LA BPCO OU BRONCHOPNEUMOPATHIE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE - L'Infirmière Magazine n° 294 du 01/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 294 du 01/02/2012

 

DOSSIER

L’ESSENTIEL

DENIS RICHARD  

Enjeu majeur de santé publique, la BPCO constitue l’une des causes principales de morbidité et de mortalité dans le monde. Si des médicaments, en réduisant sa sévérité, contribuent à améliorer la qualité de vie des patients, la démarche la plus efficace reste la suppression du tabagisme. Les traitements médicamenteux – prescription de bronchodilatateurs, de corticoïdes, et oxygénothérapie – peuvent être complétés par la réhabilitation respiratoire dès le stade modéré de la maladie, en particulier dans le cadre de l’éducation thérapeutique. La prise en charge débute par un diagnostic éducatif personnalisé, qui permet aux patients de prendre en main la gestion de leur maladie. Le rôle des équipes soignantes, où l’infirmière apporte conseil et soutien, est, ensuite, de les accompagner, généralement lors d’ateliers collectifs. Grâce aux échanges d’expérience, la stratégie thérapeutique de chacun sera optimisée.

1. DESCRIPTION

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire définie par une obstruction permanente et progressive des voies aériennes pouvant avoir un retentissement systémique. Première des causes d’insuffisance respiratoire chronique, elle est à l’origine d’une morbidité (handicap, exacerbations, complications, comorbidités incluant un isolement social progressif du patient) et d’une mortalité importantes (voir Chiffres p. 37). Le tabac est le principal facteur expliquant la survenue d’une BPCO mais n’est pas le seul polluant atmosphérique impliqué (ozone, dioxyde d’azote ou de soufre, polluants domestiques, travail dans les mines, le bâtiment, la sidérurgie, le textile…). Autres facteurs de risque : la prématurité ; le tabagisme passif durant la grossesse ; des facteurs génétiques ; des infections bronchiques virales infantiles (virus syncytial) favoriseraient la survenue ultérieure d’une BPCO.

Fibrose et lésions

Le trouble ventilatoire obstructif a pour origine l’altération morphologique des bronchioles, dont la lumière se rétrécit. L’épithélium, très inflammé (notamment dans la phase précoce de la maladie) est peu à peu envahi par un tissu fibreux inélastique ; parallèlement, les fibres lisses péribronchiques s’épaississent. Cette fibrose, une fois constituée, est irréversible – contrairement à l’inflammation. S’y ajoutent des lésions emphysémateuses, avec distension des espaces aériens et destruction des cloisons inter-alvéolaires, participant à la réduction de la capacité ventilatoire car elles limitent les capacités de rétractation élastique du poumon.

L’augmentation des résistances aux flux gazeux induit un accroissement de la charge mécanique respiratoire passive mais aussi de la charge active du fait des difficultés à l’expiration. L’air inspiré est inégalement réparti dans les poumons et la destruction alvéolaire réduit les échanges gazeux. Ces anomalies structurales pulmonaires sont à l’origine d’une hypoxémie qu’accompagne tardivement une hypercapnie.

Évolution

La diminution progressive des débits expiratoires, inéluctable en l’absence de traitement et de suppression du tabagisme, est comprise entre 30 et 80 mL/an. Des exacerbations aiguës de plus en plus sévères émaillent l’évolution de l’affection : elles sont le plus souvent induites par des infections virales ou bactériennes (Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae). La survenue d’un cancer bronchique est plus fréquente chez les sujets souffrant de BPCO que dans la population générale.

2. SIGNES D’ALERTE

Triade symptomatique

La BPCO peut s’accompagner de toux/ expectorations/dyspnée.

→ La toux : elle est volontiers matinale, à prédominance hivernale. Elle finit souvent par devenir permanente. C’est un signe d’alerte généralement négligé par les patients. Pourtant, il faut suspecter l’existence d’une BPCO devant l’observation quotidienne d’une toux et d’expectorations chroniques, pendant au moins trois mois chaque année deux années successives : quelque 20 % des sujets présentant une semblable bronchite chronique développent, à terme, une dyspnée.

→ Les expectorations : la toux est souvent productive (les fluidifiants bronchiques n’ont cependant pas d’intérêt dans ce cas).

→ La dyspnée : signe d’alerte d’apparition insidieuse et tardive, finissant par pousser le patient à consulter, elle s’observe d’abord uniquement lors d’efforts physiques (sport, montée d’un escalier, port d’une charge lourde…). S’aggravant avec le temps, elle finit par s’observer même au repos, et est majorée par les épisodes infectieux. L’importance de la difficulté respiratoire est corrélée à la sévérité du trouble ventilatoire obstructif apprécié par la spirométrie (VEMS souvent compris entre 1 000 et 1 500 mL). Lorsque la dyspnée est le seul signe de BPCO, la maladie est souvent associée à des lésions emphysémateuses. Des épisodes de « wheezing« » (sifflement expiratoire) suggèrent une réversibilité de l’obstruction bronchique.

Signes divers

On ne doit pas considérer la BPCO comme une simple affection respiratoire. C’est, en effet, une véritable maladie sys­témique, retentissant sur tout l’organisme.

