CURIETHÉRAPIE DANS LE TRAITEMENT DES SARCOMES EN PÉDIATRIE - L'Infirmière Magazine n° 288 du 01/11/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 288 du 01/11/2011

 

DOSSIER

L’ESSENTIEL

La curiethérapie est une modalité de radiothérapie qui consiste à placer la source des radiations dans la tumeur même ou à proximité immédiate afin de préserver les tissus sains alentour. En pédiatrie, elle est employée, principalement, pour traiter les rhabdomyosarcomes. Actuellement, rares dans le monde sont les centres qui proposent ce type de prise en charge où la pluridisciplinarité est de mise. L’équipe de l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif) fait figure de référence mondiale en la matière. Autre spécificité de cet établissement : les soins infirmiers pédiatriques sont assurés par les infirmières et les aides-soignantes du service de curiethérapie adultes. Outre les soins techniques spécifiques, notamment pour le traitement de la douleur, ces dernières assurent une démarche éducative constante vis-à-vis des jeunes patients et de leur famille.

La curiethérapie présente un avantage thérapeutique fondamental, liée à ses caractéristiques balistiques. Celles-ci se caractérisent par un gradient de dose élevé correspondant aux propriétés physiques du radioélément utilisé. Cette technique permet d’épargner les tissus sains en délivrant des doses très élevées dans le volume tumoral (voir encadré p. 33). Elle peut être considérée, dans certaines localisations tumorales, comme une alternative à une chirurgie mutilante : dans les tumeurs du vagin, elle évite une colpectomie et/ou une hystérectomie ; dans les tumeurs vésico-prostatiques, elle permet la conservation de la prostate et de la vessie. La curiethérapie est utilisée en pathologie cancérologique pédiatrique, et, en particulier, dans la prise en charge des sarcomes des tissus mous les plus fréquents chez l’enfant : les rhabdomyosarcomes. Ces tumeurs se caractérisent par leur chimiosensibilité. Un traitement local est nécessaire en cas de reliquat tumoral post-chimiothérapie.

1. LES INDICATIONS

Les indications de la curiethérapie reposent sur l’accessibilité, la taille de la tumeur et la proximité de certains organes à risque, comme la vessie et le rectum. Le volume traité par curiethérapie correspond au volume tumoral résiduel après chimiothérapie. Afin d’optimiser la balistique, il est important que le curiethérapeute examine l’enfant dès la phase diagnostique. D’une façon générale, il est difficile de traiter par curiethérapie exclusive des tumeurs dont la taille est supérieure à 40 mm dans leur plus grand axe.

Les rhabdomyosarcomes gynécologiques

Les tumeurs vaginales représentent une indication idéale à la réalisation d’un traitement par curiethérapie. La technique de l’appareil moulé vaginal permet une adaptation parfaite à la topographie et à l’extension tumorales. La curiethérapie évite la colpectomie, voire l’hystérectomie, et s’intègre ainsi à un traitement conservateur. En cas de tumeurs résiduelles volumineuses après chimiothérapie, une chirurgie d’exérèse peut précéder la curiethérapie, ce d’autant que les rhabdomyosarcomes sont fréquemment des tumeurs pédiculées. Une exérèse limitée sans obtention systématique d’une résection complète peut rendre accessible à une curiethérapie une tumeur bourgeonnante et pédiculée. Dans ce cas, la curiethérapie sera limitée au traitement du pied d’implantation de la tumeur. Dans tous les cas, la curiethérapie sera précédée d’une évaluation de la dose reçue au niveau des ovaires. À l’exception de localisations tumorales situées très bas, la curiethérapie sera précédée d’une transposition ovarienne temporaire.

Les rhabdomyosarcomes vésico-prostatiques

La curiethérapie entre dans le cadre d’un traitement conservateur, elle est toujours réalisée en peropératoire. Ces tumeurs sont, le plus souvent, de localisation à fois vésicale et prostatique. Le principe est de traiter par chirurgie la partie vésicale de la tumeur et par curiethérapie la région prostatique. La technique de curiethérapie consiste à mettre en place par voie périnéale deux boucles qui passent en pont de part et d’autre de la prostate.

2. LES TECHNIQUES

Les techniques de curiethérapie dépendent des localisations tumorales. On distingue essentiellement deux types de curiethérapie : la curiethérapie endocavitaire et la curiethérapie interstitielle.

La curiethérapie endocavitaire

Une cavité naturelle est utilisée et va servir de support à la mise en place du matériel radioactif. La curiethérapie vaginale illustre cette approche. À l’Institut Gustave-Roussy (IGR), la technique utilisée est celle de l’appareil moulé vaginal (même méthode que celle employée chez l’adulte). La première étape consiste en une prise d’empreinte du vagin – chez l’enfant, elle est effectuée sous anesthésie générale. Après mise en place de deux compresses en regard des culs-de-sac vaginaux qui sortent au niveau vulvaire, la cavité vaginale est remplie d’alginate, qui est une pâte à durcissement rapide (Zelgan) introduite dans le vagin à l’aide d’une seringue. Une fois la pâte solidifiée, l’empreinte est extraite : elle permet de déterminer avec précision la taille et la topographie tumorales. L’appareil moulé vaginal confectionné, des cathéters peuvent être placés à la demande, en fonction de la topographie tumorale. Ces cathéters recevront secondairement les sources radioactives, réalisant une irradiation sélective et très localisée. Une sonde de lavage est également incorporée à l’applicateur, permettant des soins locaux pour éviter les surinfections locales. Le moule ainsi confectionné est prêt à être mis en place. Cette procédure est également effectuée sous anesthésie générale.

