Au Canada, une reconnaissance affirmée - L'Infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012

 

INTERNATIONAL

Connu pour son avance par rapport à la France concernant l’universitarisation des études infirmières, le Canada a la chance de voir les sciences infirmières considérées comme une discipline à part entière.

Au Canada, c’est simple, on peut “parler infirmier’’. On peut parler des analyses de situation avec des mots infirmiers, les directeurs de soins sont convaincus de la discipline infirmière… Alors qu’en France, il vaut mieux ne pas dire que l’on a un doctorat en sciences infirmières… » Infirmier de nationalité française, Philippe Delmas a obtenu un doctorat à l’université de Montréal en 2002. Cette université fut la première au monde à proposer un tel diplôme en langue française. « Contrairement à la France, où de nombreux médecins interviennent dans les Ifsi, au Canada, tous les cours sont assurés par des infirmiers. Il n’existe pas cette autorité médicale qui domine la profession infirmière », assure Philippe Delmas. Une opinion que partage Dave Holmes, infirmier canadien professeur titulaire de la faculté des sciences de la santé à l’université d’Ottawa : « Chez nous, cela fait des années que les sciences infirmières sont sorties de la « jupette’’ de la tutelle médicale ! Si vous prenez par exemple l’université de Toronto, une soixantaine d’étudiants y préparent un doctorat en sciences infirmières. Pensez-vous qu’ils vont accepter d’être colonisés par la faculté de médecine ? Jamais ! » Ce professeur canadien, qui s’est rendu plusieurs fois en France, estime cependant que le Canada n’a aucune leçon à donner à notre pays, que ce soit concernant les pratiques infirmières ou les conditions d’exercice : « J’ai vu d’excellentes pratiques chez les infirmières françaises. La qualité des soins me semble équivalente entre nos deux pays. La seule différence que je soulève, c’est cette impression que j’ai de voir les infirmières françaises travailler sous l’autorité du corps médical. Ici, on ne sent pas du tout cela. Elles travaillent en collaboration avec les médecins. Les sciences infirmières sont perçues comme les égales des sciences médicales. » Précisons néanmoins que si les études infirmières sont ancrées depuis de nombreuses années dans le cursus universitaire, seuls 1 à 2 % des infirmiers canadiens possèdent un doctorat.

Du côté de la pratique, ce qui a marqué Ludovic Tripault, aujourd’hui cadre paramédical de pôle à l’Hôpital européen Georges-Pompidou ayant exercé cinq ans à Montréal, c’est, avant tout, « la grande rigueur dans la traçabilité de l’information et des traitements délivrés ». À l’hôpital Santa Cabrini, puis à Sainte-Justine (pédiatrie), il se souvient qu’il devait « absolument tout noter, qu’on prenait tel flacon, telle quantité de produit, qu’entre les deux, on a rincé avec tel sérum physiologique, en telle quantité, etc. Je passais beaucoup de temps à écrire ».

Si Ludovic Tripault garde un très bon souvenir de son expérience outre-atlantique, l’infirmier tient aussi à souligner qu’exercer au Canada n’est pas toujours l’eldorado que l’on imagine : « C’est une destination qui attire beaucoup les infirmiers français, mais il faut savoir que l’organisation du travail est complètement différente. Il y a beaucoup de temps partiel imposé, moins de congés et peu de souplesse pour les poser. Enfin il n’y a pas de différence de rémunération : c’est aussi mal payé ! » Petite précision : Québec, les infirmiers ont des salaires nettement inférieurs à ceux des soignants du reste du Canada (la différence de salaire atteint, en moyenne, 10 à 15 000 dollars par an).

Contacts : Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) – www.cna-aiic.ca ; Ordre des infirmières et infirmiers du Québec – www.oiiq.org/

« Québec se distingue des autres provinces canadiennes : elle est la seule à ne pas faire partie de l’association des infirmières et infirmiers du Canada. Du côté de la formation, Québec accuse encore un certain retard, car il existe toujours deux portes d’entrée possibles de niveau différent à la profession infirmière, le niveau collégial et le niveau universitaire, mais cette distinction devrait bientôt disparaître. » Dave Holmes, professeur titulaire de la faculté des sciences de la santé à l’université d’Ottawa

EN BREF

→ 3,573 millions d’habitants

→ Capitale : Ottawa

→ Espérance de vie (h/f) : 79/ 83 ans

→ Quotient de mortalité infanto-juvénile : 6 (pour 1 000 naissances vivantes)

→ Dépenses totales consacrées à la santé (en 2009) : 10,9 % du PIB

(Source : OMS)