Ne passez pas les frontières - L'Infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012

 

MÉDIAS SOCIAUX

JURIDIQUE

Sites, blogs, réseaux sociaux tels Facebook, Viadeo, Linkedin, Myspace, Youtube, Twitter sont autant de lieux d’information et d’échange. Mais, comme la langue d’Esope, les médias sociaux peuvent être la meilleure et la pire des choses.

Les sites et les blogs fleurissent sur le net dans le domaine de la santé. Ils permettent d’informer, mais aussi de se former, d’échanger avec d’autres collègues que ceux fréquentés au quotidien, d’améliorer ses pratiques professionnelles, de faire de la veille, voire de trouver du travail. Le réseau Twitter est l’outil star du moment, même s’il reste encore peu utilisé dans notre pays. S’y échangent des mini-messages (140 signes au maximum) appelés tweets (« gazouillis ») entre utilisateurs (dénommés « followers » ou « followings »). Des spécialistes d’un domaine partagent ainsi les liens et les articles qui leur semblent pertinents et construisent des relations professionnelles avec leurs pairs.

Certains portails facilitent, par ailleurs, les échanges avec les organismes de tutelle, injoignables au téléphone. Il est désormais même devenu possible d’interroger des confrères du monde entier pour exposer un cas clinique difficile.

Les établissements de santé s’y sont également mis. Ils communiquent avec leurs patients par l’intermédiaire de leur site, montrent leurs spécificités et proposent aussi des offres d’emploi. Des blogs sont tenus par des professionnels de santé qui racontent, avec plus ou moins de réussite, le quotidien de leur exercice. Les internautes les lisent, attirés par l’envers du décor.

Sphère professionnelle

Mais l’utilisation de ces nouveaux outils n’est pas sans danger. Très rapidement, l’on oublie que ce n’est pas parce que l’on se trouve seul devant son écran d’ordinateur ou de smartphone que l’on reste dans la sphère du privé. Le « mur » sur la page Facebook n’est pas un journal intime. C’est un espace ouvert. Ce que l’on y écrit sera lu par d’autres personnes plus ou moins bien intentionnées. À force de s’épancher sur ses journées de travail, on arrive à parler de patients traités dans le service, de leur pathologie et de leurs traitements. On donne, sans le vouloir, suffisamment d’éléments pour que l’hôpital, le service, les patients concernés soient identifiés. Et les règles régissant le respect du secret professionnel sont oubliées. Or, leur violation est sanctionnable, sur les plans civil, disciplinaire et pénal. On partage des photos – ou de petits films pris grâce à une fonction du téléphone – de la dernière galette des Rois mangée avec les patients et on « oublie » de leur demander leur accord pour les publier.

Règles déontologiques

Pire, on autorise des journalistes à filmer les patients dans son service psychiatrique, et on se voit condamné par son ordre professionnel à des interdictions temporaires d’exercer, pour non-respect des règles déontologiques. En l’occurrence, ont été reprochés la mention du nom de certains patients, de leurs médicaments et traitements, le non-respect de leur dignité, ainsi qu’une déconsidération de la profession. D’autres se défoulent en parlant de leurs structures et de leurs supérieurs dans des termes diffamatoires, et sont ensuite étonnés de se voir condamnés par les tribunaux et licenciés par leurs employeurs. Les propos anticonfraternels peuvent aussi être sanctionnés. L’article 27 alinéa 3 du projet du Code de déontologie des infirmiers interdit à un infirmier, quel que soit le moyen ou le support de communication utilisé, d’en calomnier un autre, de médire de lui ou de se faire l’écho de propos capables de lui nuire dans l’exercice de sa profession. En droit du travail, toute preuve est recevable, quelle que soit la manière dont elle a été obtenue. C’est ensuite au juge de se prononcer pour savoir s’il accepte ou non de prendre en considération la preuve en question.

Mémoire indélébile

Il en est de même en droit de la famille : des photos de voyage somptueux, aux quatre coins de la terre, publiées sur une page Facebook, risquent de convaincre un juge aux affaires familiales que la pension alimentaire réclamée par l’ex-épouse pour l’éducation des enfants peut parfaitement être payée…

Internet a de la mémoire, et une réputation salie sur le web laisse des traces. C’est ainsi qu’un site proposant aux internautes de noter leur médecin s’est vu mettre en demeure par la Cnil, saisie de plusieurs plaintes, de respecter la législation sur le respect de la vie privée et la protection des données personnelles. De nombreux manquements avaient été relevés : défaut d’information des personnes concernées par la notation, défaut de loyauté dans la collecte des informations, impossibilité pour les personnes de s’opposer à leur fichage. Depuis, le site a disparu…

À SAVOIR

« Veux-tu être mon ami ? »

Peut-on devenir ami avec son patient sur Facebook ? De plus en plus de patients tentent de le faire avec leurs soignants. L’ordre des médecins a rappelé qu’un praticien n’a pas à s’engager dans des relations amicales avec ses patients, pour des raisons éthiques et déontologiques. Il faut maintenir la même distance que celle observée dans la vie réelle. Si, en tant qu’infirmière, vous ne voulez pas être brutale, vous pouvez envoyer un message privé à votre patient, lui expliquant les raisons pour lesquelles vous refusez son invitation.