À la chasse aux allergènes - L'Infirmière Magazine n° 308 du 01/10/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 308 du 01/10/2012

 

SUR LE TERRAIN

RENCONTRE AVEC

C’est un métier plutôt nouveau qu’exerce Régine Valéro. Cette infirmière est conseillère médicale en environnement intérieur (CMEI). Sa mission : repérer tous les allergènes cachés dans le logement des patients.

Elle ne porte ni blouse blanche, ni combinaison, ni masque de protection. Régine Valéro ne ressemble pas à un agent de la brigade scientifique des séries américaines, ni à un « nettoyeur » de Tchernobyl ! « C’est un peu l’image que les gens ont des CMEI », reconnaît-elle. « En réalité, je suis simplement équipée d’un carnet et d’un questionnaire quand je me rends au domicile des patients ! » Ce jour-là, elle se déplace chez une patiente qui habite Nantes, dans un pavillon. Cette dame souffre d’allergies et d’asthme. Si elle a accepté la visite d’une CMEI, c’est que ses crises ont lieu plus fréquemment dans sa maison qu’ailleurs. Elle reçoit donc Régine Valéro dans l’espoir de trouver des solutions pour améliorer son habitat. L’infirmière commence par un long questionnaire, sur son quotidien, ses habitudes et son mode de vie. Aère-t-elle bien son logement ? Quand ? Combien de temps ? À quel moment surviennent les crises ? A-t-elle récemment refait une peinture, un enduit ? Il est important d’en savoir le maximum. Car, parfois, le problème peut sournoisement se cacher dans un détail. Par exemple, est-ce que les fenêtres donnent sur des variétés d’arbres aux pollens agressifs ? « Je n’interviens que sur prescription médicale, effectuée soit par l’allergologue, soit par le médecin traitant. Et nous demandons, mais ce n’est pas obligatoire, que la personne ait fait un bilan allergologique, explique l’infirmière. Je me considère comme “un outil supplémentaire” pour les soignants. Et le patient peut refuser cette intervention. » L’infirmière et la patiente visitent la maison pièce par pièce. « Nous pénétrons dans l’intimité des gens, admet Régine Valéro, on entre dans les chambres, on soulève les draps…, donc il faut que les personnes m’acceptent vraiment et qu’elles comprennent que je viens pour essayer d’améliorer leur qualité de vie et leur santé. » La conseillère médicale inspecte le moindre petit recoin. Tapis, moquettes, plantes… Tout est noté, afin d’établir un rapport, qui sera remis au médecin traitant.

Cardiologie, rythmologie, pneumologie

Régine Valéro n’exerce que depuis quelques mois. Elle a commencé sa carrière comme agent de service hospitalier. « J’attendais de passer aide-soignante grâce à la promotion professionnelle. Cela tardait ! Alors, j’ai décidé de m’inscrire au concours d’entrée de l’école d’infirmières », raconte-t-elle. Diplômée en 1995, elle débute au CHU de Nantes, en soins intensifs de cardiologie, avant d’opter pour le service de nuit, dans un service de rythmologie. Mais, elle souhaite retrouver un emploi du temps plus en rapport avec la vie familiale, et se porte candidate à un poste en recherche génétique en cardiologie. Elle reprend des études pour obtenir son diplôme universitaire d’assistante de recherche clinique. « Et, après sept années, je suis passée en pneumologie, en 2009 ! », continue-t-elle. L’Institut du thorax lui propose, en plus du poste d’assistante de recherche, un mi-temps en CMEI. « Comme je ne savais pas ce que c’était, j’ai demandé à réfléchir », reprend-elle. Une visite à Strasbourg, avec Martine Ott, la CMEI en charge de la formation dans cette ville, l’a convaincue. « J’ai compris ce que cela pouvait apporter aux gens, et j’ai accepté le poste ! », dit-elle. C’est un métier très récent, Régine Valéro a suivi la cinquième promo. Une douzaine de personnes sont formées chaque année, et, aujourd’hui, 120 ont obtenu le diplôme. « Mais seulement une quarantaine exercent cette spécialité », précise-t-elle. Car les fonds manquent. Et les services doivent trouver les financements eux-mêmes.

