Harcèlement harcelé ! - L'Infirmière Magazine n° 301 du 15/05/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 301 du 15/05/2012

 

ÉDITORIAL

L’élection du second président socialiste de la 5e République a suscité de la joie dans les rangs de la gauche, mais nous étions loin de la liesse engendrée par celle de son prédécesseur, en mai 1981. Trop de triomphalisme de la part des gagnants de ce scrutin aurait été déplacé au regard de l’ampleur de la tâche qui attend le nouveau gouvernement. Parmi les chantiers urgents, il en est un, à inscrire au premier rang des priorités, qui a surgi de manière impromptue entre les deux tours de scrutin : combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel abrogeant purement et simplement la loi de 1992 sur le harcèlement sexuel. Ce n’est pas le motif en soi qui choque, une formulation trop floue du délit au regard des principes constitutionnels, mais l’application immédiate de cette décision. L’AFTV (Association européenne contre les violences faites aux femmes) avait elle-même demandé l’abrogation du texte, mais de manière différée. Rayer le harcèlement moral du Code pénal est tout simplement un affront fait aux femmes, en particulier à celles qui ont eu le courage de saisir la justice. On sait à quel point la démarche est difficile, le sentiment de honte qui s’empare bien souvent des victimes. Voir, du jour au lendemain, des poursuites classées sans suite et son agresseur présumé absous est insupportable. Et, en attendant une nouvelle loi, qui, par principe, ne sera pas rétroactive, les harceleurs peuvent fanfaronner sans retenue… La chancellerie conseille, certes, de privilégier les poursuites sous d’autres qualifications. Il n’empêche, cette décision sonne comme un message d’impunité alors qu’elle avait vocation à éviter l’arbitraire. Si, dans le Code du travail, le harcèlement sexuel est toujours défini (pas plus précisément) et interdit – pour combien de temps ? – qui oserait désormais s’en prévaloir ? D’autant que, le 10 mai dernier, on apprenait que le tribunal correctionnel d’Épinal avait accepté de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant… le harcèlement moral, pour les même motifs. La jurisprudence a pourtant permis d’en préciser les contours ! Inquiétant…