La curiethérapie interstitielle

Ce type de curiethérapie nécessite d’implanter des vecteurs à l’intérieur même de la tumeur. Ces vecteurs se présentent sous forme de cathéters fins et creux, permettant le passage ultérieur de la ou des sources radioactives. Ces implantations sont réalisées soit de façon exclusive, soit en peropératoire, comme dans les tumeurs vésico-prostatiques. La géométrie des applications répond à certaines règles, correspondant au « système de Paris », les sources devant être parallèles et équidistantes. Ces règles évitent les zones de sous ou de surdosage, permettent une dosimétrie dans des conditions optimales et sont donc fondamentales en curiethérapie.

3. LES DIFFÉRENTES MODALITÉS D’IRRADIATION

Il existe plusieurs types de curiethérapie : la curiethérapie à bas débit de dose, la curiethérapie à débit pulsé et la curiethérapie à haut débit de dose.

La curiethérapie à bas débit de dose

C’est le type de curiethérapie qui a été le plus utilisé en pédiatrie. Une fois les vecteurs radioactifs mis en place, soit dans le cadre d’une curiethérapie endocavitaire, soit dans le cadre d’une curiethérapie interstitielle, un chargement manuel est effectué avec des sources radioactives d’iridium 192. Ce radioélément se présente sous forme de fils sécables, avec deux diamètres disponibles : 0,3 mm et 0,5 mm. La longueur des fils dépend de la longueur tumorale. Une fois mis en place, les fils radioactifs sont laissés le temps du traitement, environ six jours. Des radiographies de contrôle sont généralement réalisées au milieu du temps d’irradiation, afin de s’assurer de l’absence de modifications de la géométrie de l’application. En cas de variations, une nouvelle dosimétrie peut être réalisée et le temps de traitement sera éventuellement légèrement modifié. Au terme du traitement, les sources radioactives et leurs vecteurs sont enlevés, si nécessaire sous anesthésie générale. Ce type de débit présente l’avantage de laisser l’enfant libre de ses mouvements, puisqu’il n’est relié à aucun projecteur de source. En revanche, la présence permanente de sources radioactives dans l’environnement immédiat de l’enfant limite les visites. Un paravent plombé est placé dans la chambre, derrière lequel soignants et visiteurs devront se tenir.

La curiethérapie à débit pulsé

Dans ce type d’irradiation, une source radioactive d’iridium 192 d’une activité maximale de 0,5 curie est maintenue dans un projecteur de source. Une fois par heure, 24 h/24, la source est pulsée de son conteneur pour irradier petit à petit la zone souhaitée. Chaque pulse dure 15 à 40 minutes. Pendant l’irradiation, l’enfant doit rester seul, mais, entre chaque pulse, les visiteurs peuvent rester dans la chambre. La dose par pulse est de 40 à 50 cGy, ce qui correspond à une dose de 10 Gy par jour, comme en curiethérapie à bas débit de dose. Cette technique permet plus de liberté dans les visites. Elle nécessite que l’enfant accepte d’être relié en permanence au projecteur via des câbles et supporte le bruit du projecteur en phase de pulse. En pratique, il est extrêmement difficile de proposer ce type d’irradiation aux enfants de moins de 7 ans.

La curiethérapie à haut débit de dose

Dans ce type de traitement, la source d’iridium 192 utilisée a une activité très élevée de l’ordre de 10 curies. De ce fait, la source est contenue dans un bunker et les conditions de traitement sont identiques à celles d’une irradiation externe. En pédiatrie, ce type d’irradiation reste d’utilisation très limitée. En France, à ce jour, aucune expérience utilisant la curiethérapie à haut débit de dose n’a été rapportée en pédiatrie.

Quoi qu’il en soit, il est important de retenir que la curiethérapie pédiatrique s’intègre dans une démarche pluridisciplinaire indispensable à la prise en charge des enfants. Elle impose donc une collaboration étroite entre radiologues, chirurgiens et pédiatres.

PUBLICATIONS

Résultats après traitement

Peu d’institutions ont, à ce jour, rapporté leur expérience.

→ Dans les tumeurs gynécologiques, l’IGR a rapporté les résultats portant sur 39 enfants traitées par curiethérapie. Avec un suivi médian de 8,4 ans, la survie globale à 5 ans était de 91 %. Vingt enfants avaient au moins 12 ans au dernier suivi : 17 avaient présenté ou débutaient une puberté normale, 14 étaient réglées normalement et 3 avaient accouché de quatre enfants en bonne santé.

→ S’agissant des rhabdomyosarcomes vésico-prostatiques, les résultats de la curiethérapie dans ce type de localisation ont été essentiellement publiés par des équipes dont les enfants avaient reçu leur curiethérapie à l’IGR. La dernière publication a rapporté une série de 26 malades. Avec un recul moyen de 4 ans, 24 enfants sont vivants. Parmi eux, 22 sont en rémission clinique et radiologique après ce traitement de première intention.

DOSIMÉTRIE

Quelle que soit la technique utilisée, curiethérapie endocavitaire ou interstitielle, une dose de 60 grays (Gy) équivalente à 2 Gy par fraction (EQD2) est délivrée, soit à bas débit de dose, soit à débit pulsé. La dose est, en moyenne, de 10 Gy par jour, ce qui permet de minimiser les conséquences au niveau des tissus sains - le débit jouant un rôle fondamental dans la survenue des complications. Compte tenu de la petite taille des volumes traités par curiethérapie, il est difficile de diminuer la dose totale en dessous de 60 Gy.