Une formation coupée en deux pour la Suisse - L'Infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012

 

INTERNATIONAL

Depuis 2006, toutes les infirmières de Suisse romande reçoivent un diplôme de niveau bachelor, ce qui n’est pas le cas côté Suisse alémanique, où 80 à 90 % des diplômées n’obtiennent qu’une catégorie B. Les choses pourraient changer. Mais pas forcément dans le bon sens…

A l’automne 2012, une école supérieure devrait ouvrir ses portes dans le canton de Berne, du côté francophone de la Suisse. Ce qui fait craindre un « retour en arrière » pour bon nombre de professeurs enseignant en Suisse romande ainsi que pour le président de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI), Pierre Théraulaz. En effet, depuis 2006, toute la partie francophone de la Suisse a basculé : il n’existe désormais, sur ce territoire, que des hautes écoles spécialisées (six au total) formant à un niveau bachelor (l’équivalent de notre licence), permettant aux étudiants de poursuivre, s’ils le souhaitent, en master, puis en doctorat.

Mais, côté Suisse alémanique, la grande majorité des infirmiers étudient au sein des écoles supérieures qui les préparent en trois ans à un diplôme de catégorie B, ne leur ouvrant pas les portes de la recherche et des années d’études à l’université. Quelques grandes villes telles que Bâle, Berne ou Lucerne disposent de hautes écoles spécialisées (Bâle fut même la première, il y a douze ans), mais celles-ci ne forment aujourd’hui que 10 à 20 % des infirmiers en Suisse alémanique.

« La Suisse romande ne représentant que 6 cantons sur les 26 que compte le pays, nous devons nous battre pour conserver cette situation », explique Anne-Claude Allin, professeur en soins infirmiers à la haute école de la santé La Source à Lausanne. La doyenne de la formation y voit deux raisons principales : « Du point de vue de la formation, le niveau bachelor offre une vraie filière académique très attractive. Depuis 2006, nous avons connu une très forte augmentation du nombre d’étudiants en soins infirmiers, de l’ordre de 40 %. » Un point important à relever alors que la Suisse doit toujours faire face à une pénurie d’infirmiers. L’autre raison de défendre le niveau bachelor concerne, pour Anne-Claude Allin, le bénéfice que peuvent en tirer les patients : « De nombreuses recherches menées en Amérique du Nord ont démontré que le niveau de formation a un impact sur la morbidité et la mortalité des patients. » Cette analyse est partagée par Pierre Théraulaz : « Les infirmiers sortant des écoles supérieures sont de bons praticiens, mais ceux ayant un bachelor ont une meilleure capacité d’analyse face à des situations complexes. Avec le raccourcissement des durées de séjour, les infirmières doivent de plus en plus savoir réagir vite. » Alors, pourquoi réintroduire des écoles supérieures en Suisse romande ?

« Certains employeurs font pression, ils aimeraient qu’il existe des différences de salaires en fonction de la formation », explique Pierre Théraulaz. Pour l’instant, les différences de rémunération n’existent pas, le salaire étant déterminé en fonction des responsabilités et du poste occupé. L’ASI tente de faire du lobbying auprès des politiques mais, comme le reconnaît son président, « c’est un domaine où il n’est pas facile d’agir avec un pouvoir qui se décline à la fois au niveau fédéral et au niveau cantonal ». L’association parvient cependant à agir pour faire évoluer la profession infirmière dans le bon sens. Si elle est adoptée, une loi actuellement en cours de discussion dans les chambres fédérales suisses donnerait aux infirmiers le droit de prescription dans plusieurs cas tels que la prévention en santé publique, la prévention des risques secondaires, et certains soins de base.

Contact : Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) – www.sbk-asi.ch

« Côté pratique, je ne crois pas qu’il y ait de grosses différences avec la France. Je pense que, peut-être,nous avons, en Suisse, une vision plus globale, alors que les Françaises sont de grandes techniciennes. En France, je pense qu’il n’est pas rare de voir une infirmière faire toutes les injections les unes à la suite des autres, et une autre, toutes les prises de sang… En Suisse, l’infirmière s’occupe d’un certain nombre de patients auprès de qui elle effectue tous les actes. » Caroline Trautz, infirmière responsable de l’unité ambulatoire de jour à l’ensemble hospitalier de la Côte, à Morges

EN BREF

→ 7,568 millions d’habitants

→ Capitale : Berne

→ Nombre d’infirmiers diplômés en 2010 : 604 au niveau bachelor (dont 402 pour la seule Suisse romande) et 1 337 en écoles supérieures (en Suisse allemande et italienne)

→ Espérance de vie (h/f) : 80/84 ans

→ Quotient de mortalité infanto-juvénile : 4 (pour 1 000 naissances vivantes)

→ Dépenses totales consacrées à la santé (en 2009) : 11,3 % du PIB

(Sources : OMS et ASI)