UN PLAN CONTROVERSÉ | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 297 du 15/03/2012

 

PSYCHIATRIE

ACTUALITÉ

« Poudre aux yeux », « catalogue de bonnes intentions »… Le second plan Psychiatrie et santé mentale fait l’unanimité contre lui parmi les professionnels du secteur.

Promis depuis plusieurs mois, le second plan Psychiatrie et santé mentale (PPSM) du gouvernement a été présenté le 29 février dernier à l’Assemblée nationale par la Secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra. Censé « prévenir les ruptures dans les parcours de vie des personnes concernées, quel que soit leur lieu de vie, y compris celles en grande précarité ou en milieu pénitentiaire », ce nouveau PPSM, organisé en quatre axes (Prévenir et réduire les ruptures au cours de la vie de la personne ; Prévenir et réduire les ruptures selon les publics et les territoires ; Prévenir et réduire les ruptures entre la psychiatrie et son environnement sociétal ; Prévenir et réduire les ruptures entre les savoirs), était annoncé, dès ses prémices, comme un « plan resserré ». Mais resserré sur quoi ? À part le fait qu’il soit relativement court (41 pages), les professionnels de la psychiatrie le qualifient plutôt d’imprécis.

Risque de stigmatisation

Parmi les nouveautés, le rôle central donné aux ARS pour organiser la mise en place d’actions adaptées à leur territoire et à leur population est un des éléments qui inquiètent le plus. Présidente de la CME du centre hospitalier de Montperrin (Bouches-du-Rhône), Monique d’Amore parle d’« un plan flou, ne pouvant pas être repris partout de manière égalitaire par des régions qui ne feront que ce qu’elles peuvent », et appelle de ses vœux la promulgation d’une grande loi de santé mentale. Le SPH (Syndicat des psychiatres des hôpitaux), dont elle est membre, dénonce par ailleurs une « stigmatisation des personnes » par un texte ciblé sur « le caractère invalidant des maladies mentales ». Autre inquiétude du SPH : la disparition d’une réelle organisation par secteurs, ceux-ci devenant de simples outils « au service d’un territoire, alors que rien n’est mis en place pour définir ce territoire ».

« Norme économique »

Président du Casp (Comité d’action syndical de la psychiatrie), le Dr Alain Vaissermann insiste : « On ne parle presque plus de secteurs, sauf pour en souligner les insuffisances. Or, un secteur est constitué sur une base de 70 000 à 100 000 habitants, à un échelon de proximité humaine. » Le psychiatre déplore également l’encouragement à la création d’établissements mixtes, médicaux et psychiatriques, sans budget séparé, « la tentation risquant d’être grande, pour les décideurs, d’acheter des nouvelles machines plutôt que d’embaucher suffisamment de personnel spécialisé », et qualifie ce second PPSM de simple « catalogue de bonnes intentions ».

Le son de cloche est nettement plus virulent à l’USP (Union syndicale de la psychiatrie), dont le président, Olivier Labouret, dénonce une transformation de la psychiatrie française en une stratégie de prévention médicamenteuse : « Le pouvoir cherche avant tout à renforcer la norme économique, à contrôler les populations considérées comme déviantes », assène l’auteur du livre Le nouvel ordre psychiatrique. Une critique qui peut sembler un peu extrême à la lecture de ce plan essentiellement axé sur la vie des patients dans son ensemble. Développement d’alternatives à l’hospitalisation à temps plein, création de services d’accompagnement médico-sociaux, lutte contre les images négatives véhiculées par la psychiatrie sont quelques-uns des axes forts développés dans ce document, dont l’objectif déclaré est d’« améliorer les réponses qu’apporte le système de santé aux troubles mentaux ». Afin d’améliorer la qualité de vie des malades, il est notamment question de favoriser leur accès à l’emploi, et à un logement indépendant. Des mesures qui devront être « adaptées à la spécificité des personnes atteintes de troubles mentaux, en regard de la compensation de leur handicap et de leurs besoins de soins ».

Absence de financements

Au-delà de l’intensité plus ou moins marquée de leurs critiques, les professionnels de la psychiatrie s’accordent cependant tous pour pointer une lacune majeure de ce PPSM : l’absence totale de financements, alors que le premier plan santé mentale 2005-2008 avait engagé 475 millions d’euros de crédits en fonctionnement, et 750 millions de crédits en investissement. En décembre dernier, la Cour des comptes dénonçait pourtant déjà l’insuffisance de moyens accordés au premier plan santé mentale, évoquant « des résultats médiocres, en raison de l’insuffisance des moyens financiers, de la défaillance du pilotage, et du défaut d’un portage suffisamment fort ». Que dire, alors, d’un nouveau PPSM sans financements aucuns !

Et les infirmières ?

Quant aux deux seules mentions explicites du rôle des infirmières, elles concernent « l’évaluation de l’impact de la nouvelle formation initiale » et « le développement des pratiques infirmières avancées ». À peine six lignes, en tout et pour tout. « La formation est devenue plus globale, plus transversale », explique Laure Burger (formatrice dans le domaine sanitaire et social), interrogée sur le sujet, « mais certains craignent qu’elle se soit un peu trop éloignée du terrain ». Une peur qui s’explique, selon Florence Rebuel, cadre de santé en psychiatrie à Maison Blanche (Paris) par la diminution du nombre de stages sur la durée des études. Une modification qui limite la variété des services découverts, dont ceux liés à la psychiatrie. C’est probablement la raison pour laquelle le PPSM évoque la nécessité de s’intéresser à l’impact de la nouvelle organisation de la formation infirmière sur « la qualité des soins et le confort des professionnels en début de carrière ». Pour ce qui est des pratiques avancées, les deux cadres s’accordent sur le fait que celles-ci font partie d’une évolution nécessaire de la profession. Reste le volet DPC (développement professionnel continu), souvent évoqué dans le document, et dont les décrets d’application ont été signés fin 2011. Pour Laure Burger, une dynamique est lancée qui pourrait « rendre possible la création de formations pluridisciplinaires favorables à une meilleure collaboration entre les différentes professions du sanitaire et social », collaboration particulièrement pertinente en psychiatrie.