Ainsi :

→ Des troubles thymiques (dépression) et des troubles mnésiques sont fréquents dès que la PaO2 est inférieure à 65 mmHg. Des troubles du sommeil (somnolence diurne, ronflements, céphalées matinales) traduisent une hypoxémie nocturne avec ou sans apnée du sommeil.

→ L’hypoxie peut induire une cyanose des extrémités. Plus grave : elle induit une amyotrophie progressive qu’entretient le handicap respiratoire. De ce fait, l’activité physique du patient est peu à peu réduite, ce qui accentue encore la fonte musculaire. Il est, à ce titre, indispensable de suivre l’évolution de l’indice de masse corporelle (IMC) du patient.

→ L’insuffisance ventriculaire droite peut être à l’origine d’un œdème des membres inférieurs.

Des douleurs thoraciques, possibles mais très inhabituelles dans la BPCO, inviteront à rechercher une embolie pulmonaire, un pneumothorax, une œsophagite ou un reflux gastro-œsophagien. Une hémoptysie (crachats sanguinolents) doit faire rechercher un cancer bronchique ou une insuffisance cardiaque gauche. Parmi de nombreuses échelles, le score composite « BODE » (Body mass index, Obstruction, Dyspnea, Exercice capacity) (2004) semble le meilleur facteur prédictif de la survie ; il prédit mieux la mortalité que chacun de ces composants considéré isolément.

3. ÉTAPES DU DIAGNOSTIC

La recherche d’une BPCO devrait être proposée systématiquement aux patients à risque, en premier lieu aux fumeurs de plus de 40 ans. Le diagnostic mérite d’être porté avec grand soin car les symptômes peuvent être en rapport avec une autre pathologie pulmonaire et, notamment, avec une complication du tabagisme (cancer bronchique) ou avec une maladie associée (cardiopathie, par exemple). La démarche diagnostique est réalisée en plusieurs étapes : observation clinique, dépistage d’une éventuelle anomalie du souffle à l’aide d’un débitmètre de pointe (« peak-flow ») ou d’un spiromètre, d’une radiographie… Ce diagnostic implique donc des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) de repos.

→ La spirométrie constitue l’étalon pour classifier la sévérité de la BPCO en quatre stades (voir tableau). Cet examen simple (mini-spiromètre électronique mis en œuvre par le médecin de famille) mesure la capacité vitale (CV) et le VEMS au cours d’une épreuve d’expiration forcée. Une diminution du coefficient de Tiffeneau (rapport VEMS/CV) en dessous de 70 % confirme la réalité du trouble ventilatoire. Une BPCO reste d’intensité peu sévère si le VEMS est ≥ 80 % ; elle est très sévère lorsqu’il chute à < 30 %.

→ La pléthysmographie permet d’apprécier la résistance des voies aériennes ou la capacité résiduelle fonctionnelle.

→ Les tests dits de « réversibilité« » : pratiqués en observant la réponse à l’administration d’un médicament bronchodilatateur (bêta-2-mimé­tique), ces tests permettent d’éliminer un diagnostic d’asthme ou d’hyperréactivité bronchique car le VEMS n’est pas modifié en cas de BPCO. Une amélioration de plus de 10 % du VEMS par rapport à la valeur théorique constitue un critère de réversibilité et de bon pronostic à long terme (bien qu’une amélioration des signes fonctionnels puisse être observée lors d’un traitement au long cours, même en l’absence d’impact d’une administration ponctuelle). L’inefficacité des bronchodilatateurs fait proposer un test aux corticoïdes sur deux semaines.

→ La radiographie pulmonaire ne permet pas de poser un diagnostic de BPCO mais de repérer ses complications : distension pulmonaire (emphysème), infection pulmonaire, pneumo­thorax, hypertension artérielle pulmonaire…, ou de découvrir une tumeur. Le scanner thoracique, de meilleure sensibilité, facilite le diagnostic d’emphysème pulmonaire, dont il révèle la topographie.

→ La fibroscopie bronchique, réalisée, notamment, chez un sujet tabagique ou anciennement tabagique ou en cas d’évolution brutale de l’affection, vise à éliminer un diagnostic de cancer.

→ L’électrocardiogramme, indiqué chez tous les patients, recherche des signes d’hypertrophie ventriculaire droite ou des complications cardiaques liées au tabagisme.

→ Une BPCO sévère justifie la recherche d’une éventuelle hypoxémie (gazométrie artérielle, numération formule sanguine à la recherche d’une polyglobulie).

GLOSSAIRE

→ Emphysème : destruction des espaces aériens pulmonaires, au-delà des bronchioles terminales, source d’augmentation du volume résiduel.

→ Gazométrie artérielle : dosage des gaz dissous dans le sang artériel et détermination du ph du sang.

→ Hypercapnie : surcharge du sang artériel en CO2.

→ Hypoxémie : diminution de la pression partielle en oxygène dans le sang artériel.

→ Pléthysmographie : technique permettant d’évaluer les variations de pression ou de volume du thorax et de mesurer la capacité pulmonaire totale et la résistance des voies aériennes.

→ Spirométrie : évaluation des débits respiratoires.

→ VEMS (volume expiratoire maximal en une seconde) : volume d’air expiré pendant la première seconde d’une expiration dite « forcée », suite à une inspiration profonde.