Les espoirs déçus de la loi médicaments - L'Infirmière Magazine n° 294 du 01/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 294 du 01/02/2012

 

SÉCURITÉ SANITAIRE

ACTUALITÉ

SANDRA SERREPUY  

Après une année de travaux, la loi « relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé » est parue au Journal officiel, le 30 décembre dernier.

Il y aura un avant et un après Mediator. » Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, n’a eu de cesse de répéter ces mots, au fil de l’année qui vient de s’écouler. Une année riche en débats, rapports et autres analyses. Fin 2010, alors que le livre de la pneumologue Irène Frachon, Mediator 150 mg. Combien de morts ?, défraye la chronique depuis plusieurs mois et que les langues se délient, Xavier Bertrand annonce la mise en place des assises du médicament. Les acteurs du système de santé s’y rendent sans se faire prier. Médecins, représentants des agences sanitaires, parlementaires… affirment en chœur vouloir réformer en profondeur le circuit du médicament. L’enthousiasme et l’espoir sont de mise. Pendant plusieurs mois, les différents groupes de travail, créés dans le cadre de ces assises, planchent et produisent des ébauches de réforme.

Déposé au beau milieu de l’été 2011, un texte de loi est discuté dans les deux assemblées tout l’automne. Adoptée définitivement le 20 décembre à l’Assemblée nationale, la loi « relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé » est publiée au Journal officiel, le 30 décembre dernier. Constituée de 48 articles, elle entend apporter plus de clarté et de transparence dans un circuit du médicament à la française accusé de manque de neutralité, et où les experts des différentes agences sanitaires sont soupçonnés de conflits d’intérêt. Mais, sans remettre en cause l’intention réformatrice de départ, le résultat final déçoit. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Sénat, majoritairement à gauche, n’a pas souhaité voter le texte. Ainsi, Bernard Cazeau (PS, Dordogne) atil considéré, qu’aussi « vigoureux et unanimement accueillis » qu’aient été les propos du ministre de la Santé sur le sujet, ils ont, au fil du temps, perdu « de leur fermeté et de leur originalité ». Et de regretter qu’aient été écartées du texte final les mesures que les sénateurs avaient introduites autour du renforcement des droits des victimes (présomption de responsabilité, actions de groupe…). De même, d’aucuns déplorent que la loi ne prévoit rien qui favorise la recherche indépendante.

Liens d’intérêt

À tout le moins, si cette loi se révèle moins ambitieuse qu’attendu, elle s’attaque aux liens d’intérêt entre, d’une part, les agences sanitaires et leurs experts, et, d’autre part, les industries du médicament. Ainsi, l’ensemble des experts intervenant auprès des différentes agences devront-ils satisfaire une obligation de déclaration de leurs liens d’intérêt, avec un historique de cinq ans. Les laboratoires pharmaceutiques devront également rendre publics les avantages et autres rémunérations qu’ils accordent aux professionnels de la santé.

Les agences devront, quant à elles, enregistrer chaque séance et publier chaque compte-rendu. Largement montrée du doigt dans le cadre de l’affaire du Mediator, l’Afssaps disparaît, et devient l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), une agence aux pouvoirs étendus. Ainsi pourra-t-elle demander à l’industrie pharmaceutique des études comparatives afin de prouver l’intérêt supérieur d’un médicament par rapport aux stratégies thérapeutiques de référence.

Ne seront donc, a priori, admis au remboursement que les produits qui auront fait la preuve de leur intérêt. Le texte dispose, par ailleurs, qu’un professionnel de santé qui alerterait les autorités sur la possible nocivité d’un médicament sera protégé de toute sanction ou discrimination, en particulier de la part de son employeur (art. 43).

Implants mammaires

La loi médicaments prévoit, en outre, un meilleur suivi des médicaments au fil du temps, et, notamment, un suivi post-AMM (autorisation de mise sur le marché) plus sérieux. Celui-ci se traduira, entre autres, par une révision quinquennale des AMM par l’ANSM. En outre, désormais, la loi interdit les prescriptions hors AMM, sauf recommandation temporaire d’utilisation émise par l’ANSM, ou à la demande expresse d’un prescripteur pour un patient donné. La mention « prescription lots AMM » devra, par ailleurs, être mentionnée sur les ordonnances. Un groupement d’intérêt public, le GIP Études de santé, aura à réaliser des études de vigilance et d’épidémiologie.

Xavier Bertrand s’est engagé à poursuivre le travail, de manière à ce que les décrets d’application puissent être rapidement pris, condition sine qua non pour une mise en musique diligente de cette réforme, laquelle dépendra aussi de la détermination des membres de l’Agence du médicament, et de la célérité des professionnels de santé à s’approprier cette nouvelle philosophie. Rapidement aussi, le ministre de la Santé aura à se prononcer sur le circuit des dispositifs médicaux.

L’affaire des implants mammaires défectueux de la société Poly Implant Prothèse (PIP) pose, en effet, de nouvelles questions en matière de sécurité sanitaire. Car, à la différence des médicaments, soumis à une autorisation de mise sur le marché, il n’existe pas à ce jour d’AMM pour les dispositifs médicaux. Le 6 janvier dernier, Xavier Bertrand a annoncé vouloir y remédier, préconisant une réforme de la réglementation européenne régissant les dispositifs médicaux.