistes » pas toujours prêts à écouter la voix des usagers. Et être plongé dans des thématiques très techniques. La plupart des membres associatifs siégeant comme représentants des usagers (RU) se sentent démunis. Afin d’y remédier, le Ciss a d’ailleurs été missionné par l’État pour organiser la formation des RU, et a mis en place une ligne téléphonique, « Santé Info Droits », pour répondre à leurs questions. Les grosses associations ont aussi engagé des formations en interne. Mais les besoins restent énormes, eu égard aux 12 000 RU qui siègent dans différentes instances !

L’I. M. : Quels sont les autres besoins prioritaires ?

C. R. : Tout d’abord, l’éducation ­thérapeutique, champ que les associations de patients ont particulièrement investi. La loi HPST a même inscrit dans le marbre leur rôle d’acteur en la matière. Association française des diabétiques (AFD), des hémophiles (AFH), associations de lutte contre le sida… Nombreuses sont celles qui ont développé des formations de patient-expert. C’est logique, la pair-aidance (1) ayant toujours existé. Mais les besoins de formations demeurent, d’autant que leur action en la matière reste chahutée par les professionnels de santé. Autre besoin : être formé au respect du secret professionnel – médical comme infirmier, au respect de la personne, de la vie privée… Sujet crucial pour toutes les associations engagées à l’hôpital. Et puis, être formé à l’écoute du patient, cela ne s’improvise pas. Travailler avec des soignants non plus. Il faut apprendre à se connaître.

L’I. M. : Peut-on parler de professionnalisation ?

C. R. : L’idée n’est pas de se faire plus techniciens que les techniciens. C’est même un risque. Mais bien de se donner les moyens d’être crédible aux yeux de ses partenaires.

1– Principe selon lequel des anciens usagers de santé mentale peuvent améliorer la prise en charge en psychiatrie moyennant une formation adaptée.