« On attend plus des IDE » - L'Infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012

 

INTERVIEW JEAN-RENÉ LEDOYEN, ROLAND OLLIVIER ET RICHARD ROUXEL RESPONSABLES DE LA FORMATION DES DIRECTEURS DE SOINS À L’ECOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SANTÉ PUBLIQUE (EHESP), DIRECTEUR DE L’INSTITUT DU MANAGEMENT (IDM) ET ENSEIGNANT À L’IDM

DOSSIER

Piloter des projets et des équipes, fixer des objectifs puis évaluer les actions : le nouveau management s’inspire des méthodes du secteur privé. Le point, avec trois spécialistes du leadership hospitalier, sur les nouveaux modes de gestion et leurs implications pour les infirmières.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : De quelle manière l’IDM s’implique-t-il dans la formation ?

RICHARD ROUXEL : Nous n’accueillons pas spécifiquement des cadres de santé (formés en IFCS), mais des directeurs d’hôpital, des directeurs de soins… L’EHESP est toutefois associée à la réflexion sur la formation des cadres de santé lancée par le ministère. Nous sommes aussi impliqués dans la formation des chefs de pôle. En 2012, nous devrions ouvrir un diplôme d’établissement destiné aux chefs de pôle et à leurs collaborateurs cadres.

L’I. M. : Quel rôle pour les infirmières ?

R. R. : Nous n’avons de cesse de parler des infirmières, le métier pivot à l’hôpital, aux professionnels que nous formons. Désormais, elles relèvent de la catégorie A, ce qui identifie clairement leur place dans l’institution et dans les pôles. Cette reconnaissance les place à un niveau de « cadres non encadrants ». Les directeurs changent de regard sur leur métier. Elles sont des collaboratrices de l’encadrement médical et soignant. On attend d’elles beaucoup plus.

JEAN-RENÉ LEDOYEN : Certes, on ne peut pas tout demander aux IDE. Mais, dans un contexte où le séjour à l’hôpital se raccourcit, elles pourraient être plus impliquées dans la coordination du parcours du patient. Il est essentiel que, dès l’hospitalisation d’un patient, les IDE se préoccupent de l’organisation de la sortie. Cela n’est pas obligatoirelment lié à la nouvelle gouvernance, mais au contexte économique, au vieillissement de la population… L’intérêt de la structuration par pôles, c’est justement de contribuer à une meilleure articulation des parcours du patient, ce qui peut être le cas dans un pôle qui intègre urgences, services de médecine et soins de suite. La gouvernance a du sens si l’organisation polaire est bien structurée par rapport à la prise en charge du patient et si une bonne articulation des organisations existe.

ROLAND OLLIVIER : Nous sommes passés à une deuxième génération de pôles. La réflexion a progressé sur leur apport en termes de cohérence de prise en charge et/ou de lien avec la recherche. Les IDE peuvent y bénéficier d’un gain d’exercice, avec la diffusion par capillarité des meilleures prises en charge d’un service à l’autre.

L’I. M. : Certaines infirmières ne sauraient pas encore dans quel pôle elles travaillent…

J.-R. L. : Il ne faut pas être caricatural. Les choses ont beaucoup évolué. Les établissements ont en majorité quatre ou cinq ans de recul sur l’organisation des pôles et la préoccupation d’une communication interne. Le service représente l’unité de travail de base, l’unité de production, là où se gère le quotidien et où se réinterroge plus facilement l’organisation, tandis que le pôle s’inscrit dans une démarche de coordination. Les professionnels apprécient souvent de pouvoir s’identifier à un secteur d’activité. Par exemple, la gériatrie peut être plus valorisée dans une organisation polaire [que dans un service de personnes âgées], avec une dimension disciplinaire.

L’I. M. : En théorie, la mobilité du personnel est favorisée dans les pôles. Elle peut aussi être subie…

J.-R. L. : L’hôpital n’est pas un monde où l’on fait ce que l’on veut ! Avec les évolutions, les besoins en ressources bougent. Pour autant, la mobilité doit être préparée. Cette démarche est structurée dans la plupart des établissements. Si des professionnels ont compris l’intérêt de diversifier leur parcours, la mobilité reste, pour d’autres, une démarche plus difficile. Pour ces derniers, une mobilité au sein du pôle s’avérera parfois davantage sécurisante qu’à un niveau institutionnel.

L’I. M. : Le terme de « responsabilisation » signifie-t-il que le personnel était, jusqu’ici, irresponsable financièrement ?

J.-R. L. : Il était également responsable avant. Cette expression ne porte pas forcément sur l’aspect économique : elle concerne aussi la démarche qualité ou encore la survenue d’événements indésirables graves associés aux soins, un sujet sur lequel la responsabilité des professionnels est de plus en plus mise en avant, dans la transparence. Il importe de s’inscrire dans une culture positive de l’erreur, de façon à analyser sereinement ses causes et à prévenir le risque.

R. O. : Si la position des cadres est clarifiée, celle des infirmières le sera également. En réalité, les hôpitaux ne sont pas sur-managés, mais sous-managés : il peut arriver que des personnels manquent d’une personne référente pour relayer leurs préoccupations.