Polynésie française, un « bout » de France si différent - L'Infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012

 

INTERNATIONAL

La Polynésie présente bien des spécificités sur le plan de la pratique infirmière comparé à la métropole. Spécificités qu’elle doit aussi bien à sa géographie qu’à son statut particulier. Elle est en effet l’une des deux seules collectivités d’outre-mer à détenir des compétences exclusives en matière de santé.

La Polynésie française, ce sont cinq archipels composés de 118 îles au total recouvrant un espace océanique aussi grand que l’Europe. Certaines îles sont distantes de plus de 1 500 km de Papeete, qui est le centre administratif et sanitaire.

C’est sur l’une d’elles, l’île de Rapa, à l’extrême Sud, que Michael Lebailly a exercé (cet infirmier diplômé en métropole a travaillé en Polynésie de mars 2007 à août 2011). « L’île de Rapa compte environ un millier d’habitants, mais sa population est multipliée par dix l’été, quand les jeunes qui étudient souvent à Tahiti ou à Moorea, reviennent, raconte ce Toulousain d’origine. L’éloignement de cette île est tel qu’il n’y a qu’un seul bateau tous les trois mois pour la relier au reste de l’archipel. Il faut une semaine de bateau pour atteindre Tahiti. Et, bien sûr, il n’y a pas d’aéroport. »

Michael était le seul infirmier dans ce poste de santé : « J’y ai travaillé dans des conditions extrêmes avec un niveau d’autonomie très élevé. Bien sûr, en cas de besoin, je contactais par téléphone les médecins, et en cas d’urgence, je faisais appel au dispositif d’évacuation sanitaire, mais l’hélicoptère Super Puma pouvait mettre trois jours à arriver en raison des escales nécessaires pour les changements de pilote et le ravitaillement… »

Pour exercer, Michael Lebailly a passé le concours de fonctionnaire d’État organisé par le Haut Commissariat de la République de Polynésie. « Au départ, j’avais passé le concours de fonctionnaire public territorial, mais la fonction publique d’État de Polynésie est un statut plus avantageux, sur le plan financier notamment », souligne l’infirmier, qui ne cache pas que travailler en poste isolé dans les îles est pécuniairement très intéressant. L’homme a aussi exercé pendant un an et demi à l’hôpital de Moorea, au service des urgences. Il a par ailleurs enseigné (dans le cadre du module infirmier en poste isolé) à l’Institut de formation des professions de santé Mathilde-Frébault de Papeete, qui est l’unique Ifsi de Polynésie. « Nous y enseignons le même programme qu’en métropole. Nous avons adopté le nouveau réferentiel version LMD depuis la rentrée 2010 », indique Tam Nguyen, directeur des soins chargé de la direction de cet institut. Quelques petits ajustements dus au contexte local existent tels que l’option tahitien comme langue étrangère ou l’accent mis sur les pathologies prévalentes du pays (obésité, diabète, hyperuricémie, hyperlipidémie, tuberculose…) dans le cadre du module de santé publique. « Le stage de fin de deuxième année de six semaines est obligatoirement effectué en poste isolé sans la présence d’un médecin », ajoute Tam Nguyen. Sur la vingtaine d’étudiants infirmiers qui décrochent chaque année leur diplôme d’État, la moitié environ travaillent dans des établissements de soins importants tandis que les autres sont dispatchés dans des établissements situés dans les îles périphériques (hôpitaux locaux, centres médicaux, postes de secours…). Les étudiants recevant une « bourse de pays » s’engagent à exercer pendant trois ans au minimum dans les archipels éloignés, qui relèvent du seul secteur public (le secteur privé se limite essentiellement à Tahiti, où se concentrent trois cliniques et la grande majorité des praticiens libéraux).

Bien que pays d’outre-mer, la Polynésie présente bien des particularités quant à l’organisation de son système de santé. En effet, si l’État français détient une compétence générale de santé dans la plupart des collectivités d’outre-mer, ce n’est pas le cas de la Polynésie (ni, d’ailleurs, de la Nouvelle-Calédonie), qui possède des pouvoirs propres depuis 1957. Elle a, par exemple, l’entière compétence pour définir une politique de santé, organiser, gérer, contrôler le système de santé et définir les modalités de financement de cette organisation.

« Ce qui m’a beaucoup plu dans mon expérience polynésienne, c’est la considération dont vous faites l’objet en tant qu’infirmier. En poste isolé, les gens ont pour vous une reconnaissance à vie, que vous ayez posé un simple pansement ou réalisé un accouchement. Ils vous invitent chez eux, vous propose de les accompagner à la pêche pour vous remercier. Forcément, avec une telle considération, vous vous investissez beaucoup, des liens affectifs forts peuvent se créer. De retour en métropole, ce qui me choque, c’est le manque de valorisation des infirmiers. Il ne faut pas outrepasser son rôle, et je dois dire que j’ai un peu de mal à trouver ma place après avoir exercé seul et avec autant d’autonomie. Je réfléchis sérieusement à repartir en outre-mer. » Michael Lebailly, infirmier de métropole ayant exercé 4 ans en Polynésie française

EN BREF

→ 267 913 habitants Capitale administrative : Papeete

→ 1 240 infirmiers (au 1er juin 2009)

→ Espérance de vie (h/f) : 73/76,9 ans (en 2006)

→ Quotient de mortalité infantile : 6,9 (pour 1 000 naissances vivantes)

→ Dépenses totales consacrées à la santé (en 2009) : 13,5 % du PIB

(Sources : Institut de la statistique de la Polynésie française et Direction de la santé)