Le poste de Régine Valéro, le seul pour toute la région des Pays de la Loire, est pris en charge conjointement par l’Agence régionale de santé (ARS) et le ministère de l’Environnement. « L’ARS nous finance à hauteur de 90 visites. Mais ce financement n’est pas pérenne. Une étude aura lieu fin 2012, et l’expérience, initiée par Jean-Louis Borloo lors du Grenelle de l’environnement, pourrait s’arrêter si elle n’est pas jugée satisfaisante », explique-t-elle. Diminution des hospitalisations, des arrêts de travail, des prescriptions de médicaments… C’est évidemment sur ces critères économiques que la décision se jouera. Pourtant, par rapport à ses voisins européens, Belgique, Luxembourg, la France accuse un retard en terme de « chasse à la pollution intérieure » ! Tout peut être à l’origine d’une allergie. « Je me suis rendue chez une patiente, dans une jolie maison donnant sur un marais. Aucun souci dans l’habitation. Mais, le point d’eau… Elle était allergique à l’Aspergillus… Bingo ! Et elle n’avait jamais pensé à le dire à son allergologue ! », expose l’infirmière. Les CMEI évaluent toutes les sources d’allergènes : les animaux domestiques, les plantes vertes, les acariens ou encore les moisissures. « Nous vérifions les ventilations, les systèmes de chauffage », précise-t-elle. Elles cherchent aussi les polluants chimiques : les COV (composés organiques volatils). « Autre cas, celui d’un monsieur asthmatique qui refusait de me recevoir car, pour lui, tout était en ordre dans la maison ! Il m’a appelée après avoir lu un article sur notre profession… Effectivement, rien à signaler dans la maison. Sauf que ce retraité passait son temps dans un cagibi, à trier ses photos sur un ordinateur. Et ce local servait aussi à stocker des produits de bricolage ! Le taux de formadéhyde y était très élevé !, raconte Régine Valéro. Cette substance est l’un des polluants les plus présents dans l’air intérieur. Elle est utilisée pour les produits en bois, comme liant, et présente dans les colles, les peintures, les vernis. Après modification dans le stockage, le monsieur allait nettement mieux ! » Les conseils sont adaptés à la personne, à son milieu social, à sa culture. Pas question, par exemple, de demander à une famille maghrébine de retirer tous les tapis qui recouvrent le sol. Si une autre n’a pas les moyens d’acquérir un nouveau matelas, peut-être qu’un changement de chambre suffira. Il faut s’adapter, et faire passer des messages simples. « Mettre en garde de futurs parents qui refont la peinture de la chambre de bébé, qui l’aménagent avec du mobilier neuf… Ils introduisent ainsi des produits chargés en composés organiques volatils, et augmentent le risque d’allergie de leur enfant », explique l’infirmière. En France, la pollution de l’air intérieur a fait l’objet de multiples études, mais ce problème de santé publique n’est pas encore suffisemment pris en compte. Quant à la population, elle s’imagine souvent que la pollution n’est qu’extérieure ! Mais l’exposition aux produits volatils, huiles essentielles ou autres désodorisants entraîne de nombreux désagréments : irritations des yeux, du nez, toux, larmoiements… et allergies. Assainir la maison, c’est, d’abord, l’aérer quotidiennement ! « Et, évidemment, le tabac reste l’ennemi », insiste l’infirmière. Régine Valéro n’est pas là pour changer le mode de vie de ses patients : « Ils suivent mes conseils, ou pas. Je leur dis : “vous continuerez peut-être comme avant, mais vous saurez que ce n’est pas bon pour vous !” »

MOMENTS CLÉS

1981 Entre à l’hôpital public comme agent de service.

1991 Entre en IFSI.

1995 Obtient son diplôme. Elle intègre le service des soins intensifs, en cardiologie, au CHU de Nantes.

1999 à 2002 Cardiologie de nuit dans un service de rythmologie.

2004 DU d’assistante de recherche clinique à Paris (hôpital Saint-Antoine).

2003 à 2008 Assistante de recherche clinique en cardiologie.

2009 Assistante de recherche clinique en pneumologie à l’Institut du thorax, CHU de Nantes.

2011 DU de CMEI.

Allergies et environnement

→ Formation CMEI complémentaire d’une formation initiale : infirmières, mais aussi d’autres professions paramédicales, puéricultrices, déléguées médicales, techniciennes de laboratoire…

→ Prérequis : Bac + 2, Bac + 3 dans le domaine médical ou social.

→ Durée : quatre semaines de formation non consécutives + deux semaines de travaux pratiques.

→ Lieu : CHU de Strasbourg, sous la responsabilité de M. Frédéric de Blay, professeur à la faculté de médecine, et Mme Martine Ott, conseillère en environnement intérieur.

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