LES SOIGNANTS MAL PROTÉGÉS - L'Infirmière Magazine n° 286 du 01/10/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 286 du 01/10/2011

 

VACCINATION

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES … COLLOQUES

Une enquête inédite permet d’appréhender la couverture vaccinale des professionnels de santé. Si les taux sont plutôt bons pour les vaccinations obligatoires, ils s’avèrent très insuffisants pour les vaccinations recommandées, et les infirmières sont à la traîne.

Prévenir les épidémies de rougeole, de coqueluche ou encore de grippe « est une préoccupation croissante dans nos établissements de soins », soulignait le professeur Daniel Floret lors du 22e congrès de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) organisé en juin à Lyon(1). En 2010, sur une soixantaine de cas de rougeole nosocomiale déclarés, les malades étaient le plus souvent des soignants. Pour le Pr Floret, pédiatre à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Bron, près de Lyon, il est donc urgent de « mettre en place une prévention en milieu de soins ». C’est-à-dire d’augmenter la couverture vaccinale des professionnels de santé, insuffisamment protégés.

C’est ce que confirme l’enquête Vaxisoin(2), réalisée en 2009 par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et dont les résultats ont été présentés au congrès de la SF2H. Des travaux inédits, comme l’a souligné le Dr Jean-Paul Guthmann, épidémiologiste à l’InVS. « De façon surprenante, bien que la question de la transmission des maladies infectieuses soit une problématique actuelle, nous n’avions pas une vision claire de la couverture vaccinale dans les établissements de soins en France. »

Médecins mieux couverts

Quels sont les enseignements de Vaxisoin, menée dans 35 établissements, auprès de 452 médecins, infirmières, sages-femmes et aides-soignantes ? « Les soignants sont globalement bien couverts par les vaccinations obligatoires », qui comprennent le vaccin contre l’hépatite B, le rappel DT Polio et le BCG, contre la tuberculose : les taux de couverture vaccinale dépassent 90 %, tous soignants confondus. En revanche, ces taux sont nettement plus bas en ce qui concerne les vaccinations recommandées. Ainsi, à peine la moitié des sondés (49,7 %) avaient reçu au moins une dose de vaccin contre la rougeole ; un quart (25,6 %) étaient vaccinés contre la grippe, et moins d’un sur trois (29,9 %) contre la varicelle. Cette enquête a mis en évidence des différences entre les catégories professionnelles : 55 % des médecins étaient vaccinés contre la grippe, contre seulement 24,4 % des infirmières. « Ces résultats mesurent bien ce que l’on pressentait  », a déclaré le Dr Jean-Paul Guthmann avant d’en appeler à des actions de promotion de la vaccination auprès de tous les personnels soignants.

1– Tous les propos rapportés dans cet article y ont été tenus.

2– L’enquête devait paraître le 27 septembre dans un numéro thématique du Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire sur le thème « Vaccinations et risque infectieux chez le personnel des établissements de santé ».

QUESTIONS À…

« Convaincre en priorité les infirmières »

DR OLIVIER ROBERT MÉDECIN DU PERSONNEL À L’HÔPITAL ÉDOUARD-HERRIOT DE LYON

L’I. M. : La confiance dans les vaccins est-elle au plus bas ?

O. R. : Oui, depuis la Seconde Guerre mondiale, elle n’a jamais été aussi basse. Fin 1990, les attaques contre le vaccin anti-hépatite B avaient déjà semé le germe de la suspicion, qui s’est encore renforcée avec la très mauvaise gestion de la grippe A(H1N1) de 2009.

La perte de confiance est importante. Aujourd’hui, nous constatons que seuls 25 % des professionnels de santé se vaccinent contre la grippe.

L’I. M. : Comment se positionnent les IDE ?

O. R. : Les études montrent qu’elles sont les plus réticentes. Je me suis aussi aperçu que les discours les plus virulents contre la vaccination sont le fait d’infimières. Est-ce par opposition au corps médical ? Nous devons convaincre en priorité les infirmières du bien-fondé de la vaccination, car elles représentent le corps sanitaire le plus nombreux à l’hôpital et le plus en contact avec les patients.

L’I. M. : La peur de l’aiguille est un frein, même chez les soignants…

O. R. : L’un des principaux motifs de non-vaccination est la peur d’avoir mal. Viennent ensuite le mythe de l’invulnérabilité, puis la crainte des effets secondaires. On oublie qu’il y a cinquante ans, les enfants mouraient de coqueluche, de diphtérie, de rougeole…

PROPOS RECUEILLIS PAR S. J.