UNE LOI TRÈS MODÉREMENT CONSENTIE - L'Infirmière Magazine n° 283 du 15/07/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 283 du 15/07/2011

 

PSYCHIATRIE

ACTUALITÉ

Promulguée à la va-vite, la loi réformant les soins contraints en psychiatrie est bancale… de l’avis même de ses promoteurs.

La psychiatrie a besoin de débats, elle a aussi besoin de consensus », déclarait Nora Berra aux députés sur le point d’adopter, en troisième lecture, le projet de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie(1). Hélas, si consensus il y a, c’est plutôt pour déplorer une occasion ratée, celle d’une grande loi refondant la santé mentale et la psychiatrie en France. Au lieu de quoi, le texte, focalisé sur les soins sans consentement, présente des incohérences susceptibles de peser sur son applicabilité dès le 1er août (comme le prévoit le texte).

Depuis la première lecture à l’Assemblée nationale (lire notre n° 276), deux modifications substantielles ont été apportées par le Sénat. L’une donne le dernier mot au psychiatre en cas de désaccord avec le préfet sur une sortie d’hospitalisation contrainte complète, et l’autre, issue des bancs socialistes, mentionne la sectorisation psychiatrique dans l’organisation territoriale des soins. La première, qui correspondait à une demande forte des psychiatres et des usagers, a été introduite par un amendement gouvernemental en seconde lecture au Sénat, faute de quoi tout un article de la loi eût été frappé d’inconstitutionnalité, suite à une décision des Sages(2). La nouvelle version prévoit l’avis d’un second psychiatre quand le préfet refuse de suivre l’avis du psychiatre demandant la levée d’une hospitalisation complète sur décision du représentant de l’État (ex-hospitalisation d’office). Cet autre avis devra être rendu dans les 72 heures. Si les deux avis médicaux concordent, le préfet devra obtempérer. Dans le cas contraire, un juge des libertés et de la détention (JLD) sera saisi.

Contrôle systématique

Problème : un autre article prévoit, en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet, la saisine automatique du JLD… « Cela conduira le directeur d’établissement à engager deux procédures parallèles », a observé le rapporteur Guy Lefrand, admettant que les deux dispositions sont, en partie, incompatibles.

Mais, dans l’immédiat, c’est une autre mesure qui risque de poser de gros problèmes d’organisation dans les services : l’obligation de faire systématiquement contrôler par le juge des libertés et de la détention, dans un délai maximum de quinze jours, puis de six mois, toutes les hospitalisations sans consentement.

La loi prévoit trois modalités pour exercer ce contrôle : soit le patient est transféré au tribunal, soit le juge se déplace dans l’établissement, soit l’entretien se déroule par visioconférence. Tout en soutenant le texte, le député Jean-Luc Préel (NC) a pointé les prévisibles difficultés inhérentes à la multiplication des certificats médicaux et à la disponibilité des JLD pour traiter environ 70 000 décisions par an – contre 1 000 actuellement –, selon une projection gouvernementale. Sans parler du délicat déplacement du malade au tribunal ou du transport du juge et du greffier vers l’hôpital, surtout en plein mois d’août, quand effectifs soignants et judiciaires sont amputés en raison des congés…

1– La loi du 5 juillet 2011 « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » qui réforme la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, est parue au Journal officiel le 6 juillet.

2 –Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil consti - tutionnel, dans un avis du 9 juin, a considéré que l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique devait être déclaré contraire à la Constitution.

ET BIENTÔT…

Le plan Santé mentale

→ La secrétaire d’État en charge de la Santé a installé, le 27 juin, le comité d’orientation du futur plan de santé mentale qui doit énoncer les grandes orientations en matière de santé mentale et de psychiatrie pour les années à venir. Sous le pilotage du directeur général de la Santé Jean-Yves Grall, ce plan devra être « finalisé avant la fin de l’année ». Pour les infirmiers, seul siège pour l’instant le Cefi-Psy, en la personne de sa présidente Annick Perrin-Niquet. « Nous avons reçu l’invitation le 24 juin pour le 27 », a-t-elle témoigné.